/Epsylon: une lutte acharnée pour récupérer le congé prophylactique
TEXTE Eva Van Laere I PHOTO Aude Vanlathem | 21 FÉVRIER 2024 | TEMPS DE LECTURE: 4 minutes
Chakib Wagdan, Gabrielle Paul et Geoffrey Lammens sont membres de l’équipe syndicale d’Epsylon. C’est avec fierté qu’ils présentent leur dernière grande victoire syndicale: le maintien d’un congé prophylactique qui permet un écartement préventif pour les femmes enceintes et un congé prophylactique qui permet aux femmes désireuses d’allaiter leur enfant de prolonger le congé de maternité en suspendant partiellement ou totalement le contrat de travail.
ÉQUIPE SYNDICALE /
La décision d’octroi de ce congé dépend de l’employeur qui est conseillé par le médecin du travail. Celui-ci décidera si la femme effectue ou non des travaux comportant un risque pour sa santé ou celle de son enfant. Le droit au congé prophylactique avait été retiré aux travailleuses de manière non concertées et brutale. Or, il se justifiait pleinement au vu des risques psychosociaux qu’encourent les travailleuses d’Epsylon. Et ces risques ne s’inventent pas: risques de violences verbales et physiques, menaces à répétition, souffrances psychiques du patient, tant d’éléments facteurs de stress qui génèrent le mal-être des travailleuses et travailleurs de première ligne.
Le débat a été mené au CPPT durant un an, sans relâche et malheureusement sans résultat. Les déléguées et délégués ont été con-frontés à un manque d’écoute et de considération des directions (soins infirmiers et directrice financière) et des conseillères en prévention. Les risques psychosociaux, pourtant clairement documentés et étayés, ont été balayés de la table de concertation. L’équipe syndicale a ensuite interpellé le service d’inspection du contrôle du bien-être au travail (CBE) afin d’obtenir gain de cause. Toutes ces démarches ainsi que l’avis univo-que des services d’inspection n’ont toutefois pas permis de débloquer la situation. Après une menace de grève et un article dans le magazine Axelle, un an plus tard, la direction a fini par faire marche arrière: le congé prophylactique a été réinstauré.
D’autres belles avancées
Le succès de l’action syndicale ne se résume toutefois pas à cette victoire-là. L’équipe s’est vite rendu compte que pour avancer, pour ré-équilibrer les débats et négocier en toute connaissance de cause, il fallait dresser un cadastre de l’hôpital afin de mieux compren-dre l’incidence des données économiques et financières (IEF) sur l’organisation, sur l’emploi et sur le personnel (nombre d’heures pres-tées au total, en moyenne, nombre d’heures supplémentaires, frais de personnel, santé financière de l’organisation, du groupe, etc.) L’équipe a dû se battre pour recevoir ces informations qui, à chaque demande, leur avaient été refusées alors qu’elles doivent faire partie des informations à communiquer par l’employeur. De belles avancées syndicales s’en sont suivies: deux jours de congé supplémentaires après un an d’ancienneté, la prise en charge de l’abonnement transports en commun tiers-payant, l’augmentation de la prime de remplacement «dernière minute»… L’équipe est ambitieuse et ne s’arrêtera pas là. Elle souhaite obtenir un autre avantage tel qu’une assurance hospitalisation, des chèques-repas ou une pension complémentaire pour l’ensemble du personnel.
L’intérim bien encadré
En tant que coordinatrice intérim de la CSC, je tenais à aborder la question du recours à l’intérim. Dans cette période de pénurie, le recours à l’intérim prend parfois des formes étonnantes, en procurant des avantages supplémentaires aux intérimaires, ce qui est difficile à avaler pour le personnel en place. L’équipe me rassure: le recours à l’intérim chez Epsylon est limité, il est bien encadré et suivi. Il n’a rien de structurel, il est parfois utilisé pour dépanner, pour permettre aux collègues de prendre leurs jours de congés. Les intérimaires ne gagnent ni moins, ni plus. Hors de question ici de se laisser piéger par le cercle vicieux de la concurrence entre collègues.
Dernière ligne droite avant les élections sociales du mois de mai: le recrutement se passe bien, l’équipe est confiante et se sent prête pour faire face aux grands enjeux qui marqueront les prochaines années, tant en interne qu’au niveau sectoriel.
/Epsylon
Située à Uccle, l’ASBL Epsylon a pour mission de renforcer la qualité de l’offre de soins psychiatriques existante et de développer un réseau intégré qui réponde au mieux à l’évolution de la demande sociétale. L’offre de soins s’articule autour de plusieurs pôles complémentaires dispatchés sur différents sites (centre des addictions, hospitalisation sous contraintes ou mise en observation, clinique pour adolescents, maison de soins psychiatriques...).
/Une équipe ambitieuse
L’équipe syndicale d’Epsylon - très motivée et pleine d’ambitions selon leur permanente CNE, Évelyne Magerat - agit au quotidien pour améliorer les conditions de travail de l’ensemble des collègues. Une tâche pas toujours simple vu les résistances de la part de la direction. Petits portraits des personnes rencontrées.
Gabrielle Paul est infirmière depuis 10 ans et diplômée d’une école française. Elle quitte la France après 7 ans de carrière dans la psychiatrie adulte pour rejoindre Epsylon site Aréa+ à Bruxelles (Uccle). Elle n’a pas vraiment un passé syndical, elle n’était pas syndiquée et se rappelle d’ailleurs qu’en France, les représentants syndicaux lui paraissaient absents et peu fonctionnels. Aujourd’hui, elle est membre effective de la DS. Elle souhaite avant tout observer et apprendre avant d’endosser des responsabilités au CPPT ou au CE. Une chose est sûre, elle est combative et décidée.
Chakib Wagdan est kiné de formation et travaille à Epsylon depuis 2009. Il exerce plusieurs mandats (CE, CPPT, et DS). Son engagement syndical remonte à loin et s’est forgé dès son plus jeune âge au sein de son cercle familial. Pour faire face à des conditions de travail difficiles et remédier à certaines formes de violences institutionnelles, il choisit de dire ce qu’il pense et de s’investir au quotidien dans ses mandats. Il veut faire bouger les choses, insuffler des modes de fonctionnement et de communication respectueux des travailleurs.
Geoffrey Lammens est assistant en psychologie à Epsylon depuis 2012 et adjoint infirmier- chef depuis deux ans. Il exerce également différents mandats (DS, CPPT et CE). Si Geoffrey s’est engagé syndicalement, c’est pour qu’un réel dialogue social remplace des modes de direction jugés trop autoritaires. Le dialogue est d’autant moins évident que l’établissement est soumis à l’épreuve de logiques économiques marchandes et que les décideurs, majoritairement des médecins, ne vivent pas nécessairement les réalités quotidiennes auxquelles les travailleurs sont confrontés.