SANS BORNES /
Le syndicat autrichien vida lutte contre la libéralisation du transport ferroviaire de passagers
Texte - Lieven Bax // Photo - Ramin Aryaie // Traduction et adaptation - AC-ML // HIVER 2023 // TEMPS DE LECTURE - 1 minute
« Nos chemins de fer sont en danger » ! Tel est l’avertissement lancé par le syndicat autrichien vida et l’Arbeiterkamer Wien dans une campagne commune contre le projet de la Commission européenne de modification les directives relatives à l’attribution des contrats de service public dans le domaine du transport ferroviaire de passagers. Si ces contrats ne sont plus directement attribués mais le deviennent suite à un appel d’offres, comme le souhaite la Commission, ce ne sont pas seulement les conditions d’emploi et de travail qui risquent de se dégrader, mais aussi la sécurité et la qualité du trafic ferroviaire. Un avis juridique a été demandé à un professeur de droit européen.
Depuis le 3 décembre 2009, le règlement européen OSP (Obligations de Service Public) régit l'organisation, l'attribution et le financement des transports publics dans les différents États membres de l'UE. Ceux-ci ont actuellement le choix d’attribuer directement un contrat de service public pour le transport ferroviaire de passagers ou suite à un appel d’offres public. Dans la pratique, la plupart des contrats de service public sont attribués directement. Toutefois, la Commission européenne veut que cette option devienne l’exception. En décembre 2022, la Commission a élaboré un projet de lignes directrices sur l’interprétation du règlement OSP révisé en 2016. Après de vives critiques émises par le Parlement européen et plusieurs ministres des transports, une version édulcorée du projet a été publiée en juin 2023. Pourtant celle-ci « contredit toujours la lettre et l’esprit du règlement OSP qui prévoit une attribution directe », note le professeur de droit européen Konrad Lachmayer de l’université Sigmund Freud de Vienne.
Selon M. Lachmayer, l’interprétation faite par la Commission européenne du règlement OSP dans ses projets de directive est même qualifiée de « préoccupante » d’un point de vue démocratique. « Les directives restreignent l’allocation directe d’une manière qui n’est pas conforme aux règles applicables. Elles n’ont donc aucune pertinence juridique et devraient être ignorées par les États membres de l’UE afin de protéger les options légitimes d’allocation directe », a déclaré M. Lachmayer.
Vida et l’Arbeiterkammer Wien soulignent que l’offre ferroviaire autrichienne figure parmi les meilleures offres européennes, entre autres en termes de nombre de voyageurs-kilomètres, de ponctualité et de satisfaction de la clientèle. Il en va de même pour l’offre suisse. « C’est une raison suffisante pour conserver le système d’attribution directe pour le transport ferroviaire de passagers. L’obligation de lancer un appel d’offres serait donc contre-productif. »
Green Deal
En Europe, plus de 65 % - et même plus de 80 % en Autriche - des kilomètres parcourus par les voyageurs sont effectués en train et financés par attribution directe. Sacrifier le succès des entreprises concernées sur l’autel du libéralisme mettrait en péril le transport public de passagers et aurait également de graves conséquences pour le personnel et les conditions de travail. Le secteur ferroviaire autrichien emploie plus de 50.000 personnes et ce nombre devrait augmenter pour contribuer à la réalisation des ambitions du Green Deal européen. En outre, l’industrie ferroviaire autrichienne génère un chiffre d’affaires annuel de 8,4 milliards d’euros.
« Il suffit de jeter un coup d’œil à la Deutsche Bahn, de l’autre côté de la frontière en Allemagne, pour évaluer les conséquences de la libéralisation et de la privatisation du transport ferroviaire », déclare Lukas Oberndorfer, chef du département Environnement et trafic de l’Arbeiterkammer Wien. « L’élargissement du marché va de pair avec une moindre fiabilité et planification. Nous ne pouvons pas nous le permettre compte tenu de la crise climatique. Dans le bilan climatique de l’Autriche qui, certes, exclut en grande partie l’aviation, 99 % des émissions de gaz à effet de serre générées par le trafic proviennent de la circulation routière. L’attribution directe aide à créer rapidement de nouvelles liaisons ferroviaires et à les densifier. //