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DANS L’ENTREPRISE / ENVIRONNEMENT /

Marie-Lise Aerts, une déléguée pionnière en environnement

INTERVIEW & PHOTOS Donatienne Coppieters / 18 juin 2025 / temps de lecture 5 minutes

Ce 30 mai était le dernier jour de travail de Marie-Lise Aerts. À 65,5 ans, après 44 ans et 7 mois de travail, elle quitte à regret les cliniques universitaires Saint-Luc. Marie-Lise est une pionnière en matière d’environnement. Elle était membre de Rise, puis de Brise et du groupe Kyoto (1) depuis leurs débuts. C’est avec émotion qu’elle nous parle de ces années d’engagement syndical.

14 septembre 1981. Je me vois encore arriver. Je suis entrée comme technologue de laboratoire que j’ai exercé pendant très longtemps. J’étais très investie dans mon métier. Parmi mes collègues proches, il y avait des délégués syndicaux. On a beaucoup discuté et ça m’a donné envie d’entrer dans le syndicat. J’en suis maintenant au début de mon dixième mandat et à 31 ans de permanence syndicale. J’y consacrais 50% de mon temps de travail au début, puis 75% et depuis les dernières élections sociales, 100%.»

En quoi peux-tu dire que tu as été une pionnière en matière d’environnement?

Aujourd’hui, on reconstruit Saint-Luc. Le bâtiment doit correspondre aux normes environnementales et la direction doit montrer que, comme institution universitaire, elle est sensible à toutes ces données liées à l’environnement et à la santé. Mais pendant très longtemps, elle ne s’est pas souciée de ces aspects.

J’ai introduit cette problématique avec la délégation syndicale il y a 25 ans environ. Je me suis intéressée aux entreprises éco-dynamiques grâce à une brochure. J’ai écrit au président du CPPT, qui était aussi l’administrateur général, pour lui dire que je voulais qu’on s’occupe d’environnement au CPPT. J’ai dû me battre pendant deux ou trois ans pour que ça passe. Il a finalement donné la main au directeur de l’entretien ménager et des achats, devenu président du CPPT, qui avait la conscience un peu environnementale et qui a permis d’en discuter. Avec d’autres délégués, on a mis en place un groupe de travail et on a lancé la dynamique au CPPT avec le responsable des achats et le responsable mobilité. Il y a 25 ans, on était parmi les premiers à avoir un «monsieur mobilité» parce qu’on l’avait demandé.

Au sein des comités environnement, on cherchait toujours les filières de récupération. Nous n’étions pas à la manœuvre, mais comme on travaillait avec les gens du magasin qui eux faisaient les achats, les tris…, on avait une bonne équipe.

Par après, pendant tout un temps, on a eu un président du CPPT qui a laissé mourir ces préoccupations parce qu’il trouvait ça superflu. Il est aujourd’hui responsable de l’environnement. Car, avec les projets de reconstruction, pour s’allier les banques, il fallait montrer un engagement environnemental. La direction a dès lors mis en place un comité de pilotage avec des universitaires, des «experts». Et à ce moment-là, le CPPT, et donc nous les délégués, avons été dessaisis de tout ce qui était lié à l’environnement. Maintenant, on n’a plus rien à dire. Ils nous nient comme si on n’avait rien fait parce que l’environnement, c’est eux, c’est la direction qui lave plus vert que vert.

Mais j’ai le souvenir qu’on a fait du bon boulot. Nous avons d’ailleurs obtenu le label «entreprise écodynamique» à deux reprises avec deux étoiles.

Quelles sont les spécificités de l’hôpital par rapport à d’autres secteurs?

Le tri des déchets est essentiel dans un hôpital car c’est important pour la sécurité des gens de bien jeter et trier. Si des gens jettent des aiguilles dans des sacs, les travailleurs qui ramassent les sacs risquent de se piquer. Il y a maintenant des tirelires où jeter les seringues. L’aspect sécurité est absolument indispensable. À l’époque, on utilisait des tensiomètres avec du plomb. Avec le responsable du service sécurité, on avait créé un système pour récupérer le plomb pour éviter qu’il ne se disperse dans la nature parce qu’il est toxique. On récupérait aussi le mercure des thermomètres. Tout ça est devenu obsolète puisqu’on utilise maintenant des thermomètres à alcool. On s’est aussi intéressé à la qualité des eaux usées. La loi oblige aussi à dresser un inventaire de tous les produits chimiques.

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Marie-Lise Aerts, déléguée au CPPT, en CE et en DS, a amené les préoccupations environnementales aux cliniques Saint-Luc il y a 25 ans.

Quelles sont les évolutions dans le secteur du nettoyage?

On ne fait pas du nettoyage et de l’environnement dans un hôpital comme on le fait dans une banque. Dans un hôpital, il y a des produits infectieux, des malades contagieux… Si une pièce est infectée, on utilise la coccinelle, un appareil qui diffuse un gaz qui désinfecte tout en se propageant dans la pièce. Les salles d’opération, c’est à part.

Les toilettes, les éviers, les chambres sont nettoyées majoritairement au vinaigre D’après l’hygiéniste, c’est suffisant. Pour le sol, on utilise des mob avec des fibres textiles. Les produits qu’on utilisait auparavant étaient nocifs pour la santé, surtout quand ils étaient utilisés en spray ou en aérosol. Pour l’entretien ménager, on utilise aussi du désinfectant pour certaines pathologies.

Quels sont les enjeux actuels?

Il faut tout le temps rappeler les normes car il y a un renouvellement important du personnel.

En termes d’énergie, la consommation devient de plus en plus importante avec les appareils médicaux, l’informatique et l’intelligence artificielle qui sont très énergivores. On doit aussi tout le temps chauffer. Il faut essayer de maitriser les coûts, de récupérer l’énergie, de faire de la cogénération…

La mobilité est aussi un enjeu important?

Le futur de l’hôpital est lié à la mobilité: l’accès en voiture est difficile à cause des embouteillages, les vieilles voitures ne peuvent plus entrer dans Bruxelles, le métro est trop éloigné de l’hôpital pour certains patients et les personnes à mobilité réduite.

Le fait de construire sur le site et d’agrandir restreint l’espace disponible pour les voitures, et même s’il y a une obligation de construire des parkings en sous-sol, c’est coûteux.

La direction encourage les travailleurs à prendre les transports en commun payés à 100% ou le vélo. Avec un petit budget qui nous a été alloué, on a eu l’opportunité de louer 20 vélos pour tester des vélos électriques et des vélos cargos, ce qui a beaucoup de succès. On va prévoir une CCT où la prime de fin d’année peut être utilisée à l’achat d’un vélo.

En termes de mobilité, quand on a commencé à payer les indemnités vélo il y a 25 ans, on était des précurseurs.

Que t’a apportée ta participation aux réseaux Rise, Brise et au groupe Kyoto?

Les formations, les visites de terrain, les journées d’études avec des experts, les échanges d’expérience avec des délégués d’autres hôpitaux et d’autres secteurs, notamment des secteurs plus riches comme les banques, ont été très enrichissants pour donner de nouvelles idées.

Mais malgré l’importance de ces réseaux pour les délégués et les travailleurs, ils sont mis en péril par la diminution de subsides. On parle de moins 25% pour Brise, une hypothèse tant qu’il n’y a pas de gouvernement bruxellois…

Le mot de la fin pour ton dernier jour de travail?

Quand on se sent investi, ce qui remonte à la surface, ce sont les belles rencontres qu’on a faites. J’ai reçu des témoignages qui m’ont fait pleurer, des gens simples qui apportent beaucoup.

On ne réussit pas tout dans tout ce qu’on fait comme intervention, mais on y met du cœur et des tripes. Après toutes ces années, je me rends compte que le vrai syndicalisme, c’est celui qu’on pratique à proximité des gens, le réconfort qu’on leur apporte, des réponses correctes parce que quand on ne sait pas, on se renseigne. Il y a une fiabilité dans ce qu’on dit et fait. Et si on est honnête, on est aussi mieux entendu par la direction.

(1) Rise (en Wallonie) et Brise (à Bruxelles) sont les réseaux intersyndicaux de sensibilisation à l’environnement. Ils réunissent la CSC et la FGTB (+ la CGSLB à Bruxelles). Leur objectif est d’informer et de former les délégués à la problématique de l’environnement pour répondre aux urgences écologiques et sociales. Lié à Brise, le groupe Kyoto est composé de délégués qui veulent agir sur l’environnement et la durabilité au sein de leur entreprise.

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