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/Patrick Deboosere

Texte : L. Bax | Traduction et adaptation : A-C M-L | été 2025 | temps de lecture : 1 minute

Patrick Deboosere est démographe et auteur. Il cherche à dissiper les nombreuses fausses idées persistant au sujet de la soutenabilité de nos pensions.

TROIS QUESTIONS À /

Le gouvernement fédéral veut réformer le système des pensions pour éviter de le mettre en danger. Or, il ne serait pas en danger selon vous.

Patrick — Depuis 2001, le Comité d’étude sur le vieillissement (CEV) sort chaque année un rapport sur le coût du vieillissement. Les calculs prévisionnels de l’évolution de la population, de l’économie et de l’emploi indiquent à chaque fois que le vieillissement reste parfaitement finançable. Il va de soi que les dépenses relatives à la pension augmentent. Il pourrait difficilement en être autrement. Actuellement, un Belge sur cinq a plus de 65 ans et en 2050, il y en aurait un sur quatre. Les coûts actuels des pensions s’élèvent à 11,2 % de notre produit intérieur brut et en 2050, ils devraient s’élever à 13,3 % selon le CEV. Est-ce problématique ? Absolument pas. Dans des pays comme l’Italie, la France, l’Espagne et l’Autriche, les dépenses liées au payement des pensions sont déjà plus élevées. De plus, il s’agit, dans notre pays, d’une augmentation progressive d’un peu plus de 0,1 % par an. L’abaissement des cotisations patronales par le gouvernement Michel et les différents régimes privilégiés qui sont apparus au cours de ces dernières années coûtent annuellement 18 milliards d’euros environ à la sécurité sociale, c. à d. quelque 3 % du PIB pour 2024.

Vous estimez que personne ne devrait être obligé de continuer à travailler après 65 ans.

Patrick — Notre espérance de vie a augmenté de 4,5 ans depuis 2000 et notre santé s’est améliorée grâce à de meilleures conditions de vie et de travail ainsi qu’un mode de vie plus sain. Cependant, la santé ne modifie pas le processus de vieillissement. Notre condition physique se détériore avec l’âge et le risque de rencontrer des problèmes de santé augmente. L’espérance de vie en bonne santé se situe autour des 63 ans. Ce serait donc logique que l’âge légal de la pension soit ramené à 65 ans comme au Canada et en Pologne. Il devrait également être possible d’accéder à un emploi de fin de carrière.

Le combat en faveur des pensions suivrait donc la même logique que celui pour les journées de travail de 8 heures et du congé payé.

PatrickLe mouvement ouvrier s’est toujours battu pour le temps. Au début du capitalisme, il n’était pas rare de travailler jusqu’à 14 heures par jour, 7 jours sur 7. Ce n’est qu’en 1905 que l’interdiction du travail du dimanche a été instaurée et ce n’est qu’après la première guerre mondiale, en juin 1921, que la loi sur les 8 heures a été votée. L’esprit révolutionnaire soufflant alors sur l’Europe a permis à de nombreux pays d’adopter facilement cette loi. Cependant, en Belgique, des grèves massives ont été nécessaires pour y arriver. Il en va de même pour la semaine de congés payés. Celle-ci n’a été votée qu’après des grèves et manifestations considérables.

Le double meurtre de deux syndicalistes anversois, Albert Pot et Theofiel Grijp, par des militants d’extrême-droit a été l’étincelle qui a mis le feu aux poudres et transformé le mécontentement provoqué par d’importantes coupes budgétaires en grève générale.
En juin 1936, des centaines de milliers de personnes ont arrêté le travail et le 8 juillet 1936, la loi sur les vacances annuelles a été approuvée.

La discussion sur l’augmentation de l’âge de la pension a commencé aux Etats-Unis sous le président Reagan et s’est répandue, au fil du temps, à l’entièreté du monde anglo-saxon. L’augmentation de l’espérance de vie est utilisée comme argument pour obliger les gens à travailler plus longtemps. Aux Pays-Bas, le gouvernement Rutte a profité d’un déficit budgétaire de 4,5 % - résultant de la crise bancaire - pour réduire, en 2013, les dépenses de plus de 12 milliards d’euros. Dans l’accord dit « de printemps », l’âge de la pension a été porté à 67 ans depuis 2023 et couplé à l’espérance de vie grandissante. C’est une mainmise énorme sur le bien le plus précieux que nous possédions : le temps. Le temps écoulé ne revient jamais. C’est pourquoi le temps est considéré comme un combat essentiel par le mouvement ouvrier depuis des temps immémoriaux. //

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