EN ACTION /
Reconnaître les maladies professionnelles dans les titres-services
TEXTE Laurent Lorthioir / PHOTO CSC Alimentation et Services
Le 4 décembre 2024, la CSC Alimentation et Services et la FGTB Titres-Services ont mené une action auprès de Fedris (1) afin de faire reconnaître certaines maladies dont souffrent les aide-ménagères comme étant des maladies professionnelles.
Dans la lettre qu’ils ont déposée auprès de Fedris, les deux syndicats dressent un constat plus qu’alarmant de l’état de santé de ces travailleuses et travailleurs:
«Le secteur existe depuis 20 ans et nous nous trouvons de plus en plus souvent face à des cas d’aide-ménagères en incapacité de travail et/ou souffrant de problèmes de santé, explique Kris Vanautgaerden, secrétaire national de la CSC Alimentation et Services. Les plus fréquents sont les troubles musculosquelettiques (TMS) et les maladies respiratoires. Les TMS sont causés par les mouvements répétitifs, le soulèvement, le port et le déplacement de charges lourdes, ainsi qu’une charge de travail élevée.
Des données récentes de Securex (2) révèlent ainsi que chaque jour, une aide-ménagère sur cinq est en incapacité de travail et une sur dix est en maladie de longue durée.
Une étude de l’ULB réalisée en 2021 révèle également que les aide-ménagères sont 35 fois plus susceptibles de souffrir de TMS que la moyenne des gens. Les symptômes augmentent à mesure que l’on travaille dans ce secteur. En 2018 déjà, Idea Consult concluait: «(…) nous constatons un impact de l’ancienneté: les travailleurs ayant une faible ancienneté dans le secteur présentent moins d’affections que ceux ayant une ancienneté plus élevée, ce qui indique un lien entre la santé physique et le métier d’aide-ménagère.» Ce lien avec l’ancienneté a depuis été confirmé par plusieurs études. Il y a donc une corrélation évidente entre les problèmes de santé et le travail d’aide-ménagère.»

«Nous espérons obtenir pour tous ces travailleurs une juste compensation pour avoir été victime d’un travail qui les a rendus malades.»
KRIS VANAUTGAERDEN
Pas sur la liste!
Pourtant, Fedris continue de refuser massivement les demandes de reconnaissance en maladie professionnelle adressées par les aide-ménagères. Comment cela se fait-il? Actuellement, ces maladies ne font pas partie de la «liste belge des maladies professionnelles».
Les maladies professionnelles sont classées en deux systèmes chez Fedris:
• Le «système liste»: pour toutes les maladies figurant dans cette «liste», le lien causal individuel entre la maladie et l’exposition professionnelle n’est plus à prouver… pour autant que vous entriez dans les critères d’exposition. Dans ce cas, la reconnaissance de la maladie professionnelle est plus simple. Par exemple, si vous avez travaillé au moins 10 ans en tant qu’installatrice de chauffage et que vous souffrez d’un cancer des ovaires, vous entrez dans les critères de la liste des maladies professionnelles et avez de fortes chance d’être reconnue comme souffrant d’une maladie professionnelle (et donc de bénéficier notamment d’une prise en charge des soins médicaux).
• Le «système ouvert»: le lien causal entre la maladie et l’exposition professionnelle doit être prouvé. Et c’est là que les choses se corsent: comment prouver par exemple que les TMS dont souffrent les aide-ménagères sont liés directement à leur activité professionnelle? Dans certains cas, certaines travailleuses se sont vu répondre que leur maux de dos pouvaient aussi être causé par leurs tâches ménagères!
120 demandes
Faire reconnaître une maladie professionnelle qui n’est pas dans la «liste» est extrêmement compliqué et rares sont les dossiers qui aboutissent à une reconnaissance. Comment dès lors réparer cette injustice criante? La CSC Alimentation et Services a décidé de relayer quelque 120 demandes d’aide-ménagères auprès de Fedris dans le cadre d’une action collective.
Son objectif? «Que ces affections et leur lien causal avec la profession d’aide-ménagère figurent sur la liste belge des maladies professionnelles (…). Cela nécessite le suivi d’une procédure spéciale et doit se faire sur la base d’une étude scientifique. Il est demandé par conséquent d’entamer cette procédure et d’inscrire ce sujet à l’ordre du jour des discussions du comité de gestion des maladies professionnelles de Fedris.»
En multipliant ainsi les dossiers, la CSC espère faire bouger les choses et obtenir pour tous ces travailleurs une juste compensation pour avoir été victime d’un travail qui les a rendus malades. Enfin, il ne faut pas perdre de vue l’objectif collectif de ces actions: attirer l’attention sur les conditions de travail des aide-ménagères et forcer les employeurs de ce secteur à améliorer la prévention des risques professionnels.
(1) Fedris est l’agence fédérale des risques professionnels, compétente notamment pour la reconnaissance des maladies professionnelles et les indemnisations qui en découlent.
(2) Securex est un service externe de prévention et protection au travail.
