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VICTOIRE SYNDICALE /

Un contrat type pour les travailleurs freelances à la RTBF

TEXTE Geneviève Laforêt / PHOTO Shutterstock / 25 MARS 2024 / TEMPS DE LECTURE 2 MINUTES

En mai dernier, un accord a pu être conclu avec la direction de la RTBF sur un contrat-type pour les travailleurs indépendants. Une victoire pour Martin Willems, responsable de la CSC United Freelancers, et Marc Scius, permanent à la CSC Transcom, qui l’ont négocié.

Cela fait plus de 20 ans que la RTBF a renoncé à embaucher des travailleurs statutaires au profit de salariés. Aujourd’hui, la tendance est à la sortie du salariat et au recours à des travailleurs freelances/indépendants. Ces «pigistes», comme on les appelle, sont appelés (et donc rémunérés) au jour le jour, sans aucune garantie d’occupation et de revenu, ni à long, ni à moyen ni même à court terme. On estime le nombre de freelances à la RTBF à environ 800 personnes (200 ETP) pour 1.900 salariés. Mais à ce jour, les délégués syndicaux de l’entreprise ne disposent toujours pas de chiffres clairs et précis sur l’emploi qui leur permettraient d’évaluer cette tendance. Le bilan social ne reprend pas le personnel indépendant sous contrat commercial. La direction refuse de communiquer ces informations aux délégués sous prétexte qu’ils ne sont pas compétents pour représenter des travailleurs ne faisant pas partie du personnel. Cet argument fallacieux ne nous touche pas. La CSC organise et défend les conditions de travail de tous les travailleurs, quel que soit leur statut. Grâce à l’intervention de Marc Scius, permanent à la CSC Transcom, et de Martin Willems, responsable de la CSC United Freelancers, un accord a pu être conclu en mai dernier avec la direction sur un contrat-type pour les indépendants. Nous les avons rencontrés ainsi que Rémy Graillet, travailleur pigiste à la RTBF.

Quels ont été les éléments déclencheurs de l’action?

Tout est parti des plaintes individuelles de pigistes auprès de la CSC et de la SACD (société qui gère les droits d’auteurs en Belgique). La RTBF entendait soudain imposer à tous les pigistes un nouveau contrat très défavorable à plusieurs égards: conditions de travail et de rémunération, clauses de confidentialité et d’exclusivité abusives, forme des contrats soumis à signature (contrat digital à signer en ligne)... Face à la quantité de plaintes et à l’isolement des personnes, la SACD a alerté les syndicats. Ceux-ci ont rapidement créé une coupole ad hoc avec pour objectif de regrouper les travailleurs concernés, lister les problèmes, formuler et collectiviser les demandes et organiser l’action collective. Un inventaire des revendications a été dressé par United Freelancers et présenté à la direction comme base pour la négociation d’un contrat type. La couverture médiatique du problème a également poussé la direction à reconnaître United Freelancers comme interlocuteur.

Quel est le contenu de l’accord?

Les négociations ont abouti à un accord après quatre-cinq mois. Celui-ci porte sur les éléments suivants: application des barèmes de la commission paritaire n° 227, compétente pour le secteur de l’audio-visuel (moyennant un facteur multiplicatif de 1,5 pour tenir compte des spécificités du statut, notamment les frais); moins d’arbitraire et plus de réciprocité; préavis de rupture; meilleure protection en cas de maladie ou de maternité; absence de clauses d’exclusivité et de non-concurrence, sauf pour les travailleurs ayant un certain niveau de rémunération et une notoriété associée à la RTBF… Le contrat type est en vigueur depuis septembre 2023 et a un effet rétroactif.

Nous n’avons malheureusement pas obtenu gain de cause sur l’application des barèmes internes de la RTBF et les freelances continuent d’être payés 11 mois par an au lieu de 14 mois pour le personnel interne. On essaye de rapprocher les conditions de travail indépendamment du statut, mais la direction veut évidemment rester dans le carcan de son enveloppe budgétaire tout en augmentant le nombre de travailleurs.

Comment les travailleurs freelances ont-ils été impliqués dans ce combat?

Le propre des travailleurs freelances est leur isolement. Il était donc essentiel pour nous de les rencontrer et de collectiviser leurs plaintes. Nous avons donc organisé plusieurs assemblées qui leur ont permis de se rencontrer et de se rendre compte qu’ils étaient nombreux à se plaindre des conditions de travail. Ils ont compris qu’ils seraient plus forts à travers le collectif. Des contacts individuels ont aussi eu lieu lors de la phase de consultation sur le projet d’accord. Ces contacts directs sont essentiels, surtout pour expliquer à ces travailleurs «indépendants» ce que peut leur apporter le syndicat. On leur a caché ce qu’ils pouvaient perdre dans le nouveau statut, on a essayé de les détourner de l’organisation collective et du syndicat. Il faut donc retisser des liens entre eux et le syndicalisme pour construire le rapport de force.

Quelles perspectives syndicales face aux évolutions probables de l’emploi à la RTBF?

Le déménagement de la RTBF dans les nouveaux locaux bruxellois prévu pour 2026-2027 et la réduction des espaces de bureaux de moitié présagent une augmentation du recours au télétravail, le non-remplacement des départs à la retraite et une intensification du phénomène d’externalisation de l’emploi. Nous ne pourrons pas échapper au débat sur l’élargissement de la base syndicale à tous les travailleurs, qu’ils soient sous contrat de travail interne ou sous contrat de prestations. Les modes de représentation doivent s’adapter à cette forme d’externalisation qui sape la capacité d’action collective, voire qui permet de contourner le droit du travail. D’une part, les délégués salariés défendent le personnel RTBF en évitant que le recours aux freelances ne constitue un élément de dumping social. D’autre part, United Freelancers et la CSC Transcom se chargent d’organiser les freelances et de défendre leurs intérêts, notamment de meilleures conditions de travail en évitant que l’employeur ne joue les uns contre les autres.

Il faut savoir aussi que la RTBF ne salarisera pas ces travailleurs vu qu’il existe un accord politique sur la limitation du nombre de travailleurs salariés et que, de toute manière, certains veulent rester indépendants pour des raisons propres aux métiers de la création ou parce qu’ils travaillent pour plusieurs entreprises. C’est dans cette optique qu’un projet de contrat type a été élaboré par les syndicats et soumis à la direction. Délégués internes et représentants des indépendants doivent travailler main dans la main! Le syndicat de la RTBF se charge de faire le lien.

Avec United Freelancers, la CSC défend les indépendants solo!

En 2018, la CSC lançait United Freelancers, le syndicat des freelances, travailleurs de plateformes et indépendants sans personnel intégrés dans l’entreprise. Nous avons posé quelques questions à son responsable, Martin Willems.

Qu’est-ce qui a motivé la création, au sein de la CSC, d’United Freelancers?

Il y a de plus en plus de travailleurs et de travailleuses qui prestent en dehors des liens traditionnels d'un contrat de travail. Il s’agit principalement de freelances, terme générique pour désigner les indépendants intégrés dans l’entreprise, les consultants, ou parfois les travailleurs du régime de l'économie collaborative. Comme syndicat, nous considérons que nous devons défendre tous les travailleurs, y compris ceux et celles qui sortent du salariat afin que leurs conditions de travail ne soient pas moins bonnes que celles des travailleurs sous contrat de travail. UF s’est donc donné pour mission de défendre les mêmes droits sociaux et de sécurité sociale pour tous les travailleurs, quel que soit leur statut. Nous voulons le meilleur des deux systèmes pour tous en évitant que l’employeur ne contourne le droit du travail et ses obligations et ne joue la concurrence entre travailleurs.

Nous nous sommes aussi rendu compte que, parmi nos affiliés CSC, nous avions déjà environ 10.000 travailleurs qui prestaient comme freelance à titre principal, et 100.000 qui, à côté d'une activité salariée, avaient une activité complémentaire en tant qu’indépendant.

Quels sont les secteurs les plus concernés par cette tendance?

On pense généralement que les indépendants sont concentrés dans les entreprises du secteur des nouvelles technologies ou de l'informatique, de la consultance, des médias ou des plateformes, mais le recours à ce statut et la déresponsabilisation de l’employeur (qui va de pair avec le contournement du droit du travail) touche aujourd’hui quasi tous les secteurs: la construction, les soins de santé, le transport, l’horeca, le commerce… Il est donc essentiel que les délégués prennent conscience de l’importance de représenter aussi ces travailleurs. Quand, dans une entreprise, 60% des travailleurs sont sous statut d’indépendant, il est de moins en moins pertinent que seuls les 40% de salariés soient représentés et votent aux élections sociales. À l’instar de ce qui s’est passé pour les intérimaires, nous voulons aussi avancer vers un droit de vote pour ces travailleurs indépendants.

Peut-on déjà pointer des victoires syndicales?

Outre l’avancée obtenue pour les freelances de la RTBF, on peut mettre en avant la récente décision de la Cour du travail de Bruxelles selon laquelle les coursiers de la plateforme Deliveroo sont des travailleurs salariés. C’est une étape importante dans le combat mené depuis plusieurs années par la CSC. Maintenant, il s’agit de mettre en œuvre cette décision de justice. Les freins sont nombreux: l’Inasti, l’organisme de sécurité sociale des indépendants, continue d’envoyer des huissiers de justice auprès des travailleurs pour prélever les cotisations sociales et l’ONSS ne fait pas le nécessaire pour signifier que ces travailleurs dépendent dorénavant de la caisse de sécurité sociale des salariés.

Il faut citer aussi l’accord sectoriel en CP 304 (secteur subsidié flamand) pour que les travailleurs freelances des métiers artistiques et technico-artistiques soient payés au moins selon les barèmes sectoriels (moyennant un facteur de correction de 1,46).


Plus d’infos sur United Freelancers: www.lacsc.be/united-freelancers

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