L'ACTU /
Réforme fiscale: les 50 euros nets restent en suspens...
TEXTE Chris Serroyen | PHOTO Shutterstock | TEMPS DE LECTURE: 4-5 MINUTES | 23 SEPTEMBRE 2023
Marc Leemans commente les principaux défis à relever au début de cette nouvelle année sociale. Toutefois, en ce début d’année, une série de dossiers de l’année dernière sont encore sur la table. Accompagnés ou non de nouvelles décisions gouvernementales prises en plein été.
Commençons par notre core business: la concertation sociale. Où en est la mise en œuvre du cadre d’accord du Groupe des dix pour 2023-2024? Dans un précédent numéro de Syndicaliste, nous apprenions qu’il restait encore quatre points en suspens:
• Les textes de loi pour prolonger de deux ans les accords sur les heures supplémentaires (heures de relance et régime d’avantages fiscaux). Entretemps, ce point a été finalisé. Ce qui ne change plus grand-chose, puisque le gouvernement avait déjà promis aux employeurs qu’ils pourraient l’appliquer dès le 1er juillet, sans avoir à attendre les textes.
• L’assouplissement des emplois de fin carrière pour les travailleurs du groupe-cible des entreprises de travail adapté et des ateliers protégés: possible après 25 ans de carrière au lieu de 35. Il fallait encore une décision gouvernementale pour permettre la conclusion d’une CCT à ce sujet. Celle-ci est finalement arrivée au début du mois de juillet. Le CNT a donc pu conclure, le 18 juillet, une CCT de deux ans, la CCT n° 171. Avec la possibilité d’un renouvellement tous les deux ans.
• La réduction des cotisations AMI pour les petites pensions complémentaires. Ce dossier est lui aussi désormais en bonne voie.
• Il restait un point à régler: l’accord - qui date en fait de 2021 - visant à ajouter du net à l’augmentation en brut du salaire minimum. Ce point est resté embourbé dans la réforme fiscale pour l’instant (voir ci-dessous).
Ces points en suspens n’ont pas empêché nos négociateurs CCT de se mettre au travail dès la fin de l’année sociale dernière afin de conclure de nouvelles CCT pour 2023-2024 dans les secteurs et les entreprises. Avec d’ores et déjà des premiers résultats dans toute une série de secteurs (voir p. 7).
La réforme fiscale s’enlise
Le gouvernement espérait boucler quatre autres chantiers avant l’été:
• l’accord avec Engie sur le maintien en service de deux centrales nucléaires;
• la réforme des pensions;
• la réforme fiscale;
• et couplée à celle-ci, une certaine réforme du marché du travail, à la demande des libéraux.
L’accord avec Engie a été conclu
Quelques décisions ont été prises sur les pensions début juillet (voir ci-dessous). Restait surtout le bras de fer sur la réforme fiscale, visant à réduire l’impôt des personnes physiques sur le travail, à financer en partie par des impôts supplémentaires sur le patrimoine. Une décision qui a suscité la colère des lobbies économiques et de la finance. De plus, les libéraux voulaient remporter d’autres trophées en matière de politique du marché du travail, à savoir: une plus grande déréglementation de la protection de l’emploi et un renforcement de l’activation des inactifs. Ce qui, cette fois-ci, incluait la suppression des avantages sociaux et fiscaux pour les femmes au foyer (et les hommes au foyer) et une nouvelle expansion des flexi-jobs. Le MR a apprécié la réduction des charges, mais pas les compensations au détriment des entreprises et des riches. De sorte que le gouvernement n’a pu trouver un accord en juillet, même après que le ministre des Finances Van Peteghem ait mis sur la table une proposition fortement allégée. Heureusement, la réforme du marché du travail n’a pas abouti non plus. Reste maintenant à savoir si certains sous-dossiers ne reviendront pas à l’automne, tant sur la réforme fiscale que sur la réforme du marché du travail. En particulier pour la révision du budget fédéral pour 2024, qui doit avoir lieu en octobre.
-//-
Le gouvernement avait accepté une augmentation d’au moins 50 euros net à travers la réforme fiscale. Celle-ci s’enlisant, nous continuerons à rappeler cet engagement au gouvernement.
_
Selon nous, un dossier devrait au moins revenir: les 50 euros pour les travailleurs qui touchent le salaire minimum. Le 1er avril 2024, le salaire minimum augmentera à nouveau de 35,7 euros brut par mois. Mais les interlocuteurs sociaux avaient demandé au gouvernement une augmentation d’au moins 50 euros net à travers la réforme fiscale, ce que le gouvernement a accepté. La réforme fiscale étant désormais enlisée, nous continuerons à rappeler cet engagement au gouvernement. Tout comme le patronat continuera également à rappeler au gouvernement son engagement de compenser le surcoût de l’augmentation brute pour les travailleurs. Ce surcoût a été provisoirement estimé par l’ONSS à 20 millions d’euros.
La “patate chaude” des pensions
Les employeurs et la droite espéraient que ce gouvernement prendrait une fois de plus une série de mesures sévères pour réduire les dépenses en matière de pensions et pour continuer à supprimer progressivement les régimes de fin de carrière. Or, il était clair depuis longtemps que ce ne serait pas le cas. Cette patate chaude a été transmise aux interlocuteurs sociaux. Une question restait en suspens: le gouvernement serait-il capable de concrétiser deux décisions antérieures, à savoir le durcissement de l’accès à la pension minimum et la réintroduction d’un bonus pension? Il y est parvenu début juillet, en même temps que d’autres décisions.
• Le gouvernement avait déjà décidé à l’été 2022 d’instaurer une condition de 20 ans d’occupation effective pour l’accès à la pension minimale. Restait à savoir quelles périodes de non-activité seraient encore assimilées. La liste est désormais plus longue qu’en 2022, avec l’assimilation d’un plus grand nombre de périodes pour soins ainsi que l’assimilation du chômage temporaire. En revanche, ce ne sera pas le cas pour le chômage complet, la maladie ou l’invalidité.
• Le gouvernement avait également décidé, l’année dernière, de réintroduire un bonus pension pour ceux qui renoncent à la pension anticipée. Cette mesure est désormais mise en œuvre, avec deux changements principaux: le bonus pension ne sera pas versé en brut, mais en net; et le travailleur peut demander que le bonus soit versé en une seule fois, et non plus mensuellement.
• La cotisation sociale supplémentaire pour les pensions les plus élevées, dite cotisation Wijninckx, sera doublée: 6% au lieu de 3%. Mais pour ne pas violer le cadre d’accords des interlocuteurs sociaux mentionné plus haut, cette mesure ne sera déployée qu’à partir du 1er janvier 2028.
• Contre toute attente, tout ce dossier sera couplé à une limitation de l’enveloppe bien-être pour les pensions élevées de la fonction publique, la fameuse péréquation. Jusqu’à présent, ces derniers ont eux aussi droit à des augmentations lorsque les salaires de leur secteur augmentent. Ce droit sera plafonné. Le montant n’est pas encore connu. Le but est que la péréquation pour toutes les pensions des fonctionnaires coûte au maximum 0,3% de plus que l’indexation. La CSC n’a pas attendu de connaître les détails pour exprimer une première réaction tranchée.
Accord sur la migration et l’intégration
Que nous ayons encore à vivre ça... En plein été, le Comité interministériel sur la migration et l’intégration est lui aussi parvenu à un accord entre les gouvernements sur certaines mesures. Pour partie dans la continuité de la deuxième conférence fédérale pour l’emploi, sur l’occupation des travailleurs en provenance de pays hors Union européenne. En partie à la suite des événements survenus sur le chantier naval de Borealis. (Voir p. 11.)
L’assouplissement des emplois de fin carrière pour les travailleurs du groupe-cible des entreprises de travail adapté et des ateliers sera désormais possible après 25 ans de carrière au lieu de 35.