L'ACTU /
Les chômeurs temporaires pourraient être les grands perdants!
TEXTE Maarten Gerard / PHOTO Shutterstock / 19 MARS 2025 / TEMPS DE LECTURE: 4 MINUTES
Le nouveau gouvernement fédéral envisage une vaste réforme des pensions. Il entend réduire le nombre de périodes assimilées dans le calcul de la carrière et valoriser certaines périodes d’assimilation à un salaire inférieur. Dans le même temps, un malus sera instauré en cas de départ anticipé à la pension si la période de travail effectif est insuffisante. Mais qu’en est-il en cas de chômage temporaire? Comment celui-ci affecte-t-il la pension selon l’accord de gouvernement?
L’accord de gouvernement comprend les mesures suivantes:
• «Toutes les périodes de chômage, de RCC, de pseudo-prépensions et d’emplois de fin de carrière seront assimilées à un salaire fictif limité à compter de la date de l’accord de gouvernement.»
• «Nous remplaçons le bonus pension actuel par un nouveau bonus où le montant de la pension est majoré d’un bonus de 2% (jusqu’en 2030), de 4% (jusqu’en 2040), de 5% (à partir de 2040) par année qui suit l’âge légal de la retraite si le retraité comptabilise 35 années de carrière de 156 jours avec prestations de travail effectif et 7.020 jours de travail effectif. Les périodes de congé de maternité et les interruptions/réductions de carrière pour motif de soins sont assimilées à des prestations de travail effectif.»
• «À partir du 1er janvier 2027, les périodes assimilées qui représentent plus de 40% de la carrière ne seront plus prises en compte pour le calcul de la pension des salariés et indépendants. Cette limite de 40% diminue chaque année de 5 points de pour cent pour atteindre 20% en 2031, comme c’est le cas aujourd’hui pour les fonctionnaires. Les périodes de maladie et les congés thématiques seront exclus de cette mesure.»
Il en ressort que les périodes de chômage compteront moins dans la carrière et, si elles sont assimilées, elles seront valorisées à un salaire inférieur. C’est déjà en soi une mesure très négative pour les travailleurs qui perdent involontairement leur emploi et demandent à bénéficier des allocations de chômage. Or, l’accord de gouvernement ne porte aucune attention au phénomène du chômage temporaire. Étant donné que les travailleurs en situation de chômage temporaire relèvent du système de chômage, toute mesure visant à considérer le chômage comme une période assimilée aura également un impact sur un nombre bien plus important de travailleurs que ceux qui sont considérés comme chômeurs indemnisés.
En moyenne, au cours des dix dernières années, plus de 400.000 travailleurs ont été confrontés à au moins un jour de chômage temporaire. Chaque année, plus de 2.000 travailleurs comptabilisent plus de 150 jours de chômage temporaire. Au plus fort de la crise sanitaire, près de 50.000 travailleurs ont été temporairement au chômage pendant plus de 150 jours.
Impact considérable pour de nombreux travailleurs
Si l’on met ces chiffres en perspective avec l’accord de gouvernement, l’impact potentiel pour de nombreux travailleurs en chômage temporaire est considérable. Tous les travailleurs mis au chômage temporaire, soit plus de 400.000 personnes par an, subiront un recalcul du montant annuel qui sert de base au calcul de leur pension si ces jours sont revalorisés à un salaire inférieur. Ils perdront donc une part de leur pension pour les jours où ils étaient liés à leur employeur mais où ils ont été mis au chômage temporaire indépendamment de leur volonté.
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«Les chômeurs temporaires seront potentiellement très lourdement pénalisés au niveau du montant de leur pension en raison de circonstances qui échappent totalement à leur contrôle.»
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En outre, un large groupe de travailleurs perdra également des années de carrière en raison du malus instauré par cet accord. En effet, les travailleurs doivent justifier 156 jours de travail effectif,
le chômage n’étant pas assimilé. Tous les travailleurs qui ont été au chômage temporaire pendant plus de 150 jours n’atteindront donc pas les 156 jours requis pour une occupation à temps plein. Plus de 2.000 travailleurs sont concernés chaque année et près de 50.000 pendant la crise sanitaire. En outre, cela suppose un emploi à temps plein. Avec un travail à mi-temps, un seul jour de chômage temporaire peut suffire à passer sous le seuil. L’impact est donc beaucoup plus important. Ce sont potentiellement aussi les mêmes travailleurs qui perdront ainsi plusieurs années et paieront la note au moment de prendre leur pension anticipée.
Conclusion: les chômeurs temporaires restent des travailleurs occupés dans les liens d’un contrat de travail. Ils seront potentiellement très lourdement pénalisés au niveau du montant de leur pension en raison du choix posé par leur employeur et de circonstances qui échappent totalement à leur contrôle.
Aperçu du chômage temporaire
Le chômage temporaire est un instrument important de stabilisation automatique du marché du travail belge. Le système a une nouvelle fois démontré son efficacité pendant la crise sanitaire. L’essence même de ce mécanisme est de permettre aux employeurs qui ne peuvent pas fournir du travail dans certaines circonstances précises, de mettre temporairement leurs travailleurs au chômage. Ces derniers perçoivent alors une indemnité temporaire par le biais du chômage, complétée par des suppléments versés par l’employeur. Ils restent néanmoins sous contrat de travail avec l’employeur et liés par les termes de ce contrat.
Il existe différents systèmes, avec d’autres conditions, mais il s’agit systématiquement de systèmes indépendants de la volonté du travailleur. C’est l’employeur qui en fait la demande. Comme pour le chômage complet, chaque régime est encadré par des règles et des procédures de demande spécifiques auprès de l’Onem.
- Chômage temporaire pour raisons économiques
- Ce système s’applique aux entreprises qui ont moins de travail en raison de difficultés économiques. Il peut s’appliquer aux ouvriers et aux employés, sous certaines conditions. L’employeur doit pouvoir prouver qu’il y a une baisse temporaire de l’activité.
- Chômage temporaire pour cause d’intempéries
- Ce système ne s’applique qu’aux ouvriers des secteurs fortement dépendants des conditions météorologiques (p. ex. la construction). Il est autorisé en cas de conditions climatiques extrêmes rendant impossible l’exécution du travail.
- Chômage temporaire pour cause de force majeure
- Ce système est plus général et concerne des situations où le travail est temporairement impossible en raison de circonstances externes et imprévisibles. C’est dans le cadre de ce système que l’on tient également compte des situations de crise exceptionnelles telles que l’épidémie de Covid-19.
- Chômage temporaire pour cause de grève ou de lock-out
- Pour les travailleurs qui sont directement ou indirectement au chômage à la suite d’une action sociale (grève ou lock-out).
- Autres formes de chômage temporaire
- Chômage temporaire pour cause de panne technique ou dû à une fermeture annuelle collective.