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L'ACTU /

Transition juste en Belgique: les travailleurs et travailleuses sont prêts

TEXTE François Sana | PHOTO Donatienne Coppieters | TEMPS DE LECTURE: 5 minutes

Les 8 et 9 novembre s’est tenue la Conférence sur la transition juste en Belgique. La CSC, demanderesse depuis des années de son organisation, y a participé. Voici quelques éléments.

Les États généraux de la transition juste ont été lancé en mai 2022 par la ministre du Climat, Zakia Khattabi. Selon ses propres termes, les travaux autour de la transition juste ont été organisés au moyen de quatre grands chantiers. En premier lieu, le Haut comité scientifique pour la transition juste a été chargé d’élaborer un rapport scientifique à ce sujet. (1) Ensuite, un forum pour la transition juste a été organisé en février dernier afin de réunir la société civile. Pendant deux jours, les participants à ce forum ont été invités à discuter et débattre de la transition juste en Belgique autour de quatre thèmes: se loger, se nourrir, se déplacer et se soigner. Une agora citoyenne s’est tenue en septembre et octobre derniers. Différents citoyens, travailleurs et personnes touchées par la précarité énergétique se sont réunis plusieurs week-end afin d’élaborer ensemble des solutions pour mettre en œuvre la transition juste dans notre pays. Enfin, l’administration fédérale, représentée par huit services publics fédéraux (SPF) a rendu également un rapport sur la transition juste. L’ensemble des documents disponibles se trouvent ici: https://justtransition.be

Quatre grands chantiers

Lors de la conférence, après les présentations des professeurs Jean Pisani-Ferry et Hans Bruyninckx, la matinée a été globalement consacrée à la présentation des résultats de ces quatre grands chantiers. Plusieurs messages consensuels se sont dégagés: la transition en cours est injuste; il est nécessaire de transformer en profondeur notre société; il est nécessaire d’assurer un financement à la hauteur des besoins; la crise écologique dépasse la simple question climatique; il faudrait accorder bien davantage d’attention aux personnes fragilisées; la complexité institutionnelle de notre pays n’aide pas; les citoyens veulent participer plus aux décisions; et enfin, nous avons besoin de beaucoup plus de travaux scientifiques afin d’éclairer les décisions politiques. Chacun de ces messages importants mériterait une analyse détaillée. Notons l’insistance des intervenants sur la nécessité de renforcer l’équité dans notre société. Notons l’idée avancée par le professeur Pisani-Ferry d’un impôt exceptionnel et temporaire de 5% sur le patrimoine financier des 10% les plus riches de la population, afin de financer en partie l’effort à faire en France pour réaliser la transition écologique. Notons également l’appel des scientifiques d’avoir plus de moyens pour développer des projets de recherche sur la transition juste en Belgique.

L’après-midi du mercredi a été consacrée à quatre séminaires de travail qui se sont déroulés en parallèle sur les enjeux de la transition juste: l’agriculture et l’alimentation, le transport et la mobilité, les bâtiments, les soins de santé.
Chacun de ces séminaires était introduit et modéré par un professeur d’université, nourri par des témoignages de citoyens ayant participé à l’agora citoyenne et par un panel d’experts (dont des représentants de la CSC) invités à réagir aux diverses présentations.

La journée du jeudi était consacrée à la présentation de différents avis provenant de divers conseils sur une variété de sujets: le genre, la solidarité internationale, les finances et investissements, les ressources et énergie, l’emploi, l’éducation et la formation, la lutte contre la pauvreté. Nous regrettons que le ministre de l’Économie et du Travail, Pierre-Yves Dermagne, n’ait pu participer aux discussions. Nous regrettons également que l’avis conjoint du Conseil national du travail (CNT) et du Conseil central de l’économie (CCE) concernant l’emploi, l’enseignement et la formation soit si limité. Nous devons constater que la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) refuse le dialogue social sur la question de la transition juste et nous devons tenir compte de cette position dans notre stratégie pour avancer à ce sujet.

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L’exemple espagnol

Lors de la soirée de clôture, nous avons pu visionner une vidéo de la ministre espagnole de la Transition écologique, Teresa Ribera. Une représentante de l’Institut pour une transition juste en Espagne nous a présenté en détail les politiques développées à ce sujet. Les travailleurs des mines de charbon et des centrales à charbon qui ont été fermées ont tous été accompagnés individuellement pour retrouver un emploi. Des emplois ont été créés notamment dans la restauration écologique et la production d’énergies renouvelables. L’exemple espagnol est inspirant et nous devrons en tirer les leçons pour mettre en œuvre la transition juste dans notre pays de la meilleure des manières.

Notre secrétaire national, Bart Vannetelbosch, a été invité à prendre la parole afin d’exposer notre point de vue sur la transition juste. La nécessité de développer de nouvelles CCT à ce sujet a été soulignée. Il a également insisté sur la nécessité de créer une commission permanente chargée de suivre et de guider la transition juste en Belgique. La CEO de Solvay, Ilham Kadri, ainsi que Benjamin Clarisse du Bond Beter Leefmilieu ont pu également exprimer leur point de vue.

Enfin est venu un grand moment d’émotion lorsque David Van Reybrouck et Caroline Lamarche ont rendu hommage aux victimes des inondations de l’été 2021 en Belgique.

En conclusion, le chemin vers la mise en œuvre de la transition juste en Belgique semble encore long. Nous sommes engagés à atteindre la neutralité climatique à l’horizon 2050, mais nous devons agir dès maintenant.

Notre organisation est prête à participer à ce gigantesque chantier. Certains employeurs et certains hommes ou femmes politiques n’en veulent pas. Forts de ce constat, nous devons adapter notre stratégie et renforcer nos alliances avec toutes celles et ceux qui veulent réellement avancer sur ce sujet. La transition écologique sera sociale ou ne sera pas. Le grand enjeu est que le débat sur la transition juste ne disparaisse pas après cette conférence et qu’une concrétisation des riches propositions issues de la conférence soit réalisée aussi bien dans la politique que dans la concertation sociale, et à tous les niveaux: régional, fédéral et européen.

/«Le mouvement syndical ne peut plus ignorer les enjeux climatiques»

TEXTE Fien Vandamme

La date approche: la marche pour le climat aura lieu le 3 décembre. Cette année encore, des milliers de personnes, issues de nombreux groupements et organisations, convergeront vers Bruxelles. La CSC sera naturellement présente. Nous avons traversé la frontière nord de la Belgique, rencontré nos collègues du FNV et constaté qu’ils se préparaient également à une marche pour le climat. Le 12 novembre, Bas van Weegberg était sur le podium de cette manifestation. Nous lui avons demandé ce qui les poussait à descendre dans la rue pour le climat.

/Bas van Weegberg (26 ans)

• Membre (élu) du Bureau journalier du FNV
• Missions: pilotage de l’organisation et représentation extérieure dans le domaine de la politique nationale. Bas travaille sur différentes problématiques, notamment le climat.

Le climat est-il une priorité syndicale pour le FNV?

Ces dernières années, le climat est effectivement de plus en plus présent à l’agenda syndical. En 2018, nous avons ainsi, pour la première fois, adopté une vision climatique au sein de notre «parlement» (assemblée d’affiliés). Nous avons aussi obtenu quelques succès, comme le «fonds charbon», la réorientation des investissements des fonds de pension, le plan Groen Staal (Acier vert) chez Tata Steel, etc. Vous le voyez, ce thème fait de plus en plus partie de notre ADN.

Y a-t-il des opposants à l’action syndicale autour du climat?

Il y a évidemment toujours des gens qui se demandent en quoi le climat est en lien avec le travail et le revenu. C’est précisément sur les effets du changement et de la politique climatiques sur nos emplois que nous travaillons. Ce sont nos emplois qui changent, qui disparaissent et qui se créent. Ce sont aussi nos revenus qui sont impactés par une politique climatique et énergétique qui a pris des années de retard. Le climat est donc étroitement lié à nos missions fondamentales. Le mouvement syndical ne peut se permettre de fermer les yeux. Nous devrons adopter une attitude proactive sur ce thème. Nous ne pouvons pas le laisser dans les seules mains des grands dirigeants d’entreprises et des politiciens, au risque de passer à côté de la transition juste dont nous avons tellement besoin.

Quels sont les aspects sur lesquels vous voulez insister? Comment obtenir une transition juste?

Ce n’est pas une question facile. Nous devons absolument veiller à n’abandonner personne, notamment dans des secteurs qui risquent de disparaître. La chaine du charbon est un exemple classique, ici aux Pays-Bas. Nous sommes en discussion avec nos ministères afin de garantir des filets de sécurité corrects à celles et ceux qui travaillent dans et autour des centrales à charbon qui vont fermer dans les prochaines années. Nous devons aussi rester attentifs et veiller à ce que les emplois créés dans le cadre de la transition climatique soient de bons emplois. Des emplois avec des conditions de travail et de rémunérations claires et qualitatives. Des salaires comparables aux salaires du secteur. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas avec certains nouveaux emplois. Je pense notamment aux emplois liés aux parcs éoliens offshore. Il est extrêmement important que nous menions une vraie lutte syndicale à ce niveau. La répartition des coûts et des profits de la transition doit aussi être juste. Nous avons constaté ces dernières années aux Pays-Bas que de nombreux subsides profitaient surtout à des entreprises largement bénéficiaires et à des personnes bien nanties. Nous estimons que la répartition des coûts est cruciale, non seulement pour que la transition soit acceptée mais aussi pour qu’elle puisse réellement progresser. Enfin, les personnes et les groupements (de travailleurs et de citoyens) touchés par la transition doivent être entendus. Comme je l’ai dit, il s’agit de nos emplois, de nos salaires. Nous voulons être impliqués dans les choix qui sont posés.

Quelles formes prend votre engagement pour le climat?

J’ai déjà cité quelques exemples. J’aimerais y ajouter une collaboration spécifique avec l’organisation néerlandaise Milieudefensie. Nous avons créé un site internet -www.jouwbedrijftoekomstproof.nl - pour aider les travailleurs à rendre leur entreprise plus verte. Le site est rempli de conseils et de bons exemples. Nous essayons de créer des pages aussi pratiques que possible, mais aussi de faire le lien avec d’autres thèmes syndicaux importants comme «Comment aborder ce thème dans le cadre des élections sociales ?».

Remarquez-vous que les délégués ont besoin de ce genre d’initiatives?

Oui, certainement. Le climat occupe une place prépondérante dans l’agenda sociétal. Dans les débats politiques et sociaux, l’accent porte souvent sur ce que le consommateur peut faire pour le climat. Nous constatons que de plus en plus de nos affiliés se demandent aujourd’hui «Que puis-je faire pour le climat en tant que travailleur?». Si on veut faire la différence, on peut aussi agir de l’intérieur. De nombreux secteurs sont concernés, comme les banques, le secteur des services, les soins, les magasins de vêtements, etc. Le périmètre dépasse la seule industrie lourde.

Le 12 novembre, une marche pour le climat a été organisée à Amsterdam. Quel y était votre rôle?

Nous soutenons cette initiative depuis des années. Cette fois, elle est organisée autour du thème «La marche pour le climat et la justice». Cet élément social est essentiel pour nous et nous constatons que cet angle de vue est partagé par de nombreuses organisations climatiques. Au départ, nous voulions organiser la marche autour des négociations internationales sur le climat qui se déroulent en décembre (NDLR: comme c’est le cas en Belgique), mais notre gouvernement est tombé et nous avons dû nous adapter rapidement. Nous avons déplacé la marche à la semaine avant les élections nationales. Nous voulons saisir cette occasion pour montrer que des aspects comme «le travail et le revenu» mais aussi «la solidarité internationale» doivent constituer des éléments essentiels de la politique climatique du nouveau gouvernement.

/Marche climat à Bruxelles

Le 3 décembre, la CSC participera à la Marche pour le climat de Bruxelles.
Lisez l’article en pages 20-21 et trouvez les infos sur le site www.lacsc.be/actualite/campagnes/back-to-climate-le-temps-de-l-action-politique

/Carte blanche de Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC, et Thierry Bodson, président de la FGTB

À la veille de la conférence pour la transition juste en Belgique, Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC, et Thierry Bodson, président de la FGTB, ont écrit une carte blanche publiée dans L’Écho du 7/11/23. 

À la veille d’une conférence pour la transition juste en Belgique, en tant que représentants des travailleurs et travailleuses, nous réaffirmons la nécessité d’investir massivement et rapidement dans une transformation de l’économie qui privilégie la durabilité des entreprises sur le plan environnemental, tout en garantissant des emplois de qualité. Articuler les politiques climatiques avec les exigences de la justice sociale dès leur conception, c’est le principe de la juste transition. Nous demandons aussi davantage d’investissements dans les secteurs industriels ainsi que dans les services publics, qui sont indispensables à la cohésion de notre société. Pour financer ces investissements, il convient d’assécher toutes les sources d’évasion fiscale et d’y consacrer les moyens humains nécessaires.

Après une pandémie qui a substantiellement affecté le rapport au travail, après une flambée des prix de l’énergie et des biens alimentaires qui appauvrit encore des familles entières aujourd’hui et avant bien d’autres bouleversements qui impacteront le quotidien de centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs, les organisations syndicales sont disposées à agir.

Les bouleversements climatiques s’intensifient partout, conformément aux prévisions des scientifiques. Une majorité grandissante de la population s’inquiète et demande des changements fondamentaux. Mais force est de constater que le dialogue social autour de la transition juste reste difficile. Une partie des représentants patronaux refuse de considérer la question comme un élément de négociation à part entière.

Pourtant, dès 2015, les lignes directrices de cette transition étaient adoptées par l’Organisation internationale du travail (OIT) qui, pour rappel, est un organe tripartite (avec représentations des gouvernements, des employeurs et des travailleurs). Ces lignes directrices ont été réaffirmées dans une nouvelle résolution de l’OIT en juin dernier avec une demande de mise en œuvre rapide[1]. Cette mise en œuvre passe nécessairement par la concertation sociale.

Le Giec reconnaît que la transition juste peut accélérer la transition climatique et même lui donner plus d’ambition. Le bien-être et la réduction des inégalités devraient devenir la boussole de nos économies, à la place de la poursuite aveugle de la croissance du PIB.

Il nous revient de définir les trajectoires (notamment sectorielles) qui permettront aux travailleuses et aux travailleurs de s’inscrire pleinement dans des emplois de qualité et d’avenir.

Les entreprises doivent se doter d’un plan crédible pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Les aides publiques qui leur sont octroyées devraient toutes être conditionnées à l’élaboration et à l’exécution de ces plans. Ces plans doivent aussi être concertés avec les représentants syndicaux sur le terrain, dans les conseil d’entreprises, afin de mieux anticiper les impacts de la transition climatique sur l’emploi et la formation.

Les urgences sont multiples et les idées ne manquent pas!

Concernant le logement, la juste transition signifierait entre autres de proposer des préfinancements de travaux afin d’aider les nombreux ménages (plus de la moitié de la population belge) qui n’ont pas les moyens de rénover ni d’isoler leur habitation. Cela supposerait également de passer d’une logique de primes individuelles à une approche collective, par quartiers, en commençant par les plus défavorisés.

En termes de mobilité, nous demandons depuis des années que les transports en commun (SNCB, STIB, TEC, De Lijn) voient leurs moyens renforcés, que le territoire belge soit beaucoup mieux desservi et que les prix diminuent.

Nous souhaitons également nous engager, concrètement, sur base de trajectoires sectorielles dans la réduction des émissions de carbone, dans des conventions collectives renforçant les possibilités de formations.

La question climatique est indissociable des questions socio-économiques. La transition écologique sera sociale… ou ne sera pas. Les représentants politiques doivent le comprendre. Les employeurs aussi. Les organisations syndicales sont prêtes au dialogue. Nous le répèterons lors de cette conférence.

[1] https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_norm/---relconf/documents/meetingdocument/wcms_886647.pdf

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