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Les revenus du patrimoine sont un moteur d’inégalite
TEXTE Maarten Gerard / PHOTO Shutterstock / 11 décembre 2024 / temps de lecture: 5 minutes
La fin de l’année approche et le moment est venu de porter notre regard sur l’avenir. Les perspectives économiques restent très incertaines. En ce qui concerne l’assainissement des finances publiques, une large étude prouve que les revenus du patrimoine sont un moteur d’inégalité et qu’il n’y a donc pas de raison de ne pas les taxer à part entière.
Il est clair que nos secteurs industriels ne sont pas encore sortis des eaux troubles. On peut se demander ce qu’il en sera des répercussions dans d’autres secteurs. Pour l’instant, les chiffres de la croissance économique et de l’emploi restent stables, mais il faut attendre de voir ce qui se passera de l’autre côté de l’océan, quand Trump reviendra au pouvoir. Le G10 a inclus l’avenir de l’industrie dans ses discussions, mais il faut en attendre le résultat.
Pour l’instant, nous n’avons pas de nouvelle du front des négociations fédérales. On peut craindre que «pas de nouvelles» ne soit ici pas synonyme de «bonnes nouvelles». Ceux qui suivent la presse ont pu avoir l’impression que tout serait bouclé dans une semaine ou d’ici Noël. Le ton a à nouveau changé et il est possible que cela prenne plus de temps, compte tenu des nombreux points de discussion. Toute la question est de savoir quels ballons d’essai seront encore crevés ou quelles mesures antisociales réussiront à passer.
Les revenus de la fortune, un point noir
Le professeur Decoster et d’autres chercheurs (1) de la KU Leuven, de l’Université d’Anvers et de l’ULB ont publié une large étude sur le paradoxe de l’inégalité des revenus, qui montre clairement que les revenus de la fortune sont un point noir. Non seulement on n’en parle pratiquement pas, mais ils sont aussi un moteur d’inégalité au profit des revenus les plus élevés. Ce n’est pas une surprise, mais l’étude présente désormais des constats étayés. Il est douloureux de constater que le lobby de droite se contente de qualifier le moment de la publication de suspect, ce qui prouve qu’il y a peu de contre-arguments à trouver. Il est donc temps de prendre en compte tous les revenus du patrimoine, qu’ils proviennent de dividendes, de plus-values ou de l’immobilier.
Des employeurs peu coopératifs
Une série de discussions se poursuivent au Conseil national du travail (CNT), même s’il est clair que les employeurs se préoccupent surtout de ce qu’ils pourront obtenir du prochain gouvernement. On le voit clairement dans les discussions sur le Federal Learning Account (FLA). La concertation sur le fond est constamment reportée, dans l’espoir de l’enterrer complètement. Dans le cadre de la transposition de la directive européenne sur les salaires minimums, il semble également impossible de formuler ne serait-ce qu’une recommandation aux secteurs afin de soutenir le dialogue social et le rôle des représentants des travailleurs sur la base de la CCT n° 5.
Dans le même temps, les employeurs refusent au CNT, par la bouche de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB), d’adapter le coefficient de correction pour les CCT n° 17 et 46. Celui-ci doit adapter chaque année les indemnités de RCC à l’évolution des salaires dans les commissions paritaires. Une discussion de routine qui, pour l’instant du moins, se heurte à un refus catégorique. Sans aucune raison.
La situation devient tout à fait honteuse si l’on tourne son regard vers les institutions de la sécurité sociale. Le banc patronal s’est abstenu d’approuver un budget provisoire pour les soins de santé à l’Inami. Ce budget est nécessaire vu l’absence d’accord politique et le besoin de clarté pour tous les acteurs de la santé. On peut espérer que l’impact pour les citoyens reste limité, mais le risque est réel que différents spécialistes se déconventionnent et appliquent des tarifs plus élevés. On ne peut pas parler d’une gouvernance raisonnable du côté des employeurs.
C’est également le cas à l’Onem, où la discussion sur l’adaptation des dispositions relatives au chômage est dans l’impasse. Compte tenu de l’augmentation de l’âge de la pension, qui passe à 66 ans au 1er janvier, les allocations de chômage doivent suivre. Selon la réglementation actuelle, le droit prendrait fin à partir de février pour les demandeurs d’emploi qui atteindront l’âge de 65 ans en janvier. Seule une correction technique s’impose mais, comme on y associe des discussions sur la dispense de disponibilité, nous tournons en rond. Le ministre compétent devra trancher rapidement.
Un débat n’est pas l’autre, et il semble que nous pourrons obtenir une avancée d’ici la fin de l’année sur la question des restructurations avec une modification de la convention collective n° 32bis. Elle prévoirait une obligation d’information conjointe de la part du cédant et du cessionnaire envers les travailleurs repris.
Si nous obtenons gain de cause, nous reviendrons sur ce dossier.
Des négociations interprofessionnelles difficiles en perspective
Dans ce contexte, nous allons connaître une concertation difficile pour aboutir à un accord interprofessionnel (AIP). Les discussions autour du cahier de revendications de la CSC sont en cours au bureau et dans les organisations, mais avec un gouvernement qui prendra ou non une série de mesures en ce qui concerne les matières de l’AIP, et des employeurs qui entendent bien en profiter, il va être difficile de mener une discussion en profondeur.
Il faut y ajouter la concertation sur l’enveloppe bien-être, pour laquelle il n’y a pas encore de percée, le gouvernement en affaires courantes laissant le champ libre au nouveau gouvernement. La discussion entre employeurs et travailleurs reprendra au début de l’année prochaine, avec des chiffres complémentaires du Bureau du plan. Détail intéressant, il semble bien, sur la base des données déjà disponibles, que la litanie des employeurs sur les augmentations exagérées et les pièges du chômage n’est pas fondée. Cela ne les empêchera toutefois pas de faire obstruction le plus longtemps possible.
Les propositions parlementaires vont dans tous les sens
Au niveau parlementaire, les propositions continuent de pleuvoir mais, en l’absence d’une coalition stable, leur finalité est incertaine. Le report du Federal Learning Account a déjà pu passer à travers les mailles du filet.
On peut espérer qu’il n’en ira pas de même pour d’autres propositions, comme la prolongation des 600 heures pour le travail étudiant ou la suppression des obstacles concernant les flexi-jobs.
Sur la base d’une proposition de résolution sur l’éducation à la mémoire et à la citoyenneté dans le cadre de la résistance belge pendant la deuxième guerre mondiale, la discussion sur l’instauration d’un jour férié le 8 mai, un des éléments de la résolution, pourra peut-être enfin se dérouler dans un cadre serein et plus large. Les employeurs se sont déjà engagés, à contrecœur, à discuter de cette résolution, mais pas mal d’eau devrait encore couler sous les ponts.
Opt-in et opt-out autour des flexi-jobs
On croirait presque que rien ne se passe au niveau du droit social mais, même en affaires courantes, des mesures sont adoptées. Ainsi, un opt-in et un opt-out vont être publiés en ce qui concerne les flexi-jobs. L’opt-out concerne la commission paritaire des entreprises de travaux techniques agricoles et horticoles (CP 132). Il était déjà prêt avant l’été mais ne pouvait soi-disant pas être concrétisé en affaires courantes. Aujourd’hui, c’est apparemment possible, puisqu’un opt-in est également sur la table pour la commission paritaire de la pêche maritime (CP 143) pour le personnel à terre. Les deux dispositions devraient s’appliquer à partir du 1er janvier 2025, mais il reste à voir quand l’arrêté royal final passera au conseil des ministres.
Des conditions strictes pour les requêtes unilatérales
Et enfin, pour conclure, la Cour constitutionnelle a confirmé qu’un juge ne peut pas juste accorder une requête unilatérale pour briser une grève. Lors du conflit chez Delhaize en 2023, cela avait été le cas, à la demande de la direction de la chaîne de supermarchés. Les syndicats avaient fait appel de cette décision devant le tribunal, qui avait demandé l’avis de la Cour constitutionnelle. Mieux vaut tard que jamais, la Cour s’est rangée à l’avis des syndicats dans sa réponse et a fixé des conditions strictes. Même si cela ne change pas grand-chose en pratique, ce sera un argument supplémentaire lors de conflits futurs. (voir).