/Les leviers de l’égalité entre femmes et hommes au travail
INTERVIEW David Morelli | PHOTO CSC | 11 OCTOBRE 2023 | TEMPS DE LECTURE: 2 minutes
Le 21 septembre dernier avait lieu la troisième conférence pour l’emploi du ministre du Travail, avec comme thématique la participation des femmes au marché du travail. La CSC a fait part de ses revendications et de propositions concrètes. Gaëlle Demez, responsable nationale des Femmes CSC, revient pour L’Info sur cette intervention.
L’ACTU /
Quels étaient les objectifs de cette conférence pour l’emploi?
Cette conférence est une sorte d’état des lieux qui se focalise chaque année sur un domaine particulier du monde du travail. Après une première édition en 2021 consacrée aux carrières et à leurs impacts sur la pension, et une deuxième consacrée aux travailleurs et travailleuses migrants, cette année abordait la place des femmes dans l'emploi. C’est l’occasion d’examiner les différents constats en la matière. Des experts sont venus faire un tour d’horizon des discriminations que subissent les femmes dans le monde du travail, et évoquer certaines pistes d'action. L’intérêt d’une telle conférence, c’est également de pouvoir réunir les acteurs politiques et les interlocuteurs sociaux autour de la table, afin qu’ils puissent réaffirmer leurs priorités et leur positionnement.
Quelles sont les positions de la CSC par rapport à l’égalité entre femmes et hommes sur le marché du travail?
Notre constat, c’est que l’égalité n’est pas encore atteinte, loin de là. L'indicateur le plus flagrant est l'écart salarial, qui est encore de plus de 23% en Belgique actuellement quand il est calculé sur base mensuelle ou annuelle[1]. Il est évidemment moindre si on le calcule à l'heure, mais on gomme alors complètement l’impact du temps partiel, qui est pourtant crucial. L'écart de pension en témoigne également: il est de plus de 30%[2]. La précarité des femmes est encore bien réelle en Belgique, et elle explose lorsque les femmes deviennent âgées. C'est un gros problème pour la CSC, car nous avons pour objectif la véritable autonomie économique et financière des femmes.
[1]. Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes, «Les chiffres de l’écart salarial 2023».
[2]. Conseil Supérieur de l’emploi, «La participation des femmes au marché du travail», janvier 2023.
Quelles sont les propositions concrètes de la CSC?
La CSC disposait de vingt minutes de parole, lors desquelles le focus a été fait sur cinq points d'actualité sur lesquels nous souhaiterions conclure des accords d’ici la fin de la législature.
Le premier, c'est la question des congés thématiques et des crédits-temps. Le banc patronal souhaite réduire le nombre de ces congés. Pourtant, ils sont déjà insuffisants pour concilier vie privée et vie professionnelle. Il faudrait instaurer un droit au congé parental et aux crédits-temps, et élargir ces droits. De plus, ces congés doivent être pleinement assimilés tant pour la durée de la carrière que pour le calcul de la pension. C’est notre seconde revendication prioritaire.
Le troisième point concerne la pénibilité du travail des femmes, qui doit être reconnue, y compris pour leurs droits à la pension. Les critères de pénibilité appliqués pour le moment laissent passer les femmes à travers les mailles du filet. Les troubles musculosquelettiques, le burnout, ou encore les cancers du sein d’origine professionnelle sont des réalités difficiles à faire reconnaître. Une expertise devrait se développer là-dessus. Pour certains travaux pénibles, il faudrait remettre en question la norme du temps plein: une aide-ménagère doit-elle travailler 38h par semaine toute sa carrière? On voit que les travailleuses n’y arrivent pas, les corps ne suivent pas. Dès lors, soit les employeurs jouent avec des temps partiels, soit les femmes réduisent elles-mêmes de manière individuelle leur temps de travail car c’est intenable. Pourtant, on exige de ces travailleuses les mêmes conditions d'accès à la pension que pour d'autres fonctions. La reconnaissance de la pénibilité est donc une revendication très forte.
Nous avons également deux revendications qui ont trait directement à la parentalité.
Quels sont les liens entre parentalité et emploi des femmes?
Pour le moment, une femme sur cinq ne retourne pas directement sur le marché de l'emploi après avoir accouché de son premier enfant. Cela représente une perte énorme d'autonomie économique et financière.
Une des priorités est notamment d'augmenter le nombre de places d'accueil de la petite enfance. Il faut travailler sur les questions de garde d'enfant, avec des systèmes qui soient accessibles sur le plan financier et en termes de mobilité. Les leviers se trouvent surtout dans les entités fédérées, mais nous ne pouvions pas passer cette revendication essentielle sous silence. Elle est d’ailleurs revenue également dans les points portés par les autres syndicats et même par le banc patronal.
La dernière revendication portée lors de cette conférence, c'est le fait que le congé de naissance, anciennement dit le congé de paternité, doit être allongé et rendu obligatoire. Plusieurs études, notamment de l’ULB, démontrent que cela permet de réduire l'écart salarial, et un retour des femmes vers l'emploi après leur premier accouchement. Cela a également un impact direct sur la santé de la maman et le bien-être de l’enfant.
Les études montrent que c’est à l’arrivée du premier enfant que la répartition des tâches domestiques et familiales doit être faite. Il est essentiel d’allonger ce congé, car il permet au père de développer l'expertise sur son enfant, d’apprendre les nécessités au niveau médical, etc. Il est difficile de changer les schémas après. On dit toujours que le privé est politique, mais agir sur le privé, c’est très compliqué. Le congé parental est un levier direct pour y parvenir.
Certaines revendications sont-elles prioritaires en vue des élections de juin 2024?
L’égalité entre femmes et hommes sur le marché de l’emploi est un enjeu et un chantier énorme que le politique doit vraiment prendre en compte. L’ensemble des points abordés lors de la conférence sur l’emploi seront dès lors portés dans les mémorandums fédéral et régionaux de la CSC à l’occasion des élections législatives. On y retrouve notamment la question de la conciliation entre vie privée et vie professionnelle, avec l'accès à des congés thématiques qui doivent être renforcés et assimilés en termes de pension.