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Interview croisée de Sabine Trier et Jedde Hollewijn

INTERVIEW - A .-C. M.-L. // PHOTOS - ETF // HIVER 2022 // TEMPS DE LECTURE: 2 MINUTES

ETF (FÉDÉRATION EUROPÉENNE DES OUVRIERS DU TRANSPORT), AU TAQUET POUR DÉFENDRE LES TRAVAILLEURS DU TRANSPORT FERROVIAIRE DE FRET ET DE PASSAGERS DEPUIS 1998

Sabine Trier a été la secrétaire politique et responsable de la section rail d’ETF de 1998 à 2021. Elle est actuellement responsable de l’unité du transport durable et de l’égalité des genres. En 2021, elle a passé le flambeau à sa collègue Jedde Hollewijn. Elles nous racontent leur travail et leurs luttes syndicales pour défendre les travailleurs du rail,
hier comme aujourd’hui.

Que trouvez-vous attrayant dans la fonction de secrétaire politique et responsable de la section rail ?

S.T. Quand j’ai commencé à ce poste, en 1998, j’ai remarqué, à ma grande satisfaction, que les syndicats du rail étaient très forts, unis et combattifs dans tous les pays de l’union européenne. Leur sens de la solidarité et de la coopération n’était pas un vain mot. Je trouvais très intéressant de pouvoir combiner les tâches de défense des travailleurs au niveau européen et de promotion de services publics sociaux et durables. A cette époque, les institutions européennes désiraient implémenter leur nouvelle stratégie de libéralisation et privatisation pour revitaliser le secteur. Il s’agissait de leur deuxième essai et le travail ne manquait pas.

J.H. J’ai repris la fonction en avril 2021 en plein milieu de la pandémie. Cela m’a permis de rencontrer en peu de temps beaucoup d’affiliés et de travailleurs de tous les coins d’Europe, vu que les réunions étaient organisées à distance. Ayant étudié la politique européenne et travaillé précédemment dans des milieux syndicaux, je me sens à l’aise chez ETF. Et puis, je peux toujours compter sur l’aide de Sabine pour m’aider à trouver mes repères.

J’apprécie la diversité des tâches : rencontrer les travailleurs, examiner les différentes législations, agir au niveau des institutions européennes,... De plus, le secteur rail se trouve aujourd’hui au centre des débats écologiques et environnementaux sur la scène européenne.

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Quels ont été et sont encore les principaux défis pour le secteur ?

S.T. Comme je le mentionnais précédemment, la législation européenne a permis l’ouverture des marchés. En 1991 et en 1995, les institutions européennes ont essayé, sans succès, de libéraliser et privatiser le secteur du rail à outrance, que ce soit pour le fret ou les passagers, au national ou à l’international. En 1998, la Commission et le Parlement se sont finalement accordés pour procéder par étapes. Grâce à notre travail, nous avons pu obtenir qu’une évaluation des conséquences sociales soit effectuée après chaque volet du plan. Il est essentiel de limiter les impacts négatifs de ces changements sur les conditions de travail et l’employabilité. La libéralisation du marché ferroviaire est un défi car elle place les compagnies nationales en compétition les unes envers les autres. Le secteur du fret ferroviaire a été le premier à en faire l’expérience et les mêmes constatations ont été réalisées dans toute l’Europe. Pour s’en sortir face à la multiplicité des opérateurs sur le marché, les compagnies nationale se mettent à couper dans les coûts et dégrader l’environnement de travail. Elles investissent moins dans la formation et la sécurité des travailleurs. Cela finit par avoir un impact sur la sécurité ferroviaire en termes plus généraux. Enfin, je me dois de constater qu’il y a actuellement moins de cohésion entre les partenaires sociaux et les autres associations du secteur rail. Cela a diminué d’autant notre force et combativité communes.

J.H. Je rejoins Sabine pour dire que cette bataille contre la libéralisation et la privatisation incontrôlées continue : la Commission veut toujours forcer cette libéralisation par l’application du 4ème paquet ferroviaire. Plus les différents services des compagnies ferroviaires resteront intégrés, mieux cela vaudra.

Il faut aussi veiller à beaucoup plus investir dans les travailleurs. Leur présence est importante, dans les gares comme dans les trains. Ils assurent la sécurité des voyageurs. Le secteur doit rester attrayant pour attirer les jeunes travailleurs et travailleuses.

Enfin, la transition vers l’augmentation croissante de l’automatisation du travail doit être encadrée : les nouvelles technologies sont une opportunité pour diminuer la charge physique des travailleurs et ne doivent pas être détournées à d’autres fins telles que des réductions de coûts ou des suppressions d’emplois.

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Quelles victoires avez-vous obtenues pour le secteur ?

S.T. Je ne saurais pas toutes les mentionner dans le cadre de cette discussion. Nous avons, par exemple, réussi à retarder et étaler dans le temps le processus de libéralisation et de privatisation de manière à limiter l’impact sur les travailleurs. Nous avons obtenu que les compagnies de chemins de fer ne soient pas démantelées entre opérations et infrastructures. Il est à noter à ce sujet que la Belgique a décidé unilatéralement de procéder à un tel démantèlement, ce n’était pas une obligation européenne. D’ailleurs, la France fait actuellement marche arrière vers une plus grande intégration des services.

En 2007, nous avons réussi à empêcher la mise en concurrence de tous les services aux passagers relatifs au rail et aux transports urbains publics. Plus récemment, dans le cadre du 4e paquet ferroviaire, nous sommes arrivés à maintenir l’attribution directe des marchés par les autorités publiques jusqu’en 2033. Les textes sont néanmoins susceptibles d’interprétation. Il reviendra à Jedde de gérer cet aspect-là.

De plus, nous avons réussi à souligner l’importance du dialogue social européen par une activité soutenue de tous les partenaires de ce cénacle. En 2003, nous avons conclu deux accords : le premier concernant les conditions de travail du staff mobile et le deuxième relatif à la licence des conducteurs de train. Tous les interlocuteurs du dialogue social se sont accordés pour résister aux excès de libéralisation et pousser des clauses de sauvegarde.

Pour terminer sur une note amusante : après des démarches de longue haleine, nous avons réussi à faire intégrer la notion d’installations sanitaires pour les conducteurs de train. Cela n’a l’air de rien et cela faisait toujours beaucoup rire autour de nous quand on mentionnait cette nécessité mais il s’agit vraiment d’une question de dignité sur le lieu du travail et aussi de facilitation d’accès des femmes à la profession.

Sabine et Jedde, un dernier mot ?

J.H. J’aimerais demander à Sabine son sentiment pour le futur du secteur. Es-tu optimiste ou critique ?

S.T. Il est clair que tu devras faire face à de nombreux défis mais je reste optimiste. Mon conseil est de ne jamais abandonner car quelque part sur le chemin, le succès sera au rendez-vous. //

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