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L’ACTU /

Douche froide attendue

TEXTE Maarten Gerard / PHOTO Shutterstock (IA) / 15 octobre 2025 /. temps de lecture 5 minutes

À peine l’année politique entamée, le Premier ministre annonce déjà de nouvelles mesures strictes pour maintenir le déficit sous les 3% exigés par l’Europe. Le slogan «tout le monde doit faire des efforts» sert surtout à faire peser les sacrifices sur les plus faibles.

D’emblée, le budget était fragile et difficilement tenable. Des retours sur investissement irréalistes sont censés apporter le salut d’ici 2029, mais les chiffres ne tiennent déjà plus. Les vents contraires économiques, liés à la politique commerciale imprévisible des États-Unis et à la soudaine générosité envers la défense, ne peuvent plus être ignorés et mettent à mal la fiction selon laquelle diminuer les revenus des citoyens et leur sécurité d’emploi stimulerait l’économie.

Économies supplémentaires

Selon les interlocuteurs, des économies supplémentaires de 8 à 10 milliards d’euros sont nécessaires pour maintenir le cap budgétaire. Le président du MR, Georges-Louis Bouchez, va jusqu’à proposer 20 milliards d’économies. Parmi les pistes évoquées: un saut d’index, une hausse du ticket modérateur, une croissance plus lente des dépenses de santé, un contrôle renforcé des malades de longue durée et une augmentation de la TVA. Parallèlement, les décisions gouvernementales antérieures entraîneront d’ici 2029 une perte d’au moins 8 milliards de recettes. Au lieu de tailler dans les dépenses, il serait plus judicieux de s’intéresser au volet des recettes.

Pension et marché du travail

Dans son accord d’été, le gouvernement a présenté ses premières propositions de réforme du marché du travail et de nouvelles mesures sur les pensions. Il souhaite «flexibiliser» davantage le marché de l’emploi, un terme élégant pour désigner la réduction de la protection du temps de travail. Le second volet vise à décourager financièrement le départ anticipé à la pension. Ces deux ensembles de mesures ont été soumis pour avis, respectivement au Conseil national du travail et à la direction du Service fédéral des Pensions. Les avis sont désormais rendus, et la balle est à nouveau dans le camp du gouvernement. Il reste à attendre l’avis du Conseil d’État sur les deux dossiers d’ici à la fin de l’année.

Un bâton pour faire travailler plus longtemps

Concernant les pensions, les employeurs soutiennent la position syndicale selon laquelle l’accord social sur les fins de carrière doit être respecté. Cela implique notamment le refus d’un salaire fictif réduit pour ceux qui travaillent jusqu’à la retraite - ce qui entraînerait une baisse de la constitution des droits à pension - et l’exclusion des emplois de fins de carrière dans le plafonnement des assimilations (CAP). Au-delà de ces points, aucun consensus n’a été trouvé, ce qui a conduit les syndicats à rendre un avis largement divisé.

Le Service fédéral des Pensions estime que le train de mesures proposé est techniquement et juridiquement irréalisable à partir de janvier 2026. Une petite bombe susceptible de faire hésiter un ministre, mais la réflexion sur la faisabilité juridique et administrative ne semble plus être une priorité politique. Quelle que soit la décision prise, le chaos menace en 2026.

Les mesures présentées comportent trois volets principaux: un durcissement des conditions de travail, un malus pension et de nouvelles conditions d’accès à la pension anticipée. Par exemple, la définition d’une année de carrière serait modifiée pour atteindre 156 jours travaillés ou assimilés, avec effet rétroactif. Les périodes de soins, de maladie et d’inactivité involontaire sont insuffisamment reconnues, ce qui pénalise surtout les femmes aux carrières fragmentées. Cette rétroactivité va à l’encontre des principes de confiance et de sécurité juridique, rendant impossible pour les travailleurs toute anticipation correcte des conséquences des choix de carrière.

L’introduction d’un malus pension touche surtout les travailleurs à temps partiel, les femmes et ceux qui exercent des métiers pénibles. Partir à la retraite anticipée à 63 ans pourrait entraîner une perte allant jusqu’à 20% du montant de la pension. Ce malus s’ajoute à la correction pour carrière incomplète, transformant la retraite anticipée en produit de luxe. La correction pour maladie élaborée par le gouvernement est bâclée: les travailleurs qui reprennent progressivement après une maladie sont plus lourdement pénalisés que ceux qui restent en incapacité totale. De plus, la première année de carrière n’est pas correctement comptabilisée, ce qui décourage les jeunes de commencer à travailler rapidement.

Il reste également à définir la mesure relative à la limitation des assimilations. À partir de 2031, le gouvernement veut limiter le nombre de jours assimilés à 20% de la carrière. Les congés pour soins et les périodes de maladie seraient exclus. Parmi les 20% de revenus les plus faibles, 42% des travailleurs perdraient ainsi des droits à la pension. L’impact serait particulièrement fort pour les carrières précaires, les temps partiels et les malades de longue durée.

 

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«Le gouvernement organise une forme de dumping social.»

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Démantèlement des droits des travailleurs

Les réformes prévues en matière de droit du travail, regroupées dans une loi portant diverses dispositions, sont actuellement soumises pour avis au Conseil national du travail (CNT). Aucun consensus n’a été trouvé avec les employeurs. Certains points semblaient encore ouverts à compromis, mais le ministre de l’Emploi, David Clarinval (MR), a bloqué toute prolongation du délai d’avis, empêchant ainsi toute avancée.

Les syndicats ont donc dénoncé le démantèlement organisé par le gouvernement. Les dispositions de cette loi réduisent la protection des travailleurs, tant collective qu’individuelle. Pour les temps partiels, la durée minimale de travail d’un tiers disparaît, alors que d’autres réformes durcissent les conditions d’accès à certains droits de sécurité sociale. Par ailleurs, la durée de travail de certains salariés est allongée via des heures supplémentaires, sans droits sociaux supplémentaires. Et certains travailleurs de nuit perdent même, par voie légale, leur droit à un salaire de nuit et donc à des droits sociaux - ce qui jusqu’ici ne pouvait se faire que par la concertation sociale. Le constat est clair: le gouvernement organise une forme de dumping social.

Les employeurs vont encore plus loin. Ils souhaitent autoriser les heures supplémentaires volontaires sans repos compensatoire, à hauteur de 503 à 594 heures par an, tout en conservant les avantages fiscaux. Ils veulent aussi étendre les dérogations au travail de nuit à plusieurs commissions paritaires (202.01, 119, 100 et 200, 140.03 et 149.04), et contourner les syndicats pour instaurer le travail en soirée sans prestations de nuit.

Le ministre de l’Emploi propose en outre de réintroduire la période d’essai: le préavis serait limité à une semaine durant les six premiers mois. Les employeurs ne sont pas unanimes sur ce point, ce qui bloque l’avis. Enfin, la proposition d’annualiser le temps de travail, qualifiée d’aberration par la CSC, mérite à tout le moins un débat approfondi.

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L’accord sur le salaire minimum sous pression

Le climat de la concertation sociale est donc loin d’être serein. Après le dossier de la période d’essai, les employeurs ont également interrompu les discussions sur le budget mobilité. Et ils refusent désormais de respecter le cadre d’accord concernant le salaire minimum. Une troisième augmentation d’environ 50 euros net est prévue en avril 2026 grâce au renforcement simultané de la prime fiscale à l’emploi. Pourtant, le gouvernement temporise, alors que les employeurs ont déjà obtenu leurs compensations.

Flexi-jobs

L’extension du système des flexi-jobs a reçu un avis favorable et passe désormais en deuxième lecture. D’après les derniers chiffres, on compte déjà 180.000 flexi-jobbers par trimestre. Une étude du Bureau du Plan est annoncée, bien que la formulation de la question de recherche reste floue. Le Conseil d’État souligne explicitement que la hausse du plafond fiscal combinée à l’élargissement du dispositif équivaut à une aide d’État. Malgré cela, le cabinet Jambon continue à manœuvrer. Il est difficile de conclure des opt-out avant l’élargissement à de nouveaux secteurs, mais cela reste envisageable. L’incertitude quant à la reconduction des opt-out existants illustre une fois de plus le peu de respect que ce gouvernement accorde aux accords conclus dans des CCT.

 

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C’est le pourcentage de travailleurs parmi les 20% de revenus les plus faibles - souvent en situation précaire, à temps partiel ou en incapacité de travail de longue durée - qui perdraient des droits à la pension si le nombre de jours assimilés était limité à 20% de la carrière.

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Réintégration des malades de longue durée

La loi sur la réintégration des malades de longue durée a été approuvée en deuxième lecture et est désormais soumise au Parlement. Cela signifie que les premières mesures de responsabilisation entreront en vigueur dès le 1er janvier, avec des compléments possibles lors du prochain cycle budgétaire.

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