ACCORD DE GOUVERNEMENT /
Un accord de gouvernement impitoyable!
TEXTE Maarten Gerard / PHOTO Shutterstock / 13 février 2025 / TEMPS DE LECTURE: 3 MINUTES

Nous avons un nouveau gouvernement fédéral. Pour ceux qui se lassaient de cet interminable feuilleton, c’est sans doute un soulagement. Cependant, pour ceux qui ont analysé l’accord de gouvernement au travers du prisme des travailleurs, les motifs de satisfaction sont nettement plus limités.
Dans les pages suivantes, nous passons en revue les différents éléments de cet accord et ce qu’il contient précisément dans différents domaines. Une certaine prudence est de mise, car malgré son volume, le texte ne brille pas toujours par sa clarté. À cela s’ajoute un amateurisme poussé à son paroxysme: il circule différentes versions plusieurs fois amendées, avec des corrections d’erreurs et de traductions, y compris après l’approbation officielle des différents partis.
Beaucoup d’aspects ne seront clarifiés qu’au moment de leur mise en œuvre.
Les récentes péripéties autour de la taxe sur les plus-values ont déjà montré à quel point les protagonistes peinent à s’accorder. Nous reviendrons donc sur ces mesures dans Syndicaliste au cours des prochains mois.
Illusion libérale
Toutefois, le message est clair: ce gouvernement s’accroche à l’illusion libérale selon laquelle les travailleurs n’ont plus besoin de protection, que la maladie et le chômage relèvent de choix personnels et que les problèmes collectifs doivent être résolus individuellement. Les premières victimes en sont les personnes précarisées et les nouveaux arrivants, suivis par les chômeurs et les malades. À l’image de ce cabinet dominé par des hommes, ce sont surtout les femmes qui en subiront les conséquences.
Ces mesures entraînent une flexibilisation accrue du marché du travail et normalisent les «petits boulots» qui portent bien leur nom. Le quota d’heures pour les étudiants est élargi, au même titre que les flexi-jobs et les heures supplémentaires fiscalement avantageuses. Si ces mesures sont parfois bien accueillies par les travailleurs individuellement, elles sont globalement préjudiciables à l’ensemble des travailleurs. En particulier la suppression de la limite minimale de 1/3 de la durée du travail, qui renforce les mécanismes de contrats d’appel flexibles où tout le monde est remplaçable. Ces mesures exercent également des pressions sur la sécurité d’emploi et les conditions de travail de tous les travailleurs.
Les restrictions liées à la fin de carrière, avec l’arrêt du RCC et la limitation des emplois de fin de carrière, ne font qu’accroître la pression sur les travailleurs. C’est comme avancer sur une corde raide, lesté de quelques pierres de plus dans son sac à dos.
En outre, avec le durcissement des règles en cas de maladie et de chômage, de nouveaux obstacles sont encore mis en place.
Et si les mots ne suffisent pas pour convaincre, les chiffres parlent d’eux-mêmes: ce gouvernement entend trouver 23 milliards d’euros via des économies et des réformes. Pas moins de 8 milliards d’euros seront économisés sur les pensions (2,4), le chômage (2,7) et l’enveloppe de la liaison au bien-être (2,8). Des économies seront également réalisées au détriment du personnel des services publics ainsi que des services et des droits accordés aux nouveaux arrivants.
De nouveaux emplois?
Le gouvernement entend générer un tiers du budget, soit 7,8 milliards d’euros, en créant de nouveaux emplois. Comment? Cela reste un mystère car, en dehors d’une responsabilisation limitée en matière de maladie, il ne dit rien du rôle et de l’obligation des entreprises concernant la création d’emplois ou le fait de fournir un travail adapté aux malades et aux demandeurs d’emploi. Au contraire, toute augmentation du volume de travail mentionnée dans l’accord de gouvernement est exonérée d’impôts et de cotisations sociales. En outre, les entreprises bénéficieront encore de deux milliards d’euros d’avantages et d’allègements de charges, creusant encore le gouffre.
Et les épaules les plus larges?
Une modeste contribution de 6% seulement, soit 1,4 milliard, provient des «épaules les plus larges». Le gouvernement espère également y ajouter 800 millions d’euros dans le cadre de la lutte contre les fraudes sociale et fiscale. Le message est clair: pour les plus aisés, respecter simplement les règles est manifestement déjà considéré comme un effort supplémentaire. Pour les uns comme pour les autres, ces recettes sont très incertaines.
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Ce gouvernement s’accroche à l’illusion libérale selon laquelle les travailleurs n’ont plus besoin de protection, que la maladie et le chômage relèvent de choix personnels et que les problèmes collectifs doivent être résolus individuellement.
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Un autre fil conducteur de cet accord est le mépris flagrant des accords conclus entre interlocuteurs sociaux et des équilibres laborieusement trouvés entre les intérêts des entreprises et la protection des travailleurs. Sans la moindre vergogne, les interlocuteurs sociaux sont invités à compléter le statut unique, alors que dans le même passage sur cette question, les périodes de préavis sont réduites et la période d’essai est restaurée… En totale contradiction avec l’accord de 2013 sur le statut unique!
L’accord mentionne 19 fois la notion de «sécurité juridique», mais son interprétation est très arbitraire. Pour les travailleurs qui auraient pu bénéficier du RCC, cette sécurité juridique ne valait en tout cas pas la peine d’être mentionnée. L’accès au RCC devient impossible «à partir de la date de l’accord de gouvernement», ce qui contredit directement la CCT actuellement en vigueur jusqu’au 30 juin 2025. Une clarification rapide s’impose pour la période actuelle de préavis et l’indemnité en compensation du licenciement.
Tout cela interfère également avec un autre grand dossier: celui des négociations interprofessionnelles. Le coup d’envoi a déjà été donné avec une nouvelle marge salariale de 0% pour les deux prochaines années. Dans le même temps, ce gouvernement a largement vidé de sa substance la plupart des matières relatives à la concertation sociale. Les discussions s’annoncent particulièrement ardues.
Le printemps promet donc d’être chaud pour compenser la rigueur de cet hiver.