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Sang-froid et vision
20 MARS 2024 / TEMPS DE LECTURE: 1,5 minutes
Charles Michel, ancien Premier ministre belge et, pour quelques mois encore, président du Conseil européen, publie une lettre ouverte dans laquelle il appelle l’Union européenne à se doter d’une «économie de guerre». Voilà une déclaration qui nous a fait avaler de travers.
Rappelons que dans une économie de guerre, la production et l’organisation économique sont au service des efforts de guerre. La consommation domestique est freinée. En lançant une telle idée, Charles Michel rejoint d’autres dirigeants de droite favorables à des coupes sombres dans les soins de santé ou la sécurité sociale, par exemple, pour investir davantage dans la défense.
Ne cédons point à la naïveté. La Russie est dirigée par une classe politique imprévisible et assoiffée de sang. Nul ne sait ce qui se passera aux États-Unis, mais Donald Trump a de réelles chances d’être élu. Dans ce cas, nous ne sommes pas sortis de l’auberge. D’autant que les Chinois ne sont pas en reste et que le Moyen-Orient est le doigt sur la détente. En pareilles circonstances, construire une solide politique de sécurité est une bonne idée, mais quand même. Appeler à développer une économie de guerre conduit sur une pente dangereuse. L’Histoire nous apprend ce qu’il advient systématiquement lorsqu’on cède de manière irréfléchie à la surenchère militaire.
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«Appeler à développer une économie de guerre conduit sur une pente dangereuse».
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C’est le sang des citoyens ordinaires que l’on verse. La misère absolue. Les récentes déclarations de Charles Michel sont tout aussi irréfléchies que la rapidité avec laquelle des politiciens comme lui sont restés les bras ballants face aux délocalisations de notre industrie vers des pays à bas salaires. Ou que l’avidité avec laquelle ces mêmes politiciens ont conclu pendant des années des contrats d’achat de gaz et de pétrole à bas prix avec des régimes peu fiables tels que la Russie. Et aujourd’hui, nous en payons les conséquences!
J’attends de nos dirigeants qu’ils aient un vrai plan. Un plan qui combine sang-froid et vision. Un plan qui ne cède pas à la panique du jour, ni aux appels à mettre en place une économie de guerre. Nous devons œuvrer pour la constitution d’une industrie européenne solide et performante, afin de réduire notre dépendance pour des biens stratégiques et cruciaux. Nous devons mettre en place une économie neutre du point de vue climatique et qui mise sur une énergie décarbonée. Ceci doit aller de pair avec un système social qui aide chacun à progresser. Tel est le prix à payer pour éviter les conflits de demain. Pour mener une politique européenne axée autant que possible sur le progrès, la paix et la diplomatie.
Une politique européenne coordonnée de défense et de sécurité s’inscrit dans ce cadre, oui. Mais pas une économie de guerre.
/ Ann Vermorgen, présidente de la CSC /