/La prime pouvoir d’achat:
TEXTE Chris Serroyen | ILLUSTRATION Irina Strelnikova | TEMPS DE LECTURE: 3 MINUTES | SYNDICALISTE 19 AVRIL 2023
La loi sur la norme salariale (que le gouvernement a été impuissant à modifier) a imposé une norme salariale de 0% aux travailleurs du secteur privé et à une partie du personnel de la fonction publique (entreprises publiques, transports urbains et vicinaux…) pour 2023-2024. Il ne subsiste qu’une petite marge sous la forme de chèques consommation, que l’on a cette fois baptisés «prime pouvoir d’achat» et qui ont succédé à la prime corona de 2023. Nous avons déjà présenté ce projet en détail dans un précédent Syndicaliste. Nous attendions toutefois encore l’avis du Conseil d’État et la réaction du gouvernement.
L'ACTU /
Cet avis s’est avéré très critique. Cette fois, les chèques permettraient en effet d’acheter pratiquement tout et partout. La prime corona de 2021 allait déjà très loin, mais l’e-commerce restait exclu. Pour la prime pouvoir d’achat, même cette restriction était supprimée. Quelle est alors la différence avec un salaire que l’on peut dépenser librement, s’est demandé le Conseil d’État? Et si ces chèques peuvent être utilisés pour une très large gamme de produits et de services, les entreprises émettrices reconnues (Edenred, Sodexo, Monizze) doivent désormais respecter les règles européennes strictes qui s’appliquent aux services de paiement. Le gouvernement s’est par conséquent vu obligé de limiter la corbeille de produits et de services. La prime pouvoir d’achat ne permettra donc d’acheter que les produits et services que l’on peut aussi payer avec des chèques-repas et/ou des écochèques. En d’autres mots, il s’agira de ce que l’on trouve sur la liste des produits et services écologiques du Conseil national du travail, ainsi que des repas et des aliments prêts à l’emploi.
Pour le reste, le projet n’a pratiquement pas été adapté:
• Pour le travailleur, exonération d’impôts et de cotisations personnelles. Pour l’employeur, 16,5% de cotisations patronales, mais déductibilité pour l’impôt des sociétés.
• Mise en œuvre uniquement par CCT, sauf s’il n’y a pas de délégation syndicale ou pour les travailleurs auxquels les CCT ne s’appliquent pas.
• Une CCT sectorielle ne peut s’appliquer qu’aux entreprises qui ont réalisé des bénéfices élevés en 2022, avec un montant de 500 euros maximum, majorés jusqu’à 750 euros en cas de bénéfices exceptionnellement élevés. Les négociateurs de la CCT doivent définir eux-mêmes dans la convention ce que l’on entend par bénéfices élevés ou exceptionnellement élevés.
• Au niveau de l’entreprise, on peut d’office aller jusque 750 euros, mais uniquement si les résultats étaient bons pendant la crise (pas nécessairement en 2022). Les parties doivent convenir elles-mêmes de ce qu’elles entendent par de bons résultats.
• La prime ne peut être octroyée que cette année, du 1er juin au 31 décembre 2023 au plus tard.
• Le montant doit être dépensé pour le 31 décembre 2024 au plus tard. Une prolongation est toutefois possible. La nouvelle procédure de réactivation pour les chèques qui ne sont pas utilisés dans les délais s’appliquera aussi à la prime pouvoir d’achat. Le projet ne le prévoyait pas au départ.
Le parlement doit encore adopter une base légale pour cette dérogation à la loi sur la norme salariale, y compris d’ailleurs pour l’exonération fiscale. Lorsque ce sera le cas, l’arrêté royal pourra entrer en vigueur, ce qui est prévu pour le 1er mai. Un problème se pose toutefois pour les secteurs, qui devront attendre les mages bénéficiaires des entreprises pour 2022.