Élections sociales /
La diversité dans l'entreprise: un atout pour l’intégration
TEXTES ET PHOTOS David Morelli | TEMPS DE LECTURE: 4 minutes
La diversité n’est pas un concept abstrait à la CSC. Tant la composition de ses équipes syndicales que certaines de leurs initiatives témoignent que la diversité fait partie intégrante de son ADN. À l’occasion des élections sociale, nous vous proposons deux témoignages, parmi d’autres, qui en reflètent ses bienfaits, personnels et collectifs.
«Engager des migrants: c’est du win-win»
Jacques - aka Momo – est délégué CE-CPPT chez Ferrero (Arlon) où il travaille depuis 30 ans. Il témoigne de son travail contre les discriminations et pour l’intégration des personnes migrantes dans son entreprise.
Je suis d’origine libanaise. Arrivé en France en 1989 pour faire des études, je n’ai pas pu rentrer dans mon pays à cause de la guerre. J’ai eu du mal à trouver du travail malgré mon bac +2 en informatique. Pour tenter de m’en sortir, j’ai même changé mon prénom lorsque j’ai fait ma demande de nationalité française. Je m’appelle désormais officiellement Jacques. Après avoir fait des petits boulots au noir ou mal payés, j’ai été engagé chez Ferrero en 1994. Ils avaient besoin de main d’œuvre en pause de nuit.
Comment s’est passée votre entrée dans l’entreprise?
J’ai subi, pendant des années, les réflexions de certains travailleurs. Ma couleur de peau était plus visible que mon nouveau prénom et mon attitude: j’étais là pour travailler et aider ma famille. J’ai intégré en 2010 l’équipe syndicale pour défendre ceux qui subissent la même chose que moi. Je connais leur parcours, les problèmes de racisme mais aussi de discrimination qu’ils peuvent rencontrer. Ces discriminations peuvent également toucher les femmes, les homosexuels, etc. Dans une équipe syndicale, on a des cartes en main pour défendre tout le monde, migrants inclus.
Qu’avez-vous mis en place pour venir en aide aux personnes migrantes?
J’allais régulièrement visiter les migrants du centre d’accueil de Stockem en tant que bénévole. Je me suis dit qu’ils avaient besoin de travailler pour sortir de cette vie compliquée. Je les ai aidés à écrire des CV, à postuler sur internet, etc. J’ai dans un premier temps pu faire entrer 15 migrants chez Ferrero. Il y a eu des réactions négatives face à cette arrivée «massive». Il y avait alors très peu de personnes d’origine africaine dans l’entreprise. Mais petit à petit, on a pu faire travailler de plus en plus de personnes et, aujourd’hui, ils sont près de 140 à travailler chez Ferrero.
Y a-t-il eu des problèmes de discrimina-tions?
Il y a eu des problèmes liés au poste de travail. Certains chefs de lignes mettaient les travailleurs migrants systématiquement à des postes à charge lourde, où personne ne voulait travailler. L’équipe du CPPT a alerté les responsables de cette situation potentiellement discriminatoire. On a mis en place des mesures pour les former à d’autres postes afin qu’ils puissent évoluer professionnellement au sein de l’entreprise. La direction a été réceptive à notre demande et aujourd’hui, nous avons des migrants qui travaillent à des postes d’opérateur. On espère qu’à l’avenir, ces personnes puissent devenir chef de ligne.
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«Dans une équipe syndicale, on a des cartes en main pour défendre tout le monde, migrants inclus.»
Jacques
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Leur travail est apprécié?
L’important est de bien les encadrer via un message: fournissez un bon travail, ça vous permettra de rester plus longtemps. Ferrero est une entreprise avec du travail saisonnier. Si les travailleurs migrants repartent avec une évaluation positive, ils ont de bonnes chances d’être repris et, pourquoi pas, de décrocher, comme déjà une bonne vingtaine d’entre eux, un CDD ou un CDI.
Votre action offre une image très positive de la CSC
J’ai commencé ce projet en tant que bénévole mais, petit-à-petit, j’ai expliqué mon rôle de délégué et comment la CSC pouvait les défendre. Je les rencontre deux dimanches par mois pour écouter leurs problèmes, les aider au niveau administratif ou dans la recherche d’un logement. Les personnes qui travaillent avec un CDI doivent en effet quitter le centre d’accueil qui les héberge ou verser 65% de leur salaire à Fedasil… Avec eux, on fait aussi du volontariat à destination des personnes atteintes d’un handicap. Ces personnes se sont évidemment affiliées à la CSC (sourire).
Que diriez-vous aux travailleurs qui vivent mal la présence de migrants dans leur entreprise?
Alors que l’on a du mal à trouver de la main-d’œuvre dans de nombreux secteurs, le fait de pouvoir engager ces migrants évite de surcharger les autres travailleurs. C’est du win-win: pour les migrants, pour les travailleurs et pour la direction qui peut faire appel à des personnes qui ont envie de travailler
«Voir qu’on est utile, c’est un booster de la confiance en soi»
Anne-Charlotte, 35 ans, travaille depuis plus de 10 ans chez Manufast comme ouvrière. Cette diplômée en communication, atteinte d’un autisme léger, revient sur ses mandats syndicaux alors que l’ETA bruxelloise traverse un plan social.
Quel est ton parcours syndical?
Je me suis affiliée sur les conseils de ma maman dès que j’ai commencé à travailler. J’ai rapidement senti que les travailleurs les plus faibles avaient besoin d’être défendus. Un collègue m’a poussé à me mettre sur la liste en 2016. J’ai été élue en CE et réélue en 2020. Je porte également la casquette de déléguée suite au départ d’un collègue.
Étant porteuse d’un handicap, tu as l’impression d’être dans la diversité ou dans la représentativité?
On est dans la diversité: tous les secteurs de l’entreprise et tous les handicaps, aussi bien mentaux que physiques, sont représentés dans la délégation. Chacun y est atteint d’un handicap différent, comme les travailleurs des ETA. Par ailleurs, on ne fait quasiment aucune distinction entre ouvriers et employés dans l’entreprise. On tient nos réunions ensemble: c’est du vrai front commun syndical. On privilégie par ailleurs les questions réponses via des assemblées du personnel, même si la direction est un peu réticente. Mais depuis le plan social, il n’y a plus que quatre personnes dans l’équipe syndicale alors que nous étions une quinzaine avant.
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«Parquer des handicapés avec des handicapés, ça ne les fait pas évoluer.»
Anne-Charlotte
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Il y a des difficultés spécifiques pour défendre ce public?
Il faut adapter le message au récepteur. J’adapte donc la communication en utilisant des mots que même les plus faibles peuvent comprendre. J’ai parfois des difficultés à communiquer avec les sourds et malentendants parce que personne ne parle la langue des signes. Alors, je parle lentement pour les personnes qui savent lire sur les lèvres ou alors j’écris. C’est un gros défi, mais finalement, c’est plus mon expérience de terrain que mes études qui me sont utiles pour communiquer.
Les discriminations touchent-elles également les travailleurs des ETA?
Il me semble qu’il est beaucoup plus difficile de faire évoluer un ouvrier porteur de handicap au sein de l’entreprise qu’un employé. J’ai l’impression que ces travailleurs bénéficient d’une moindre écoute. Nous avons interpellé la direction sur ce point et restons très vigilants.
Il y a des progrès à faire dans le monde du travail vis-à-vis de personnes porteuses de handicap?
Je vais être très crue: parquer des handicapés avec des handicapés, ça ne les fait pas évoluer. Il y a pourtant de fortes chances qu’une personne avec un handicap léger ou physique puisse travailler normalement et être très efficace dans une entreprise «classique» pour autant que le poste de travail soit adapté. Pourtant, même dans le secteur public, les quotas d’engagement de personnes avec un handicap sont loin d’être atteints… Les patrons ont encore peur. Il faudrait les sensibiliser à la question du handicap.