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DANS L’ENTREPRISE /

Prévenir le burnout et les risques psychosociaux

TEXTE Laurent Lorthioir I PHOTO Shutterstock | 17 JANVIER 2024 | TEMPS DE LECTURE: 4 MINUTES

L’explosion des cas de burnout (1), de harcèlement, de stress au travail durant cette dernière décennie interpelle. Face à ce phénomène, plusieurs projets de prévention des risques psychosociaux (RPS) ont vu le jour ces dernières années. Les interlocuteurs sociaux ont été impliqués activement dans quelques-uns d’entre eux, notamment les «projets de prévention primaire du burnout du Conseil national du travail (CNT)» et les «projets sectoriels de prévention des RPS» du SPF Emploi.

De plus en plus de «spécialistes» démarchent les entreprises pour venir y proposer leur «méthode de prévention du stress et/ou du burnout». Trop souvent, cela consiste en un accompagnement exclusivement ou essentiellement individuel (gestion du stress, cours de yoga ou de nutrition etc.), sans remise en question réelle et concrète de l’organisation du travail. Or, les experts s’accordent désormais tous sur ce point: l’organisation du travail est la cause principale du burnout. Dès lors, quelle approche faut-il avoir dans l’entreprise pour prévenir efficacement le burnout et les RPS au sens large? Pour répondre à cette question, nous vous présentons ici les principaux enseignements ressortant de l’analyse de projets du CNT et du SPF Emploi. Vous pourrez constater que ces deux projets distincts arrivent à des conclusions fort semblables.

La prévention primaire du burnout au CNT

Via des projets d’entreprises et de secteurs subsidiés, les interlocuteurs sociaux au sein du CNT ont pu tester sur le terrain une approche de la prévention du burnout axée sur la prévention primaire et privilégiant une approche globale, collective, participative. Des experts universitaires ont ensuite analysé sur le terrain les résultats de cette approche et ont été à même de formuler une série de recommandations. Pour prévenir efficacement le burnout, l’approche préventive doit:

viser à l’amélioration de l’environnement psychosocial sous tous ses aspects. Autrement dit, il faut articuler approche collective, remettant en question l’organisation du travail, et approche individuelle (2);

être ascendante, c’est-à-dire qu’elle doit inclure les travailleurs et leurs représentants et permettre à toutes les parties prenantes de dialoguer entre elles;

conjuguer améliorations rapides et efforts à long terme (ne pas se limiter à des mesures ponctuelles);

se baser sur un soutien interne (aussi bien de la part de l’employeur que des travailleurs concernés par les mesures de prévention);

Enfin, les experts constatent que les secteurs présentent une opportunité importante pour les entreprises d’«aller plus loin» dans leur politique de prévention des RPS. En effet, les moyens souvent réduits des entreprises (en termes de finance et d’expertise) les contraignent trop souvent à se limiter à une analyse de la situation sans pouvoir implémenter des mesures concrètes. Les secteurs peuvent les aider à développer concrètement des actions. Ce constat fait parfaitement le lien avec le point suivant. (3)

Projets sectoriels de prévention des RPS

Lancé en novembre 2021, le «plan bien-être mental au travail» du gouvernement fédéral prévoyait notamment de subventionner des projets sectoriels de prévention des RPS. Pour pouvoir prétendre aux subsides accordés par le SPF Emploi, ces projets devaient répondre à une série de critères stricts tel que: être innovants, participatifs, axés sur la prévention primaire en priorité, mettre en place des mesures collectives, concrètes et durables (autrement dit: pensées sur le long terme). Onze secteurs ont été sélectionnés (4) et les projets ont été évalués à l’automne 2023 par un groupe d’experts. Voici quelques enseignements intéressants qui ressortent de cette étude.

Nécessité d’informer et de sensibiliser sur la problématique des RPS

Il ressort de l’analyse des différents projets qu’il y a un réel besoin du terrain d’informer et de sensibiliser tous les acteurs. En effet, il a été constaté que, dans la grande majorité des cas, aussi bien les travailleurs que les cadres et la direction ne maîtrisaient pas le concept de RPS. La compréhension du sujet étant la base pour une politique de prévention efficace, les projets sectoriels ont fortement mis l’accent sur des outils d’information clairs, accessibles à tous. À titre d’exemple, un projet avait pour objet la création d’un jeu vidéo où le «travailleur-joueur» évolue dans l’entreprise et fait face à différentes situations qu’il doit comprendre et pour lesquelles il doit tenter de trouver une solution. L’évaluation de ce projet a montré que le caractère ludique du jeu a permis aux travailleurs de s’intéresser à la prévention et d’en comprendre les enjeux et les bases.

Le SPF Emploi a mis en ligne toute une série d’outils d’information qui pourraient être utiles dans votre entreprise afin de sensibiliser les travailleurs et la direction aux RPS. Voir le site: https://sesentirbienautravail.be/

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“Selon les experts, l’organisation du travail est la cause principale du burnout.”

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L’implication des travailleurs, base indispensable de tout projet

L’approche et les actions choisies pour prévenir les RPS doivent correspondre au mieux aux réalités de l’entreprise. Pour cela, il est important de s’appuyer sur les constats et observations des travailleurs tout au long du projet. La participation des travailleurs est un élément essentiel dans le cadre du bien-être au travail.

Une bonne communication entre tous les acteurs

Il est important que tous - travailleurs, employeurs, secteurs - soient impliqués et puissent communiquer ouvertement et de manière structurée. Un dialogue constructif doit permettre d’adapter rapidement les objectifs du plan de prévention si besoin. Cela se fait normalement au sein du CPPT.

Une prévention des RPS pensée sur le long terme

Un plan de prévention des RPS efficace ne peut pas être pensé sur le court terme. La phase de préparation du plan de prévention est primordiale et ne doit pas être précipitée (il faut consulter les travailleurs et la direction, mettre en place un dialogue, une méthode de travail, réfléchir aux mesures à mettre en place pour prévenir les risques identifiés etc.).

Les mesures de prévention doivent être pensées sur le long terme: des mesures ponctuelles n’apportent que rarement des résultats satisfaisants. En effet, une prévention efficace des RPS nécessite une remise en question en profondeur du fonctionnement de l’entreprise et de l’organisation du travail. Mettre en place une nouvelle méthode de travail ou adapter de manière substantielle une organisation du travail demande du temps, un effort conséquent et une réflexion à long terme. Il faut également prévoir un suivi régulier des mesures de prévention afin d’en évaluer l’impact et pouvoir, si nécessaire, les ajuster. En d’autres termes, la prévention des RPS (et des risques en général) ne s’arrête jamais!

(1) Le nombre de travailleurs en Belgique en arrêt maladie depuis un an ou plus pour cause de burnout a augmenté de 40% entre 2016 et 2021.
(2) Par exemple: gestion des priorités, du stress, etc.
(3) Pour plus d’informations sur les recommandations du CNT, voir leur site internet: https://cnt-nar.be/fr/dossiers-thematiques/burn-out
(4) Voici les secteurs subsidiés: CP 111, 118, 120-214, 124, 126, 149.01, 209, 318.02, 327.01, 327.03, 332.

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