FACE À FACE /
Helmut Vanhoorne: «Nous voulons pouvoir consacrer du temps aux détenus.»
TEXTE Bram Van Vaerenbergh I PHOTO Guy Puttemans I TEMPS DE LECTURE: 4 minutes
/HAREN 14.03.2023
«Nous voulons pouvoir consacrer du temps aux détenus. Mais le temps, c’est précisément ce qui nous manque»
D’accord, il y a de grandes différences entre les images que l’on peut voir des prisons comme celles de Saint-Gilles ou Anvers, par exemple, et ce que l’on voit lorsqu’on arrive sur le parking de la prison de Haren. Le domaine, avec ses multiples entités résidentielles, ressemble davantage à un quartier résidentiel qu’à une prison. Du moins, pour autant que l’on ne tienne pas compte des hauts murs qui l’entourent.
La prison a coûté 382 millions, principalement à charge d’un investisseur privé. Les pouvoirs publics louent le terrain 40 millions par an. Ils en deviendront propriétaires après 25 ans. Bénéfice pour le propriétaire, d’après une simple règle de trois: plus de 600 millions… «Même si l’investisseur privé continue, encore aujourd’hui, d’entretenir la prison. Du moins, c’est cela le but. Parce que si un détenu démolit sa cellule, on se demande qui doit payer les dégâts: l’État ou l’investisseur?», explique Helmut Vanhoorne, un des cinq délégués de la CSC à Haren.
La prison de Haren peut accueillir quelque 1.200 détenus. Aujourd’hui, 1.035 places sont occupées. Le cadre pénitentiaire compte quelque 620 as-sistants de surveillance. Il y a donc beaucoup de personnel dans la prison, du moins en théorie. «Je suis res-ponsable de la détention et j’établis le planning de chaque section. Il peut arriver qu’un gardien se trouve seul pour surveiller une section, ou qu’ils soient deux. Mais nous manquons souvent de personnel. Dans ces cas-là, je dois donner un coup de main. Chaque jour, 100 à 150 agents sont absents pour cause de maladie. Ces absences sont fortement liées au malaise dans la prison. Si tout se pas--se bien dans la prison, les gardiens se sentent bien et les détenus aussi. Un gardien peut se sentir mal dans sa peau s’il se voit refuser un congé - à cause du manque de personnel - ou se trouve seul pour surveiller une section où il devrait normalement travailler en duo. C’est alors que commencent les difficultés. Nous aimerions pouvoir consacrer du temps aux détenus, travailler avec eux. Mais le temps, c’est justement ce qui nous manque», explique Helmut.
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Chaque jour, 100 à 150 agents sont absents pour cause de maladie. Ces absences sont fortement liées au malaise dans la prison
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Deux semaines de formation
Le personnel ne court pas les rues. Tout ce que l’on entend dans les prisons belges décourage les candidats potentiels et le nombre d’agents qui quittent le secteur est énorme. «Avant, nous avions encore droit à six mois de formation. Aujourd’hui, avec les restrictions budgétaires, les nouveaux agents doivent se contenter de deux semaines. Devenir gardien de prison n’intéresse plus personne. Nous sentons la concurrence des sociétés de gardiennage et de la police. Lors des journées d’information sur les carrières, je vois toujours des stands de la SNCB, de la police, de la défense. Et ceux de la justice, vous en avez déjà vu? Moi pas. Aux Pays-Bas, ils organisent des journées portes ouvertes pour se familiariser avec le métier. Chez nous, cela n’existe pas. Cela fait vingt ans que je propose ce genre d’initiative et à chaque fois, on se moque de moi.»
Dans la prison de Haren, on trouve surtout des cellules individuelles avec télévision et téléphone, des douches, etc. «Mais beaucoup de détenus préféreraient être dans les anciennes prisons, où ils avaient davantage de contacts sociaux. Ici, beaucoup de choses ont été automatisées, ce qui réduit naturellement les contacts entre les détenus et les gardiens. Cela ne facilite pas toujours notre travail. Avant, nous étions beaucoup plus vite au courant des problèmes potentiels. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. Prenons l’exemple de la prison d’Anvers. Si les cellules n’étaient pas surpeuplées, la situation ne serait certainement pas aussi grave qu’on ne le dit. Il suffirait de quelques aménagements pour que cette prison puisse encore servir longtemps. Tous les problèmes viennent de la surpopulation. Ici, nous avons quelques cellules pour deux détenus, dans lesquelles nous plaçons aussi déjà des lits supplémentaires. L’objectif est de fermer la prison de Saint-Gilles à la fin de l’année. Il faudra alors transférer ces 500 détenus. Chez nous, la surpopulation est limitée à 15%, sous peine de devoir payer des astreintes conséquentes à la société qui exploite la prison.»
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«LA SURPOPULATION ET LE MANQUE DE PERSONNEL SONT LES PROBLÈMES MAJEURS DES PRISONS BELGES»
Helmut Vanhoorne
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Des mesures insuffisantes
Depuis le 1er septembre 2023, le gouvernement a décidé que les individus condamnés à de courtes peines - de trois ans au maximum - devaient dorénavant être emprisonnés ou résider en centre de détention pour la durée de leur peine. Or, ces places n’existent pas, sans parler de l’accompagnement de qualité que nous devrions garantir. Les pouvoirs publics ont beau prendre quelques mesures, elles restent insuffisantes. Ainsi, le congé pénitentiaire a été élargi pour les détenus qui ont déjà eu un congé réussi, sont condamnés à moins de dix ans mais pas pour des faits de mœurs ni de terrorisme. Ils peuvent alterner un mois à domicile et un mois en prison. «Comme des détenus rentrent temporairement chez eux, nous pourrons libérer des places dans notre section. Normalement, des détenus - qui se sont bien comportés - sont transférés de la section fermée vers la section ouverte. Mais ces places sont plutôt occupées par des prévenus en détention provisoire. Ces décisions, ce n’est pas nous qui les prenons, mais nous devons expliquer aux détenus de la section fermée que d’autres détenus doivent passer avant eux».