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«Les syndicats des autres pays envient notre index»
TEXTE Bram Van Vaerenbergh | PHOTO Shutterstock | TEMPS DE LECTURE: 4 MINUTES | 8 FÉVRIER 2023
«L’indexation automatique des salaires n’existe qu’en Belgique.» Nous entendons trop souvent cette formule et l’on nous assimile à des petits pays comme le Luxembourg, Chypre ou Malte. D’autres pays appliquent l’indexation des salaires mais quelle est la différence avec la Belgique? Ce système d’indexation est largement répandu: (presque) tous les travailleurs ont droit à une indexation automatique des salaires.
Nous pouvons – nous devrions, même – être fiers de notre index. Le système d’indexation belge suscite un grand intérêt à l’étranger, jusqu’au Japon. «Cet intérêt va effectivement croissant: de nombreux autres pays – essentiellement européens – s’interrogent sur le fonctionnement de notre système, déclare Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC. La Confédération européenne des syndicats (CES) marque également son intérêt. Les autres pays sont surtout intéressés par nos différents types d’indexation. Chaque système a ses avantages et ses inconvénients, mais à moyen terme, les différents types d’indexation constituent un atout.»
«Ce qui est unique dans notre système, c’est qu’il s’applique à l’ensemble du marché du travail ainsi qu’à la population inactive: toutes les allocations et les pensions sont également liées à l’index. L’OCDE et le FMI s’opposent à ce système et plaident pour son abolition. Or, ces organismes oublient de mentionner qu’ils appliquent eux-mêmes un système d’indexation automatique de leurs salaires, financé par les États membres, poursuit Marie-Hélène Ska. En Belgique, 98% des travailleurs sont couverts par un mécanisme d’indexation institutionnalisé. Seul le Luxembourg fait mieux que notre pays.».
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«Nos campagnes de sensibilisation à l’index ont permis à chacun de prendre conscience de son importance.
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Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC
Décalage
Autre élément particulièrement unique dans le système belge: les allocations et les salaires minimums sont liés à l’index. «Je pense que c’est peut-être l’élément le plus important dans l’ensemble de ce système, déclare Torsten Müller, chercheur à l’ETUI, le centre de recherche de la Confédération européenne des syndicats (CES). Grâce au système belge, les salaires minimums ont été adaptés six fois – quasi instantanément – au cours de l’année écoulée. C’est important pour ce groupe de personnes qui ressent la crise très rapidement. Les salaires minimum ont également été adaptés à l’étranger, mais il y a toujours un décalage. Nous constatons en outre qu’en Espagne et aux Pays-Bas, les syndicats sont de plus en plus nombreux à vouloir inscrire des mécanismes d’indexation dans les conventions collectives. De plus en plus de pays essaient d’adopter une sorte d’indexation lorsqu’ils négocient les salaires.»
Il ressort d’une étude de la KULeuven que l’indexation automatique est de loin la meilleure protection contre l’érosion du pouvoir d›achat, surtout cette année avec la forte hausse des prix de l’énergie. Nos salaires réels ont baissé – en raison du décalage du mécanisme d’indexation – mais cette baisse est moins prononcée qu’aux Pays-Bas et en Allemagne. «En Allemagne, il existe des accords dans certains secteurs, mais ils n’ont pas d’accords interprofessionnels comme les nôtres. Les petites entreprises qui ne relèvent pas de ces accords sectoriels sont laissées pour compte, explique encore Marie-Hélène Ska. Nous constatons que les travailleurs mènent des actions importantes en Grande-Bretagne et en France. Elles sont systématiquement motivées par les bas salaires face à l’inflation galopante. Les citoyens se sentent abandonnés à leur sort.»
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«La principale caractéristique du système belge? Les salaires minimums sont adaptés quasi instantanément.»
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Torsten Müller, chercheur à l’ETUI
Les années 1970
Notons que de nombreux pays ont supprimé l’indexation automatique des salaires dans les années 1970, lorsque – comme aujourd’hui – l’inflation était très élevée. Pourquoi la Belgique a-t-elle maintenu l’indexation? «C’est une constante dans notre histoire: nous avons toujours été attentifs à l’indexation, même dans les années 1970, pendant la crise énergétique. Nous avons toujours mené campagne autour de l’index, et cette sensibilisation a permis à chacun de prendre conscience de son importance. Le fait que nous ayons continué à défendre l’indexation garantit un calme relatif et une paix sociale, sans grandes actions telles que celles dont nous sommes témoins à l’étranger», déclare Marie-Hélène Ska.
Torsten Müller confirme ce constat. «C’est certainement remarquable, car même dans des pays comme le Danemark, la France, l’Italie et les Pays-Bas – qui ont supprimé l’indexation dans les années 1980 et 1990 – les syndicats étaient puissants. Leurs opposants sont pourtant parvenus à faire supprimer l’indexation. La Belgique a toujours eu une solide tradition autour de l’index, alors que ce n’était pas le cas en Allemagne par exemple.»
«Il y a bien des ballons d’essai pour adapter le calcul de l’indexation, mais ce système est le meilleur moyen de lutter contre l’inflation. Quand vous avez de la fièvre, vous utilisez un thermomètre pour déterminer le traitement à prendre. Le mécanisme d’indexation est le seul thermomètre correct dans ce domaine», conclut Marie-Hélène Ska.