close

Une question ou une remarque? Faites-le nous savoir!

Syndicaliste // Confédération des syndicats chrétiens (CSC) // Secrétariat de rédaction // Donatienne Coppieters // syndicaliste@acv-csc.be // Besoin de plus d'informations? Visitez www.cscmilitants.be

Retour au numéro actuel

L’ACTU /

Des incertitudes à tous niveaux

TEXTE Maarten Gerard / PHOTO Shutterstock / 13 novembre 2024 / temps de lecture: 5 minutes

L’année 2024 s’achève dans une grande incertitude. Quelles seront les conséquences du retour de Trump à la Maison-Blanche? Qu’en sera-t-il de la formation du gouvernement dans notre pays? Que pouvons-nous encore espérer du gouvernement en affaires courantes? Pouvons-nous encore obtenir des avancées dans le cadre de la concertation sociale?

Nous avions annoncé ici même que cette année serait marquée par des élections décisives.
Les élections aux États-Unis viennent juste de se terminer et le résultat n’est guère rassurant. Donald Trump retourne à la Maison-Blanche en janvier prochain. Au Sénat, les Républicains détiennent probablement déjà la majorité et il semble qu’il en sera de même à la Chambre des représentants. La quasi-totalité des élus républicains soutiennent Trump. À la Cour suprême - troisième branche du pouvoir - les juges conservateurs nommés par Trump montrent la voie. Cela signifie que la président des USA rencontrera peu d’obstacles pour mener sa politique.

Quoi que nous puissions en penser, l’essentiel est de comprendre quelles seront les conséquences de l’arrivée de Trump pour nous. Il est encore trop tôt pour faire des prévisions à ce sujet, compte tenu de l’imprévisibilité du personnage. Cependant, les choix opérés aux États-Unis auront des répercussions économiques, et donc sociales, sur notre pays. Une politique protectionniste pourrait fragiliser notre économie et surtout notre industrie, qui traverse déjà des difficultés. Pire encore, de mauvais choix géopolitiques en Ukraine ou au Moyen-Orient pourraient entraîner de nouveaux chocs, notamment en matière d’approvisionnement et de prix de l’énergie, alors même que nous subissons encore les effets des crises précédentes. Sans oublier les conséquences humaines à long terme en matière d’immigration et de politique climatique.

Qu’en est-il de l’industrie européenne et de l’économie belge?

Entretemps, la situation en Allemagne, où Volkswagen envisage pour la première fois de fermer pas moins de trois usines, ce qui affecterait des dizaines de milliers de travailleurs, illustre parfaitement l’état précaire de l’industrie européenne. Parallèlement, le gouvernement allemand peine à mener une politique de soutien claire, pris en otage par son petit partenaire libéral. Avant l’été, ce parti a également failli bloquer d’importantes directives européennes, comme celles concernant le travail de plateformes ou le devoir de vigilance. Donner la priorité à l’équilibre budgétaire au détriment des investissements est déjà un exemple frappant des conséquences économiques. Depuis, les libéraux allemands se sont retirés de la coalition gouvernementale, ce qui a aggravé l’impasse.

-//-

«Les choix opérés aux États-Unis auront des répercussions économiques, et donc sociales, sur notre pays.»

_

Cela nous amène au contexte belge. Notre industrie tourne largement en deçà de ses capacités, et l’impact de la fermeture d’Audi Forest commence seulement à se faire sentir. Sur le plan macroéconomique, l’impact sur le marché du travail demeure toutefois limité. Les derniers chiffres montrent une stabilité du chômage régulier et du chômage temporaire. Par ailleurs, le nombre de flexi-jobistes continue d’augmenter. Nous ne devons donc pas laisser notre économie sombrer, même si l’avenir est incertain.

Qu’en est-il de la formation du gouvernement?

Le travail ne manque donc pas pour le nouveau gouvernement fédéral, même si celui-ci est loin d’être formé. Après les récriminations et les allers-retours qui accompagnent nécessairement cet exercice, la piste de l’Arizona semble se poursuivre. Cela dit, l’analyse de base des propositions et de leur nature problématique, y compris celle de Vooruit, est tout à fait pertinente, comme nous l’avons déjà souligné dans ces colonnes. Si nous laissons faire la N-VA, nous pouvons enterrer notre modèle social et les travailleurs seront livrés à eux-mêmes. La N-VA se rachètera avec une réforme fiscale en échange d’une légère augmentation du pouvoir d’achat dans la poche du travailleur, mais cet argent lui sera aussitôt retiré sous la forme de nouvelles taxes ou de hausses des coûts des services publics. Au détriment de ceux qui perdent leur emploi, tombent malades ou prennent leur pension.

Reste donc à voir si la coalition Arizona sera réellement remise en selle, ou si l’Open Vld remplacera Vooruit, avec ou sans pouvoirs spéciaux, et donc aussi combien de politiques antisociales nous devrons subir. Une chose est sûre: des économies drastiques sont à prévoir. Il est peu probable que le Parlement adopte un budget avant 2025. La Belgique sera donc mise à l’amende pour ne pas avoir respecté l’échéance européenne.
La hauteur de cette sanction dépendra également des autres pays sanctionnés, notamment l’Italie et la France, et de la réaction de marchés financiers irrationnels. Cependant, certains acteurs risquent d’invoquer systématiquement cette sanction pour justifier leurs propres propositions de droite, en les présentant comme la seule alternative.

Qu’en est-il du budget des soins de santé?

Les négociations en cours ont manifestement servi de prétexte au gouvernement actuel, et en particulier à notre premier ministre, pour relâcher un peu la bride. En effet, les conseils des ministres ne se réunissent plus en présentiel et les décisions ne sont plus guère prises. Autre exemple: l’impasse dans laquelle se trouve le budget des soins de santé. L’Open Vld et le MR ont bloqué une proposition de budget solidement étayée qui vise à rétablir l’équilibre en réduisant les dépenses pour les médicaments, entendez pour les grandes entreprises pharmaceutiques. Le lobby libéral montre une fois de plus où se situent ses intérêts et quelle justice nous pouvons en attendre dans les négociations gouvernementales. Les semaines à venir montreront si une solution est trouvée pour éviter l’absence de cadre opérationnel.

-//-

«Pour la concertation sociale, nous ne resterons cependant pas au point mort.»

_

Qu’en est-il de l’enveloppe «bien-être»?

Une avancée rapide dans le dossier de l’enveloppe «bien-être» semble moins probable. Sans perspective de gouvernement, la balle sera à nouveau dans le camp du gouvernement en affaires courantes. Les budgets nécessaires ont été prévus dans le cadre de la sécurité sociale. Il est donc possible que certaines mesures soient concrétisées, mais plusieurs partis devront s’impliquer activement. Il ne faut pas s’attendre à un avis rapide des interlocuteurs sociaux, étant donné les divergences de positions et le souhait des employeurs de les lier aux négociations d’un accord interprofessionnel (AIP).

Qu’en est-il de la concertation sociale?

Cela nous amène au prochain cycle de l’accord interprofessionnel (AIP). En l’absence de gouvernement, il ne faut pas s’attendre à ce que de nouvelles initiatives stimulent les négociations. Pourtant, celles-ci risquent également d’être difficiles si les employeurs continuent à miser systématiquement sur ce nouveau gouvernement. Entretemps, nous devons finaliser notre propre cahier de revendications, mais la marge salariale disponible ne sera connue qu’en février. Même avec le logiciel frauduleux dans le calcul, nous savons que l’écart sera partiellement, voire totalement, résorbé par rapport aux pays voisins. Toutefois, que nous soyons juste en dessous de zéro ou à zéro, il n’est pas certain que le carcan de la loi sur la norme salariale nous permette de dégager une marge supplémentaire pour des augmentations salariales.

Pour la concertation sociale, nous ne resterons cependant pas au point mort.
Des discussions sont en cours dans le cadre de restructurations. Nous espérons qu’elles permettront d’améliorer les CCT. Par ailleurs, grâce à une communication élaborée avec le Conseil national du travail (CNT), nous avons déjà pu contrer, en consensus, certaines des idées farfelues issues des négociations gouvernementales, en particulier sur le rôle de la concertation sociale, mais aussi sur l’opportunité d’une fusion des services d’inspection.

Les discussions concernant le federal learning account sont plus complexes. Le Parlement a voté en première lecture un report de son instauration à avril 2025. Cette décision doit être ratifiée en deuxième lecture et en séance plénière. Or, les employeurs refusent de parler d’améliorations tant que l’option de sa suppression n’est pas sur la table.

Le rôle du Parlement pourrait encore s’amplifier. Jusqu’à présent, les négociateurs du gouvernement se sont accordés pour ne pas adopter de propositions qui ont un impact sur les discussions. Toutefois, ils pourraient changer d’avis si les négociations s’éternisent et si aucun cadre clair n’émerge. Entretemps, les propositions affluent, qu’il s’agisse de l’accord evergreens de la droite sur le travail étudiant illimité ou de la proposition du MR de reconnaître les métiers pénibles dans les secteurs fédéraux des soins de santé à des fins de pension, conformément à l’accord social de 2018.
Alors que l’emprise sur le Parlement se relâche, des décisions saugrenues pourraient encore surgir.



Articles liés publiés précédemment