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Des envies réformistes sélectives
TEXTE Marc Leemans, président de la CSC | Durée de lecture: 2 MINUTES | 18 JANVIER 2023
Ils sont de retour. Les faiseurs d’opinion, les institutions internationales, les politiciens de droite et les organisations patronales font de la surenchère dans un souci réformiste désordonné. Ils demandent surtout de reprendre les vieilles recettes. Une nouvelle réforme des pensions, qu’ils réclament depuis l’été dernier. La suppression de l’indexation. La limitation des allocations de chômage. Et, bien entendu, une plus grande flexibilité du marché du travail, alors que les travailleurs ploient déjà sous une charge de travail intenable. Mais concernant la nécessité d’une réforme fiscale fondamentale, dont le ministre Van Peteghem a présenté une épure, c’est quasiment le silence radio. Sauf pour empêcher d’avancer.
Les impôts représentent notre contribution collective à une société viable, des services publics de qualité et à notre sécurité sociale. Il nous arrive tous de nous plaindre parfois des transports en commun, du manque de places dans les garderies, des délais d’attente dans les soins, du mauvais état des routes. Mais si nous ne payons pas d’impôts, ces postes ne recevront pas de budgets supplémentaires. Le problème est que chacun ne contribue pas selon ses possibilités. Le travail est très lourdement taxé. Une augmentation de salaire rapporte parfois même tellement peu aux bas salaires que leur salaire net est moindre qu’avant l’augmentation. Le fisc est beaucoup plus clément vis-à-vis du capital, des plus-values et des revenus locatifs. Il convient donc de répartir beaucoup plus équitablement la pression fiscale, en épargnant davantage les épaules les plus vulnérables et en demandant un effort accru à ceux qui, aujourd’hui, ne contribuent pas suffisamment. Le ministre Van Pethegem a indiqué en septembre que ses projets de réforme allaient dans ce sens et que les contribuables verraient leur revenu augmenter de 200 à 400 euros par mois.
Les signes avant-coureurs ne présagent rien de bon. Le plan du gouvernement de limiter l’utilisation abusive de droits d’auteur «fiscalement intéressants» nous en a donné un avant-goût. Le président du MR, Georges-Louis Bouchez, avait déclenché une mini-crise gouvernementale qui n’a pu être évitée que grâce à l’impossibilité de rejeter une décision politique claire sur les services fiscaux. Le Premier ministre, Alexander De Croo, a déclaré, dans un interview accordé à l’édition du week-end du quotidien d’affaires De Tijd, que «la réforme fiscale est aujourd’hui surtout une question de pouvoir d’achat, mais il faut aussi s’intéresser davantage à la compétitivité de nos entreprises». Il oublie naturellement de dire que le gouvernement Michel avait déjà réduit les cotisations sociales des entreprises, grâce au tax shift, et diminué l’impôt des sociétés. Ces différentes mesures ont coûté des milliards à l’État, n’ont pas augmenté l’emploi, mais ont permis aux entreprises d’enregistrer de plantureux bénéfices, qu’elles se sont empressées de reverser à leurs actionnaires. De Croo voudrait aujourd’hui en remettre une couche. Nul ne s’étonnera que la FEB fasse chorus: elle combat depuis des mois les projets de réforme du ministre Van Pethegem.
La réforme fiscale, d’une importance cruciale, risque donc à nouveau d’être politiquement bloquée. Apparemment, les travailleurs et les travailleuses ne doivent pas s’attendre à grand-chose si les entreprises ne sont pas de nouveau choyées. Le problème pour les tractations politiques est qu’il n’y a plus d’argent pour les choyer. Il n’y a qu’un moyen de trouver de l’argent: placer les nantis face à leurs responsabilités. Le Premier ministre veut que le gouvernement boucle la réforme fiscale en mars. Je suis curieux de voir s’il y arrivera.
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