CONGRÈS CSC /
Prendre en main le burnout
TEXTE Donatienne Coppieters | PHOTO Aude Vanlathem | TEMPS DE LECTURE: 5 MINUTES
Les troubles psychosociaux sont, avec les troubles musculosquelettiques, la principale cause d’absentéisme sur le lieu de travail. Dans environ un tiers des cas d’arrêt de travail de longue durée, les troubles mentaux sont à l’origine de l’absence. Il est donc nécessaire de mieux contrôler le respect de la législation sur les risques psychosociaux, mais il faut aussi renforcer l’approche de la lutte contre ces risques. En novembre dernier, les interlocuteurs sociaux du Conseil national du travail ont adopté une recommandation spécifique sur la prévention du burnout. Mais comment garantir l’application d’une politique de prévention efficace dans les entreprises? Ce sera un des thèmes de notre congrès national «Retravailler le travail».
Une réorganisation de l’entreprise, un nouveau management, des licenciements subis ont créé un stress total parmi les employés d’Essity Belgium à Diegem. Chantal Garot, déléguée en CPTT, CE et DS, nous parle avec émotion et combativité de ce problème difficile.
Qu’est ce qui a provoqué beaucoup de stress au travail dans votre entreprise?
En mai-juin 2023, la direction nous a annoncé une réorganisation et le licenciement à venir de 6 à 7 personnes. Cette annonce a créé un stress et une pression énorme puisqu’on se demandait tous qui allait partir, qui allait rester. Un climat détestable s’est installé, les collègues ne se parlaient plus, ils avaient peur, une distance s’est créée entre nous.
En octobre, la direction a fixé une réunion à laquelle elle m’a demandé de participer par Teams alors que j’étais en vacances. On nous annonce que le DG, le directeur marketing et commercial sont licenciés et que dès janvier 2024, la direction deviendra hollandaise. On nous annonce aussi que des personnes seront licenciées en décembre. En décembre, on est passé de 107 à 91 employés suite à des licenciements et des départs «volontaires». Ils m’ont gardée parce que je suis protégée comme déléguée.
Vous avez mené une enquête informelle auprès de vos collègues pour savoir comment ils se sentent. Qu’a-t-elle révélé?
Ce qui en ressort c’est que les gens ne vont pas bien et que plus personne n’est heureux au boulot. Les collègues disent: je n’ai plus envie d’aller au bureau, je n’ai plus envie de parler à mes collègues, je me méfie d’eux, je me sens manipulé, j’ai peur de l’avenir, il n’y pas de communication de la part de la direction mais des impositions, l’ambiance de travail est mauvaise, les pressions sont énormes, il y a une surcharge de travail énorme, on se demande qui est le prochain sur la liste, on a peur… Les collègues plus âgés disent qu’ils se sentent dépassés, plus capables, plus à la page, que tout va trop vite. Beaucoup viennent travailler avec une boule d’angoisse à l’estomac. Nous sommes dans un stress permanent, avec une surcharge de travail incroyable.
Avez-vous essayé d’entreprendre quelque chose au CPPT?
Au vu des résultats de l’enquête, j’ai demandé plusieurs fois au CPPT ce qu’on peut faire.
Le fait que les gens ne se sentent pas bien au travail est acté dans chaque PV. Le directeur général répond en mettant en avant les personnes ressources auxquelles les travailleurs peuvent recourir: ils peuvent venir lui parler, faire appel à la médecine du travail (Liantis), à un psychologue (ils ont droit à plusieurs séances gratuites), aux personnes de confiance. Mais ils répondent: je ne veux pas aller chez le DG parce que je n’ai pas confiance, j’ai déjà parlé à la personne de confiance et ça ne change rien, si je vais chez Liantis, le DG va le savoir.
Je voulais aussi que la médecine du travail vienne au CPPT, demande qui a été actée au CPPT. J’ai aussi fait une demande d’intervention des risques psychosociaux à Liantis. Il y a une procédure concernant les burnouts, mais pas dans les faits. Quand quelqu’un revient au travail, on lui demande: «Est-ce que tu vas mieux, est-ce que je peux compter sur toi maintenant?». Il n’y a aucun encadrement.
Que faudrait-il faire pour prévenir le burnout?
Il faudrait que le phénomène soit constaté par la médecine du travail, mener une enquête sur les risques psychosociaux, prendre en considération les travailleurs, éviter que les postes soient attribués sans aucun process, évaluer tout ce qui contribue au malaise et au stress des travailleurs. Il faut de la transparence, de la communication et une réelle valorisation du travail et des performances. La reconnaissance est importante.
Essity Belgium
Essity Belgium est une multinationale cotée en bourse. Leader dans le marché de l’incontinence et du papier (papier WC, rouleaux de table, essuie-tout…), elle emploie 417 personnes dont 261 ouvriers à l’usine de production Stembert (anciennement SCA) et 151 employés répartis sur Diegem et Stembert. En juin, Essity Belgium a été
divisée en deux entités juridiques bien distinctes: Stembert est devenu PLD et le site administratif et commercial, situé à Diegem, est devenu Essity Belgium NV qui compte 91 employés (107 en 2023).
En 2018, Essity a racheté BSN medical, une entreprise dont l’activité est l’orthopédie non invasive en milieu hospitalier. Il reste 10 des 50 travailleurs.

«Nous examinons chaque cas de réintégration»
TEXTE Bram Van Vaerenbergh | PHOTO Rob Stevens
À l’hôpital universitaire de Louvain, le bien-être au travail fait l’objet d’une grande attention. Elke Haccour, qui en est à son cinquième mandat à l’hôpital, est ergothérapeute et travaille depuis plusieurs années principalement sur des sujets psychosociaux, le bien-être et la réintégration au travail. «La charge de travail dans le secteur des soins de santé est importante, y compris pour les cadres. C’est pourquoi nous consacrons davantage d’efforts à la politique des maladies de longue durée», explique-t-elle.
Avez-vous l’impression que des thèmes tels que le burnout et le bien-être sont plus présents qu’auparavant?
On a l’impression que plus de gens s’en préoccupent, les infirmières, mais aussi des personnes à des niveaux plus élevés qui prêtent plus d’attention aux signes avant-coureurs. De nombreux outils sont disponibles pour les détecter. L’épuisement professionnel n’est pas seulement lié à la pression au travail, mais aussi à divers facteurs de votre vie et à une combinaison de ces facteurs. La lumière s’éteint littéralement, ce qui est très soudain et confrontant. Vous vous rendez compte que vous avez des limites. Il est donc important que vous commenciez à organiser autrement votre vie à la recherche d’un nouvel équilibre.
Détecter les signaux est une chose, ramener les gens sur leur lieu de travail dans de bonnes conditions en est une autre?
Oui, et j’ai l’impression que l’employeur va dans ce sens. Par exemple, un responsable des ressources humaines a été nommé pour s’occuper des malades de longue durée. Nous avons également demandé que le soutien par les collègues, qui existait déjà parmi les médecins, soit étendu à l’ensemble du personnel. C’est aussi comme cela que des collègues de soutien ont vu le jour: des collègues choisis par le personnel, avec lesquels vous vous sentez en sécurité pour aborder le sujet.
Comment abordez-vous la réintégration?
Ici, on peut recommencer progressivement à 20, 30 ou 40%. L’idée est d’atteindre les 50% le plus rapidement possible, mais sans pression. Nous examinons chaque cas individuellement et tenons compte de l’heure de début du travail et de la distance à parcourir pour se rendre au travail. Parfois, vous ne pouvez pas réintégrer votre propre service, mais nous sommes transparents à ce sujet.
La délégation syndicale joue un rôle important à cet égard, et cela apporte une valeur ajoutée. La reprise du travail est un processus dynamique impliquant différents acteurs. Et cette responsabilité incombe encore trop souvent à l’employeur. C’est pourquoi je continue à faire pression pour recruter un expert qui puisse s’occuper spécifiquement du retour au travail car cela nécessite une expertise spécifique.