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FACT CHECK /

Distinguer le vrai du faux

TEXTE Bram Van Vaerenbergh | PHOTO Shutterstock | TEMPS DE LECTURE: 5 MINUTES | 8 FÉVRIER 2023

Une discussion sur l’index donne souvent lieu à des arguments à l’emporte-pièce. Ils semblent imparables… jusqu’à ce que vous y réfléchissiez de plus près. Pour vous armer contre l’arsenal des opposants à l’index, nous avons dressé la liste de quelques-uns de ces arguments et nous vous expliquons pourquoi ils sont erronés. N’hésitez pas à les qualifier d’inepties!

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Un index calculé en MONTANTS est plus juste que s’il est calculé en pourcents

À l’instar de l’inflation, l’indexation automatique des salaires s’exprime en pourcents et non en euros. Ne serait-il donc pas plus social d’accorder l’indexation en montants plutôt qu’en pourcents? En effet, une personne qui gagne 1.000 euros et bénéficie d’une indexation de 10% ne percevra que 1.100 euros, tandis qu’une personne dont le salaire est de 5.000 euros recevra jusqu’à 500 euros supplémentaires.
En réalité, l’indexation en montants plutôt qu’en pourcents n’a rien de social. En premier lieu, l’indexation n’enrichit personne. Elle ne fait que corriger – avec un certain retard selon votre commission paritaire – la perte de pouvoir d’achat due à la hausse des prix. Elle protège ainsi tant les revenus les plus élevés que les plus faibles contre l’appauvrissement.
De même, il est faux d’affirmer qu’un index en montants permet de redistribuer la richesse, parce qu’il relativise la correction du pouvoir d’achat des revenus les plus faibles par rapport aux revenus les plus élevés. Rien n’est redistribué. Les bas salaires conservent au mieux leur pouvoir d’achat mais ne gagnent rien. Les seuls à y gagner sont les employeurs et les actionnaires dont la marge bénéficiaire augmente parce qu’ils n’ont guère ou n’ont pas à adapter la rémunération des travailleurs aux salaires plus élevés.
Les grands perdants – hormis les revenus les plus élevés – sont les pouvoirs publics et la sécurité sociale. Ils perçoivent moins de cotisations. Tous les travailleurs et les personnes qui bénéficient d’un revenu de remplacement sont pénalisés car la pression augmente pour réaliser des économies sur la sécurité sociale.

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L’index nous enrichit

Premièrement, l’indexation ne rapporte rien à personne. Elle nous protège seulement de l’appauvrissement. En outre, cette protection n’est pas totale car l’indexation est basée sur l’indice santé et il existe de nombreux effets de retard, dans certains secteurs plus que dans d’autres.

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Il faut fixer l’index sur la base du salaire médian

Une autre idée consiste à appliquer l’indexation au salaire médian dans notre pays et à accorder ce montant à tous les travailleurs qui y ont droit. Malgré l’avantage que présente la formule, dans le sens où il y a effectivement un effet de redistribution des hauts salaires vers les bas salaires, elle implique également une importante redistribution du travail vers le capital. Certes, il y a autant de travailleurs au-dessus du salaire médian qu’en dessous, mais comme leur salaire est plus élevé, la masse salariale est beaucoup plus importante au-dessus de la médiane qu’en dessous.

Il y a en outre des obstacles en matière de capacité financière: généralement, ce ne sont pas les employeurs qui versent des salaires élevés qui s’opposent le plus à l’indexation mais plutôt les secteurs à bas salaires. Il s’agit souvent de secteurs à forte intensité de main-d’œuvre qui, pour cette raison – et parce qu’ils font face à une forte compétitivité – éprouvent déjà des difficultés à payer ces bas salaires. Ils ne manqueront pas d’émettre des objections économiques si on leur impose de payer une indexation supplémentaire.

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Pas de loi sur la norme salariale, alors plus d’indexation automatique

Nous luttons depuis un certain temps déjà contre la loi de 1996 sur la norme salariale. L’Organisation internationale du travail (OIT) a condamné la Belgique en déclarant que cette loi viole le droit fondamental des travailleurs à la libre négociation des salaires.
Parce qu’ils n’ont guère d’arguments pour réfuter la thèse de l’OIT, les employeurs changent donc d’approche en scandant: «Pas de loi sur la norme salariale, alors plus d’indexation automatique».
Les employeurs estiment en effet que la loi sur la norme salariale garantit l’indexation des salaires et constitue une intervention légale dans la liberté de négociation. Or, les employeurs se trompent complètement: l’indexation dans le secteur privé n’est absolument pas garantie par une loi mais résulte de CCT conclues dans les secteurs et les entreprises. C’est exactement pour cela que certains travailleurs de notre pays n’ont pas droit à une indexation automatique de leurs salaires: parce qu’il n’existe pas de CCT dans leur secteur ou entreprise ou parce qu’ils en ont été exclus, ou encore parce que la CCT prévoit de n’indexer que les minima sectoriels. Toutes ces CCT sont le fruit de négociations libres, sans aucune intervention légale.

Les travailleurs qui ne bénéficient pas d’une indexation automatique – ou seulement d’une indexation partielle – ne peuvent absolument pas invoquer la loi sur la norme salariale pour obliger leur employeur à procéder à une indexation complète. La loi sur la norme salariale ne sert qu’à atténuer un peu l’immixtion légale dans la liberté de négociation, en précisant que le gouvernement ou les employeurs ne peuvent pas abuser de la loi pour ne pas appliquer les CCT négociées antérieurement. Y compris les CCT relatives à l’indexation. Il ne s’agit pas d’une intervention dans le droit à la négociation collective. Au contraire, il s’agit plutôt de restreindre le droit des gouvernements à intervenir dans des CCT négociées antérieurement.

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L’indexation en net est tout aussi bonne pour le salarié

Les organisations patronales aspirent toujours plus à une indexation en net. Elles laissent entendre que le travailleur conserve le même montant. Or, ce raisonnement ne tient pas car les augmentations en net ne permettent pas de se constituer de droits sociaux.
On oublie surtout que cette option entraînerait une hémorragie pour la sécurité sociale et les services collectifs. Les travailleurs en seraient victimes quoi qu’il arrive. La CSC a calculé qu’une indexation en net, appliquée en 2022 et en 2023, aurait coûté pas moins de 9,92 milliards d’euros (!) de pertes de recettes à la sécurité sociale et aux différents pouvoirs publics.

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La hausse de l’inflation est due à nos salaires élevés

La spirale salaires-prix est un autre de ces arguments souvent invoqués pour critiquer l’index. En résumé, l’augmentation des coûts salariaux est répercutée sur les prix.
Par conséquent, les revendications salariales sont plus élevées parce que les prix ont augmenté. Or, cela n’a pas été le cas au cours des dernières décennies. Statbel, l’office belge de statistique, a calculé que l’inflation est surtout due à la hausse des coûts de l’énergie ainsi qu’à l’augmentation des prix des denrées alimentaires. Elle ne résulte donc pas d’une spirale salaires-prix. En outre, près de la moitié des salariés (40%) n’ont été indexés qu’en janvier, de sorte que l’inflation ne peut résulter d’un événement qui ne s’est pas encore produit. En outre, les augmentations de prix destinées à maintenir les marges bénéficiaires (élevées) pèsent davantage que les coûts salariaux.

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