DOSSIER ACCIDENTS DU TRAVAIL /
«Les assureurs refusent injustement 1 accident du travail sur 6»
TEXTE Patrick Van Looveren | PHOTO James Arthur | TEMPS DE LECTURE: 4 MINUTES | SYNDICALISTE 19 AVRIL 2023
/Des milliers de victimes laissées pour compte chaque année
Les assureurs décident eux-mêmes d’accepter ou de refuser un accident du travail. Alors qu’en 1985, seuls 2,2% des accidents du travail déclarés étaient refusés, ce chiffre atteint aujourd’hui 14,6%. Dans un cas sur six, ce refus est injustifié, selon Fedris (l’agence fédérale des risques professionnels), qui enquête par échantillonnage. Chaque année, des milliers de victimes d’accidents du travail sont ainsi laissés pour compte. Il est urgent de s’attaquer à ce problème, déclare Stijn Gryp, chef du service entreprise de la CSC.
Comment évolue le nombre de déclarations d’accidents du travail?
Depuis 1985, le nombre d’accidents du travail déclarés dans le secteur privé a diminué de manière constante. Cette baisse ne s’est toutefois pas poursuivie de manière significative durant ces dernières années. La baisse des chiffres en 2020 et 2021 découle de la pandémie. En revanche, le nombre de déclarations d’accidents du travail graves (et mortels) n’a pas diminué (11.020 déclarations en 1985 et 11.530 en 2021). Dans le secteur public non plus, nous n’avons pas vraiment constaté de baisse du nombre de déclarations d’accidents du travail au cours des dernières années.
Qu’en est-il du nombre d’accidents du travail rejetés?
Dans le secteur privé, le pourcentage de déclarations refusées par les assureurs en 2021 est plus de six fois supérieur à celui de 1985. En 1985, il représentait 2,2% de l’ensemble des déclarations, contre 14,6% en 2021. Dans le secteur public, le nombre de déclarations d’accidents du travail refusé est plus faible.
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Le pourcentage de déclarations du secteur privé refusé par les assureurs en 2021 est plus de six fois supérieur à celui de 1985.
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Qui décide de refuser ou d’accepter des accidents du travail?
Dans le secteur privé, les déclarations d’accidents du travail sont acceptées ou refusées par les assureurs accidents du travail. Dans le secteur public, c’est l’employeur lui-même qui s’en charge, même s’il prend conseil auprès des assureurs. Pour qu’un accident du travail soit accepté, un certain nombre de critères doit être rempli. Il doit s’agir d’un événement soudain qui survient au cours de l’exécution du contrat de travail ou sur le chemin du travail. Et il doit y avoir un dommage (une atteinte à l’intégrité physique ou psychique). Pour la victime d’un accident du travail, le choix - acceptation ou refus - est lourd de conséquences.
N’y a-t-il donc pas de contrôle sur ces accidents du travail refusés?
Fedris, l’Agence fédérale des risques professionnels, contrôle chaque année une partie des accidents du travail refusés afin de vérifier s’ils ont été refusés à juste titre. Les accidents du travail refusés que Fedris contrôle peuvent être divisés en deux groupes. Un premier groupe est constitué d’accidents du travail refusés pour lesquels la victime (ou son représentant) a demandé elle-même une enquête. Le deuxième groupe (90%) est constitué d’accidents du travail refusés pour lesquels Fedris enquête de sa propre initiative. Durant la période 2019-2021, en moyenne 586 des 3.496 accidents du travail refusés ayant fait l’objet d’une enquête ont été refusés à tort, selon Fedris, soit 16,8% ou un sur six. De nombreuses victimes voient ainsi leur accident du travail refusé à tort, avec toutes les conséquences qui en découlent pour leur santé physique et mentale, leurs revenus, etc.
La situation devient encore plus préoccupante lorsque l’on se penche sur les accidents du travail graves qui ont été refusés. Il s’agit d’accidents susceptibles d’entraîner une incapacité permanente (au moins partielle). Parmi ces accidents du travail graves refusés, Fedris en a examiné 369 en 2021. Pour 70 de ces 369 accidents du travail graves (19%), Fedris a conclu qu’ils avaient été refusés à tort. Près d’un sur cinq, autrement dit. Le refus injustifié d’un accident du travail grave a évidemment des conséquences lourdes pour les victimes. Comme tous les accidents du travail refusés ne font pas l’objet d’une enquête, des milliers de victimes d’accidents du travail sont laissés pour compte chaque année.
Que faut-il faire?
La CSC souhaite que tous les accidents du travail refusés soient examinés par Fedris. De cette manière, chaque victime pourra savoir si Fedris considère le refus comme justifié ou injustifié, et la victime pourra prendre elle-même des mesures si l’assureur ne suit pas l’avis de Fedris. Enquêter sur tous les refus nous permettra d’avoir une vue et, espérons-le, une meilleure emprise sur les manquements de certains assureurs. Afin d’enquêter sur tous les accidents du travail refusés, Fedris a évidemment besoin de plus de moyens humains et financiers. La CSC plaide pour que ces moyens soient financés par une taxe dont les assureurs devraient s’acquitter chaque fois qu’ils refusent un accident du travail. Par ailleurs, les pouvoirs publics pourraient également participer au financement. En effet, investir dans Fedris permettra de réaliser des économies pour les pouvoirs publics, la sécurité sociale, la victime et l’employeur. Lorsqu’un accident est refusé, la victime est souvent prise en charge par l’assurance maladie et l’employeur doit couvrir le salaire garanti. Les assureurs perçoivent les primes d’assurance, mais répercutent les coûts sur l’assurance maladie, la victime et l’employeur.
Une deuxième mesure que nous proposons consiste à faire parvenir immédiatement et simultanément aux victimes (ou aux ayants droit) une copie de la déclaration d’accident du travail que l’employeur a transmise à l’assureur. Ce n’est pas le cas actuellement. Ainsi, les victimes (ou les ayants droit) sauront immédiatement si la déclaration a été établie de manière effective et elles en connaîtront le contenu. Elles peuvent vérifier que la déclaration contient tous les éléments nécessaires et qu’elle donne une image fidèle de l’accident. La description de l’accident est-elle correcte? Les noms des témoins ont-ils été indiqués? La déclaration des blessures est-elle correcte? Les données relatives au salaire sont-elles correctes? Si ce n’est pas le cas, une réaction rapide peut éviter des refus inutiles. En outre, toute victime jouit du droit fondamental de savoir ce que l’employeur communique à l’assureur au sujet de son accident du travail.
Pour savoir quoi faire en cas d’accident du travail, visitez notre page www.lacsc.be/accident-du-travail
«Chaque année, des milliers de victimes d’accidents du travail sont laissées pour compte.»
STIJN GRYP
Pour savoir quoi faire en cas d’accident du travail, visitez notre page www.lacsc.be/accident-du-travail