L'ACTU /
Fermeture annoncée chez Audi
TEXTE Donatienne Coppieters / PHOTO Belga / 11 septembre 2024 / temps de lecture: 4 minutes
Le 3 septembre, lors d’un conseil d’entreprise extraordinaire, la direction d’Audi Brussels a confirmé la fin de toute production VW sur le site bruxellois. Ce qui signifie une fermeture dans les prochains mois. Toutefois, des «projets alternatifs» pourraient être proposés. Ils devront être clarifiés lors du conseil d’entreprise extraordinaire du 17 septembre.
«La direction a été claire: Audi et VW, à Bruxelles, c’est fini!, résume Dominique Bray, délégué CNE au sein de l’entreprise. Pour le personnel du site, c’est un nouveau coup dur. On avait beau sentir venir cette annonce, elle fait quand même très mal. On reste abasourdi. C’est d’ailleurs pour cette raison que le personnel a décidé de ne pas reprendre le travail, ce (mercredi, NDLR) matin.»
Cette fermeture annoncée signifie à terme la perte de leur emploi pour les 3.000 travailleurs d’Audi et les 1.000 sous-traitants.
Toutefois, la direction a souvent fait allusion à des projets alternatifs qui devront être clarifiés lors du prochain conseil d’entreprise extraordinaire du 17 septembre. Les syndicats souhaitent aussi avoir une vue sur l’ensemble des potentiels repreneurs.
Dominique Bray: «Les projets alternatifs en question pourraient sauver temporairement quelques emplois. On suppose que l’un ou l’autre département de l’usine intéressera des repreneurs actifs dans la fabrication de pièces détachées ou la réparation de véhicules. Mais il ne faut pas se leurrer: la majorité des travailleurs d’Audi Brussels devront trouver un nouveau job d’ici peu.»
Quand vous recevrez ce Syndicaliste, une manifestation nationale aura eu lieu le 16 septembre à Bruxelles. En plus de soutenir les travailleurs d’Audi, elle vise à pousser les autorités belges à investir dans un plan industriel fort.
«C’est une partie de ma vie que je laisse ici»
Jamal travaille depuis 25 ans sur le site d’Audi à Forest. Ouvrier en tôlerie, il a connu la restructuration de VW en 2006 (1). Il évoque avec amertume la situation actuelle. (*)
TEXTE & PHOTO David Morelli
Comment envisagez-vous l’avenir de l’entreprise?
Beaucoup moins bien qu’en 2006, vu la méthode utilisée par l’employeur. Ils ont annoncé ça juste avant les vacances et cela semble mijoté depuis longtemps. Aujourd’hui, on n’est déjà plus que deux équipes, soit la moitié de l’effectif par rapport à 2006. Il y aura peut-être une petite partie des travailleurs qui vont garder leur emploi, en travaillant dans des ateliers de batterie, mais je pense que le reste du site sera abandonné.
Comment, d’après-vous, en est-on arrivé là?
La situation dans laquelle nous nous trouvons vient entre autres du coût beaucoup moins élevé de la main d’œuvre au Mexique. Il y a aussi des problèmes en Allemagne. Tant que l’Allemagne va mal, on ira droit dans le mur ici. Le marché de l’électrique ne fonctionne pas. Je pense que le gouvernement doit réagir par rapport à ça. Tout le monde n’est pas prêt ou n’a pas les moyens de passer à l’électrique. Il faut qu’il y ait des primes, des aides de l’État. Mais ça a déjà été abandonné en Allemagne… Tout ça joue beaucoup dans la situation que vit l’entreprise aujourd’hui.
Comment envisagez-vous votre avenir?
J’ai travaillé en montage, en tôlerie, j’ai un brevet de cariste. Personnellement, je pourrais retrouver un emploi. Des caristes, on en demande partout. Mais on a quand même vécu beaucoup de choses ici. C’est une partie de ma vie que je laisse ici. Mais on ne va pas se laisser abattre les uns après les autres. Je ne veux pas attendre mon tour ou voir mes collègues partir en octobre ou en mai de l’année prochaine. Je n’apprécie pas cette méthode très calculée ou l’on coupe les têtes par étapes. On va nous aussi suivre les étapes - celles du plan Renault - et suivre nos délégués pour voir quelles sont les perspectives pour l’entreprise. On ne va pas lâcher. On va lutter.
(1) En 2006, une importante restructuration de VW Forest avait abouti au licenciement de 3.000 salariés et à la reprise du site par Audi, avec des conditions de travail plus dures.
(*) Entretien réalisé avant le conseil d’entreprise du 3 septembre.
«Nous sommes la poussière par terre chez Audi»
Les emplois de quelque 1.000 travailleurs sous-traitants d’Audi pourraient être impactés par sa restructuration. Bouker, délégué CSC chez Cleaning Master, explique le sentiment d’abandon ressenti par ces travailleurs alors qu’il participe à un rassemblement de ceux-ci devant les portes closes de l’usine. (*)
TEXTE & PHOTO David Morelli
Pourquoi êtes-vous devant l’usine ce matin?
Nous sommes inquiets pour nos emplois. De plus, alors que nous sommes en chômage économique depuis début juillet, les travailleurs d’Audi sont payés pour la seconde semaine consécutive sans devoir reprendre le travail. Nous voulons dénoncer cette situation injuste. La direction d’Audi essaie déjà de diviser les travailleurs. Aujourd’hui, on attend qu’un responsable d’Audi vienne à notre rencontre et nous écoute. On attend aussi que le monde politique se bouge.
Comment votre société serait-elle impactée?
Cleaning Masters fait du nettoyage industriel chez Audi depuis 2014. C’est un chantier important pour l’entreprise. On nettoie les ateliers, les machines, les robots, les cabines de peinture… 50 personnes travaillent chez Audi tous les jours. Ces travailleurs, qui ont pour la plupart entre 55 et 60 ans et qui ont parfois plus de 30 ans d’ancienneté sur ce site, sont inquiets pour leur avenir. Moi, je travaille sur le chantier Audi depuis 1992. Ça va être très difficile de retrouver de l’emploi si le site ferme. Le seul espoir est que l’usine soit reprise. Si elle ferme ses portes, notre avenir est foutu.
Comment votre direction a-t-elle réagi?
Elle a tenté de contacter celle d’Audi mais elle n’a jusqu’à présent reçu aucune réponse. De notre côté, nous avons contacté notre direction pour que nous soyons payés comme Audi le fait avec ses ouvriers. Nous n’avons pas encore reçu de réponse et, plus largement, notre direction ne sait pas réponde à nos questions.
Vous vous sentez délaissés?
Audi n’est pas officiellement notre entreprise, mais comme tous les sous-traitants, nous nous sentons en faire partie. Nous côtoyons ses ouvriers comme s’ils étaient nos collègues. C’est aussi le cas des collègues de la sécurité, du catering, etc. Nous subissons la situation de manière encore pire que les travailleurs d’Audi parce qu’on ne nous voit pas. On est la poussière par terre. Personne ne nous regarde. Il faut que l’ensemble des centrales syndicales qui travaillent sur le site s’allient et portent également des revendications pour les sous-traitants. Il faut que la solidarité joue au plus haut niveau. Nous serons présents à la manifestation le 16 septembre à Bruxelles pour exiger un avenir pour Audi et ses sous-traitants.
(*) Entretien réalisé avant le conseil d’entreprise du 3 septembre.