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EN DÉBAT /

Le statut de cohabitant: lutter contre une gangrène sociale 

TEXTE David Morelli | PHOTOS Shutterstock, Moc, Aude Vanlathem | TEMPS DE LECTURE: 4,2 MINUTES | 15 FÉVRIER 2023

Le statut de cohabitant constitue une aberration sociale et démocratique. Une campagne du Moc, dont fait partie la CSC, vise la suppression de ce statut qui maintient certains allocataires sociaux dans la précarité.

Mis en place en 1974 à titre temporaire en réaction à la crise économique, le statut de cohabitant ambitionnait de réduire les dépenses de sécurité sociale en s’attaquant au «revenu rouge à lèvres», c’est-à-dire ce qui était considéré comme revenu d’appoint pour les femmes en complément aux revenus du «chef de ménage», au masculin dans le texte. Ce statut, mis d’abord en place à l’attention des personnes dépendantes du CPAS, se fonde sur le fait que deux adultes vivant sous le même toit ont moins de frais que deux personnes qui vivent seules.

La mesure, plutôt que de disparaître, a ensuite été introduite dans le calcul des indemnités de chômage (1980) et des indemnités de maladie-invalidité (1991). Et elle est toujours en vigueur aujourd’hui, en dépit des nombreux problèmes, injustices et discriminations qu’il engendre.

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Obstacle aux solidarités

ARIANE ESTENNE, PRÉSIDENTE DU MOC

Dans le cadre du statut de cohabitant, les allocations sociales sont calculées en fonction de l’existence ou pas d’un conjoint. Cette base de travail, familiariste et sexiste, n’est plus du tout en phase avec l’évolution de la société et les modes de vie actuels. «Pénaliser les formes de solidarité intrafamiliale ou les étudiants qui vivent ensemble, cela correspond à une vision de la société qui n’a plus lieu d’être», expliquait Ariane Estenne, présidente du Moc, à l’occasion du lancement de la campagne visant à supprimer le statut de cohabitant.

Les diverses formes de solidarité informelles, qu’elles soient intrafamiliales, amicales ou citoyennes, sont plus que jamais nécessaires à l’heure où la crise énergétique rend encore plus aigus les problèmes de mal logement, de précarités énergétique et financière, ou encore d’isolement social. Le statut de cohabitant met à mal ces nouveaux modes de vie et d’habitat en plaçant ceux qui y recourent dans une angoissante insécurité juridique: elles devront, en cas de contrôle de l’Onem, démontrer qu’il n’y a pas de partage des frais, avec le risque de perdre une partie de leurs allocations sociales (chômage, pension, CPAS…).

/Les montants

Le statut de cohabitant différentie les allocations de sécurité sociale qu’un allocataire peut recevoir en fonction de son statut: (montants bruts au 1er janvier 2023):
• Personne cohabitante: 809,42 euros/mois.
• Personne isolée: 1.214,13 euros/mois.
• Personne chef·fe de ménage (qui cohabite avec une famille à sa charge): 1.640,83€/mois

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Cotisation pleine, droit partiel 

GAELLE DEMEZ, RESPONSABLE DES FEMMES CSC

Le statut de cohabitant constitue une injustice flagrante en matière de droits.

«Une personne qui cotise pleinement à travers son travail doit avoir un droit plein aux allocations, explique Gaëlle Demez, responsable des Femmes CSC. Non seulement ce statut met les gens dans la précarité mais, en plus, il entrave la solidarité et mine la confiance dans la sécurité sociale. Depuis 40 ans, le maintien de ce statut nous enferme dans un système qui construit lui-même sa pauvreté et la renforce. De nombreuses personnes ne connaissent pas le système et ignorent que le fait qu’être en couple, lorsque l’on tombe au chômage, ne donne pas la juste allocation. Ils n’en tiennent pas compte au moment, par exemple, de prendre des décisions importantes comme changer de travail, se reconvertir…»

Enfin, le contrôle social extrêmement intrusif détourne les institutions et les assistants sociaux de leur mission fondamentale d’aide et d’accompagnement des allocataires sociaux. Cette situation crée chez les allocataires sociaux une méfiance, voire une défiance dans le système de sécurité sociale. Cela sape la démocratie.

/La justice: source d’espoir

En 2017, un arrêt de la Cour de cassation condamnait l’Onem en rappelant que des personnes qui partagent un logement ne sont pas nécessairement des cohabitants. Cet arrêt, qui fait jurisprudence, a également rappelé que, pour pouvoir bénéficier du statut d’isolé, il «appartient à l’assuré social qui vit en colocation de prouver lui-même qu’il partage uniquement la location, les charges et quelques espaces avec ses colocataires». Ces preuves sont très factuelles: montrer qu’on a son étagère dans le frigo, une clé sur la porte de sa chambre, plusieurs noms sur les sonnettes, ou encore qu’il n’y a pas de cagnotte commune ou que les tâches domestiques ou la lessive ne sont pas faites ensemble… Nicolas Bernard, professeur à la Faculté de droit de l’Université Saint Louis, s’interroge sur le fait que c’est aux citoyens à apporter cette preuve. «Il est important dès lors d’armer les personnes les plus précarisées pour introduire un recours. La toute première étape, c’est de connaître ses droits. Ensuite, le pro deo ou des associations peuvent accompagner la victime pour introduire une action en justice voire, agir à sa place pour qu’elle n’ait pas à porter ce fardeau.»

/Positions politiques

Paradoxalement, c’est le gouvernement fédéral qui a lui-même prouvé ces derniers mois que ce statut constituait un obstacle à la solidarité:
• lors de la crise sanitaire, il a décidé que la distinction de statut entre isolé et cohabitant ne...

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/Le coût?

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