/Liesbet Verboven
Interview & texte - Lieven Bax // Adaptation et traduction - AC-ML // Photos - Els Verhaeghe // Illustration - Rutger Van Parys // HIVER 2023 // Temps de lecture - 9 minutes
Début 2023, ETF a lancé une campagne portant sur une thématique devenue résolution d’actualité lors du récent congrès de la CSC-Transcom. Elle souligne l’importance de porter plus d’attention aux risques auxquels sont confrontées les femmes (surtout) lors de leurs trajets domicile - lieu de travail. « Nous remarquons que les employeurs pensent souvent que leur obligation d’assurer un environnement de travail sécurisé s’arrête aux portes de l’entreprise. Ce qui se passe au-delà ne les regarde plus ; or rien n’est plus faux », déclare Liesbet Verboven, permanente à la CSC-Transcom dans le secteur transport routier et logistique en Flandre Occidentale et représentante des femmes au sein du comité exécutif de la section des transports routiers d’ETF.
L’ENTREVUE /
Quelle est l’origine de la campagne « Get Me Home Safely » (‘Ramenez-moi à la maison en toute sécurité’, NDLT) ?
Cette campagne provient à l’origine d’une initiative anglaise. Elle été lancé dans d’autres pays de l’Union Européenne suite au dernier congrès d’ETF à Budapest en 2022. Unite, un syndicat anglais, en avait fait la demande dans une résolution d’actualité qui a été approuvée. Cette campagne avait débuté au Royaume-Uni suite à l’agression et au viol d’une affiliée d’Unite alors qu’elle rentrait chez elle à pied, après son service tardif dans un hôtel de luxe. Son employeur avait refusé de lui payer un taxi alors qu’il était trop tard pour prendre le bus.
ETF a décidé de confier cette campagne au Women’s Committee (‘Comité des Femmes’, NDLT) pour implémentation dans tous les secteurs du transport. Depuis plusieurs années, nous réfléchissions à la manière de rendre les secteurs plus accueillants pour les femmes ou plus adaptés à leurs besoins.
Déjà en 2016, une enquête en ligne avait été complétée par plus de mille femmes, tous secteurs des transports et pays confondus. Les résultats de cette enquête nous ont laissé sans voix. 63 % des répondantes avaient déclaré avoir subi des violences au moins une fois, 25 % pensaient que des actes violents à l’égard des femmes se produisaient régulièrement dans leur secteur, 26 % étaient d’avis que l’intimidation et les comportements inappropriés faisaient tout simplement partie de leur boulot ! Une enquête datant de 2020 a abouti aux mêmes constatations. En outre, une femme sur deux estimait que son employeur n’accordait aucune importance à la création d’un environnement de travail sécurisant pour ses travailleuses.
« Depuis plusieurs années, nous réfléchissions à la manière de rendre les secteurs plus accueillants pour les femmes ou plus adaptés à leurs besoins »
Liesbet Verboven
Comment est-ce qu’ETF a concrétisé les résultats des différentes enquêtes ?
ETF a chargé Jane Pillinger, une chercheuse indépendante qui a travaillé, entre autres, en tant qu’experte en matière de genre pour l’Organisation internationale du travail et la Confédération européenne des syndicats, de partir des résultats de la première enquête pour rédiger un rapport et des recommandations.
Une des recommandations portait sur le lobbying en faveur de la ratification de la Convention C190 de l’OIT, une convention internationale contre la violence et le harcèlement sur le lieu de travail ainsi que sur le trajet entre le domicile et le lieu de travail. En Belgique, elle a déjà été ratifiée mais seuls une trentaine de pays en ont fait de même au niveau mondial. Mme Pillinger avait également conseillé à ETF de développer des formations et de l’information sur cette thématique en insistant sur l’aspect genré : comment peut-on empêcher cette violence, comment peut-elle être dénoncée, comment agir si on est témoin de tels actes de harcèlement,...
Idéalement, il faudrait prendre en compte la réalité des trajets entre le domicile et le lieu de travail de chaque travailleur. Au niveau de l’entreprise, les analyses de risques sécurité devraient être plus poussées et enregistrer la manière dont les gens se rendent sur le lieu du travail et sur les actions qui pourraient en découler pour limiter les éventuels risques associés à ces trajets. Ce serait un bon début.
De telles analyses resteraient évidemment propres à chaque entreprise, liées à leur situation géographique et leur secteur d’activités. Les grandes entreprises logistiques se situent généralement au sein de zonings industriels situés loin des villes. Si l’offre des transports en commun est inexistante à certaines heures, comment s’y rendre et en repartir en toute sécurité ? Peut-être que l’employeur pourrait réfléchir à organiser lui-même une offre appropriée de transports. Quant aux travailleurs utilisant leur propre véhicule ou vélo, il faut espérer que le parking ne se trouve pas à 300 mètres de distance, dans un endroit isolé, et qu’ils ne doivent pas emprunter un chemin peu illuminé pour s’y rendre.
« Idéalement, il faudrait prendre en compte la réalité des trajets entre le domicile et le lieu de travail de chaque travailleur »
Liesbet Verboven
Une partie de la responsabilité n’incombe-t-elle pas également aux hommes politiques ?
Au niveau national, le pouvoir législatif pourrait prévoir que les analyses de risques que les entreprises sont obligées de faire chaque année incluent les déplacements entre le domicile et le lieu de travail. Je pense aussi au rôle que peuvent jouer les collectivités locales en matière d’aménagement des espaces publics, de construction de zones d’activités, de logements et d’investissements dans les transports et autres équipements publics.//
/TUI Fly
Chez TUI Fly, le personnel en stand-by susceptible d’être appelé pour remplacer des collègues absents doit impérativement se présenter à l’aéroport dans les
45 minutes. Auparavant, les membres du personnel qui n’habitaient pas à proximité de l’aéroport n’avaient d’autre choix que de rester dans leur voiture, le long de la route ou dans un parking proche. Cela engendrait beaucoup de stress, surtout la nuit.
Grâce au travail syndical, la période de stand-by peut désormais se dérouler dans un hôtel proche de l’aéroport aux frais de l’employeur. Selon Jessica Milazzo, cheffe de cabine et déléguée syndicale, « c’est beaucoup plus sûr et confortable. En outre, cela permet de vraiment se reposer entre les périodes de travail. »
Pour finaliser cet accord,
une CCT a été conclue avec TUI Fly.