/De meilleures conditions de travail pour les travailleurs migrants
TEXTE Stefaan Peirsman | PHOTO Shutterstock | TEMPS DE LECTURE: 3-4 MINUTES | 23 SEPTEMBRE 2023
Juste avant les vacances estivales, le 7 juillet 2023, le gouvernement fédéral et les exécutifs régionaux se sont réunis, après une (très) longue préparation, pour une conférence interministérielle sur la migration de main-d’œuvre. Quelques avancées importantes sont à souligner pour les travailleuses et travailleurs migrants.
L'ACTU /
Mieux protéger les migrants économiques
Presque tous les pays de l’Union européenne sont confrontés à des pénuries sur le marché de l’emploi. Les employeurs se tournent dès lors de plus en plus vers des travailleurs potentiels extra-européens. Les demandes de migration économique ou de main-d’œuvre doublent quasiment chaque année. Depuis 2019, il est possible de demander un «permis de travail combiné» pour certains métiers en pénurie de moyenne qualification. Concrètement, le permis de séjour et la carte de travail sont délivrés conjointement au travailleur migrant, à la demande de l’employeur qui introduit la demande.
Mais l’octroi des permis ouvre également la voie à des abus tels que la «fraude aux visas» et à l’exploitation des travailleurs migrants. Borealis en a été l’illustration criante. En été 2022, il a été découvert que cette entreprise de grande renommée employait des centaines de travailleurs avec de faux contrats.
La conférence interministérielle a été l’occasion de conclure des accords entre le gouvernement fédéral et les Régions afin de définir des motifs de refus supplémentaires et d’offrir une meilleure protection aux travailleurs migrants via une meilleure information. Ce dernier point, surtout, est particulièrement important pour nous: un tra---
vailleur informé est un travailleur protégé!
Mais l’accord ne tient pas compte de notre revendication d’obliger les travailleurs migrants à suivre dès leur arrivée un cours de «droit du travail» ou un cours d’intégration «light». Toutefois, si des abus sont constatés ou si les migrants économiques se voient retirer leur visa, Actiris, le Forem ou le VDAB les aide pendant 180 jours à chercher un nouvel emploi. L’employeur prend en charge les frais liés à la recherche d’un nouvel emploi, le coût de la migration et les demandes de visa.
Ces étapes vont dans le bon sens mais, à part quelques autres adaptations techniques, l’accord est trop limité pour offrir une protection suffisante. Ainsi, les parties ne se sont pas entendues sur le logement du migrant économique ou le fait de faciliter le changement d’emploi.
De plus, bien qu’il soit extrêmement complexe, le sujet des quelques 150.000 (travailleuses et travailleurs) sans-papiers de Belgique ne figurait pas à l’ordre du jour de la conférence. Le problème s’aggrave de jour en jour, avec toujours plus d’abus et d’exploitation dans les entreprises.
Offrir un emploi aux demandeurs d’asile
En Belgique, les demandeurs d’asile peuvent travailler quatre mois après avoir fait leur demande. Depuis l’an dernier, on essaie de canaliser la recherche d’un emploi au sein des centres d’accueil. Fedasil a créé une cellule d’activation et des accords sont actuellement conclus entre le Forem, Actiris et le VDAB pour accompagner les demandeurs vers un emploi. Si, après un certain temps, les demandeurs d’asile reçoivent l’ordre de quitter le territoire, ils perdent directement leur droit de travailler. Bien que beaucoup de ces travailleurs migrants pourraient exercer des métiers en pénurie, aucune ouverture n’est faite pour leur accorder un visa temporaire et un permis de travail combiné qui leur permettrait de continuer à travailler à l’issue de leur procédure. Dans ce domaine aussi, le gouvernement souffle le chaud et le froid: il accorde l’accès au marché du travail, mais en même temps il met des balises qui ne sont pas favorables aux entreprises.
De plus, et ceci ne figure pas dans la conférence interministérielle, les demandeurs d’asile qui ont travaillé pendant six mois ininterrompus doivent quitter le centre d’asile qui les hébergeait et rechercher un logement par eux-mêmes, alors que le marché immobilier est déjà sous tension.
Un meilleur statut pour les travailleurs au pair
La CSC plaide depuis longtemps pour une réglementation du statut des travailleurs au pair. Dès lors, nous sommes particulièrement heureux que cette réglementation ait enfin pu aboutir. Est considérée comme «au pair» une personne âgée de 18 à 26 ans qui vient habiter dans une famille dans le cadre d’un échange, en contrepartie de légères tâches ménagères. Ces tâches sont rémunérées et leur durée ne peut dépasser 25 heures. Lors de ses contrôles, l’inspection constate chaque année des irrégularités. Par la nouvelle proposition, les gouvernements choisissent de transformer le statut «au pair» en un statut du travail et de l’intégrer dans la commission paritaire du travail domestique. Il s’agit d’une avancée majeure.
À l’avenir, les travailleurs au pair relèveront de la réglementation sur la migration économique, pour laquelle les règles relatives au séjour dépendent du fédéral (celles relatives au travail dépendant des Régions). En tant que CSC, cette évolution nous satisfait puisque nous demandions depuis des années que la réglementation soit mise au point. Une importante réflexion s’impose cependant: vu la libre circulation des personnes et des services, ces dispositions ne s’appliquent pas aux travailleurs au pair européens.
En conclusion
La conférence interministérielle a abouti à des avancées importantes qui vont dans l’intérêt des travailleuses et travailleurs migrants, mais elles auraient pu être plus nombreuses. En raison de la répartition des compétences en matière de migration économique, il a fallu réunir cinq gouvernements différents autour de la table et il n’est pas toujours facile de trouver un consensus, ce qui est préjudiciable aux travailleurs et travailleuses et au marché du travail.