DANS L’ENTREPRISE | BIEN-ÊTRE AU TRAVAIL /
Prévention des risques psychosociaux
TEXTE Laurent Lorthioir | PHOTO Shutterstock | Durée de lecture: 4 MINUTES | 18 JANVIER 2023
Face à la croissance importante des arrêts de travail causés par les risques psychosociaux (RPS), mais aussi à l’avancée des recherches scientifiques dans ce domaine, ces dernières années ont vu (enfin) émerger une prise de conscience de la part du monde politique et patronal. De nombreuses initiatives de prévention des RPS au travail ont ainsi vu le jour récemment.
Les risques psychosociaux (RPS) liés au travail recouvrent des risques professionnels qui portent aussi bien atteinte à la santé mentale que physique des travailleurs et qui ont un impact sur le bon fonctionnement et les performances des entreprises, ainsi que sur la sécurité. L’origine de ces risques se situe dans l’organisation du travail, le contenu du travail, les conditions du travail, les conditions de vie au travail et les relations interpersonnelles au travail. Stress, harcèlement, burn-out, suicide, abus d’alcool et de drogues sont les manifestations les plus connues de ces RPS.
Principale cause d’arrêt de travail
Malgré la réforme profonde de la législation dédiée à la prévention des risques psychosociaux (RPS) en 2014, ceux-ci sont plus que jamais la principale cause d’arrêt de travail de longue durée, d’un an ou plus (38% au total). La CSC dénonce la gravité de la situation depuis de nombreuses années et milite pour une meilleure compréhension et prévention des RPS au travail. Pendant trop longtemps, les gouvernements successifs ont fait la sourde oreille. De son côté, le banc patronal préférait rejeter l’entièreté de la faute sur les travailleurs en souffrance, jugés trop peu «résilients» (1).
(1) Résilience: capacité à surmonter les coups durs, à s’adapter au changement. Ce concept est à manier avec prudence: un travailleur en souffrance n’est pas forcément un travailleur qui ne parvient pas à s’adapter. Si l’organisation du travail n’est pas saine dans l’entreprise, ce n’est pas au travailleur à s’y adapter, c’est à l’organisation de changer!
La prévention du burn-out
L’explosion des cas de burn-out, ou «épuisement professionnel» a probablement été le principal déclencheur de la prise de conscience du problème des RPS au travail. Dès septembre 2017, dans son avis n° 9339, le Conseil supérieur de la santé enterrait définitivement les arguments (souvent repris par le banc patronal) rejetant l’intégralité de la faute sur le travailleur qui serait trop peu résistant, trop peu flexible et incapable de s’adapter. En effet, il recommande que la prévention du burn-out passe d’abord par une réflexion sur «un changement dans le modèle de société (modèle de la performance), auquel le burnout est largement lié. Il faudrait une organisation du travail plus "soutenable"».
Forts de ces arguments, les interlocuteurs sociaux ont soutenu au sein du CNT deux appels à projets visant une prévention primaire du burn-out qui soit innovatrice, participative et collective. Ces projets ont été menés à bien entre 2018 et 2020 (voir le site du CNT pour plus de détails sur les conclusions scientifiques de ces projets). Des outils sont actuellement en cours de conception et pourront être utilisés pour mener à bien une meilleure prévention du burn-out dans les entreprises.
De plus, d’autres projets pour lesquels les interlocuteurs sociaux ont été plus ou moins impliqués ont été ou sont encore menés actuellement: Fedris pour les secteurs des soins et bancaires, Inami…).
La prévention des RPS au travail
Lorsque l’on parle de RPS, il faut prendre garde à ce que le burn-out ne soit pas l’arbre qui cache la forêt. De plus en plus, le burn-out occupant le devant de la scène, les politiques de prévention en entreprise risquent de négliger toutes les autres dimensions de la prévention des RPS: harcèlement, violence, stress, alcoolisme, etc. Il convient en effet de prendre le problème dans sa globalité!
La CSC mène depuis de nombreuses années diverses campagnes autour de la prévention du harcèlement moral ou sexuel et des violences au travail. Par exemple, elle a récemment, avec les interlocuteurs sociaux, rendu un avis au ministre de l’Emploi afin que les victimes de discriminations qui demandent une intervention psychosociale dans leur entreprise soient protégées contre d’éventuelles représailles (licenciement, mutation…). Cet avis a mené à l’élaboration d’une loi.
D’autre part, il sera bientôt obligatoire pour toute entreprise de minimum 50 travailleurs de disposer d’une personne de confiance (jusqu’à présent, cela était simplement «fortement conseillé»). Cela devrait favoriser une plus grande écoute et un meilleur accompagnement des travailleurs en souffrance sur leur lieu de travail.
La CSC collabore également avec les ministères de l’Emploi, de la Fonction publique, des Classes moyennes, indépendants et PME, des Affaires sociales et de la Santé publique dans le cadre du Plan d’action fédéral pour le bien-être mental au travail. Ce plan se décline en plusieurs parties: une campagne de sensibilisation et d’information lancée en 2021 (voir le site www.jemesensbienautravail.be); un appel à projets sectoriels pour la prévention des RPS au travail (projets actuellement en cours d’exécution); plusieurs groupes de travail autour de diverses thématiques RPS visant à réformer la législation et à prendre de nouvelles mesures (la CSC y relayera ses revendications); etc. La dernière étape de ce plan visera à diffuser largement des outils et à soutenir les entreprises dans la prévention des RPS au travail.