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L’ENTREVUE /

Raymond Lausberg, inspecteur principal

Texte - A-C M-L // Photos - CSC-Transcom, Raymond Lausberg // ÉTÉ 2022 // TEMPS DE LECTURE: 5 MINUTES

Le 17 mai 2022, la CSC-Transcom a organisé une journée d‘étude intitulée : « L’avenir du transport routier : concurrence loyale ou dumping social ? » Trois panels d’experts ont abordé cette question sous un angle différent : les contrôleurs, la justice, les acteurs sociaux et les institutions.

Raymond Lausberg, inspecteur principal responsable de la section transports de la Police Fédérale de la Route à Battice, dans la province de Liège, est intervenu à ce titre en tant qu’expert. Quand son équipe et lui contrôlent des véhicules de transport de marchandises (principalement), elle vérifie que le chauffeur, son véhicule et le chargement respectent les différentes législations en vigueur.

Selon lui, le problème du dumping social est apparu dans le secteur des transports routiers vers 2004 et s’est accéléré dès 2007. A cette époque, l’intégration des premiers pays de l’Est dans l’Union Européenne permet à certains transporteurs peu scrupuleux de créer des structures organisationnelles très particulières dans ces pays avec pour objectif d’optimiser les coûts et d’augmenter les profits… en pratiquant la concurrence déloyale et le dumping social, en contournant ou en enfreignant toute une série de règlements et législations. Ces pratiques peu recommandables ont provoqué la faillite de nombreux transporteurs et jeté les chauffeurs de l’Est et de pays tiers dans des situations de travail proches de l’esclavagisme.

Au cours de sa carrière, Raymond Lausberg été en première ligne pour constater l’évolution du dumping social. Le dernier Paquet mobilité européen, dont les premières mesures sont entrées en vigueur en août 2020, tente de contrer ce phénomène. Néanmoins, force est de constater que le nombre d’infractions a explosé ces deux dernières années : toute bonne législation est vouée à l’échec si les moyens humains et financiers ne sont pas mis en œuvre pour contrôler son respect.

Les infractions constatées ont le potentiel de mener à des accidents mortels

Lors des contrôles, la liste d’infractions ou manquements potentiels est incroyablement longue et diversifiée. Certains sont visibles, d’autres moins. Toutefois, ils ont quasiment tous un point commun : celui d’avoir le potentiel de se terminer en accident mortel.

En effet, un chauffeur fatigué, un camion ou un car mal entretenus, une cargaison mal arrimée sont des dangers pour le chauffeur et tous ceux qui évoluent autour de lui sur les routes. En ce sens, ces infractions sont le problème de tous !

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Les chauffeurs, premières victimes du dumping social

Les chauffeurs victimes de dumping social ne peuvent et ne doivent pas être pénalisés. Lors des contrôles, R. Lausberg tient à les rassurer sur ce point. En effet, les chauffeurs doivent suivre les consignes de leurs employeurs sous peine d’être licenciés, voire mis sur une liste noire, ce qui ne leur permettrait plus de retrouver du travail auprès d’autres transporteurs. Les chauffeurs sont les premières victimes des abus de leur patron.

Certains chauffeurs sont telle---
ment exploités qu’ils en viennent à se rendre à un poste de police pour demander de l’aide, après avoir sillonné pendant des semaines les routes européennes dans de mauvaises conditions, sans être payés et sans pouvoir manger et se reposer correctement.



99 pour cent environ des véhicules contrôlés sont en infraction



En Belgique, il n’existe pas de service social dédié pouvant les prendre en charge. Pour gérer une telle situation, Raymond Lausberg se tourne, par exemple, vers la CSC-Transcom. Roberto Parrillo, responsable général logistique et transport routier, prend alors le relai. En bonne collaboration avec les différentes autorités, il entreprend les démarches nécessaires pour que le chauffeur soit payé et puisse rentrer chez lui. Entre-temps, la police de la route fait les vérifications d’usage et confisque le véhicule, pour augmenter la pression sur le transporteur concerné.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes

Raymond Lausberg déplore le manque de moyens humains et financiers assignés aux contrôles des transports routiers. Il se rappelle l’époque où il devait utiliser son propre ordinateur en mission, faute de matériel adéquat mis à sa disposition.

Pourtant, sans contrôle, toute législation est vouée à l’échec. Les transporteurs peu scrupuleux ont vite fait le calcul : il est plus profitable de continuer à enfreindre les législations et payer les amendes émises après de rares contrôles que de se conformer aux règlements et législations. D’ailleurs, tous les chauffeurs disposent de cartes de crédit pour pouvoir payer immédiatement l’autorité de contrôle. « Parfois, le payement de l’amende s’effectue plus rapidement que le temps qu’il faut pour établir les documents relatif aux infractions constatées », explique Raymond Lausberg.



0,66 €/km prix demandé par un transporteur pratiquant le dumping social

Et quand on sait que la plus grande majorité des contrôles aboutit sur le payement d’une amende, le calcul devrait être aussi vite fait par l’Etat : les contrôles sont très profitables ! Un exemple : de janvier à mi-avril 2022, 87 % des 210 contrôles ont mené à la constatation d’une infraction pour un montant total d’amendes s’élevant à plus de 402.000 €. Le peu de moyens assigné aux missions de contrôle apparait donc étonnant face à ce constat.

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La qualité, pas la quantité

L’Union Européenne préconise que 3 % des véhicules soient contrôlés. « C’est dérangeant », explique Raymond Lausberg. « Il ne s’agit pas d’arrêter et contrôler en vitesse toute une série de véhicule ou de verbaliser à tout-va pour un total de 50 €. On passe à côté des objectifs de ces contrôles : rendre les routes plus sûres, rendre le dumping social plus difficile, s’assurer du bon respect des législations. Un contrôle approfondi prend beaucoup de temps car le diable se cache parfois dans les détails. La qualité ne souffre d’aucun chiffre ».

Et quand bien même il faudrait faire du chiffre, il faudrait pour cela s’assurer de moyens humains et financiers conséquents.



« La CSC-Transcom nous a soutenu plusieurs fois en prenant en charge les chauffeurs étrangers ayant besoin d’aide immédiate »



Un combat perdu d’avance ?

« Des résultats encourageants nous poussent à ne pas abandonner le dumping social », affirme Raymond Lausberg. « Nous travaillons en bonne collaboration avec toute une série d’acteurs : auditorats du travail, jugements, syndicats belges, étrangers et européens dont la CSC-Transcom, médias,… Même les chauffeurs que nous avons aidés nous remercient. Grâce à notre travail, ils peuvent rentrer chez eux ou sortir de leurs misérables conditions de travail. »

C’est pourquoi, il ne faut pas baisser les bras. La CSC-Transcom se bat aux côtés des chauffeurs pour les aider à obtenir des conditions de travail respectables et respectueuses des différentes législations en vigueur. //

/Transport routier et dumping social : une problématique multidimensionnelle, visible et invisible

Quelques exemples d’infractions : traite des êtres humains (repos hebdomadaire pris à bord du véhicule, périodes ininterrompues de travail pendant plusieurs semaines, salaire incorrect ou non versé au chauffeur, etc.), état technique pitoyable du véhicule (pas de passage au contrôle technique, remorques sans système de freinage, pneus usés jusqu’à la corde, etc.), faux documents, fraude au carburant, cabotage illégal, informations non encodées dans le tachygraphe ou encodées de manière erronée, etc.

kijker

/Raymond Lausberg

Tourneur-fraiseur de formation

45 ans de service dans la Police Fédérale

43 ans de service dans la Police Fédérale de la Route

22 ans de service comme inspecteur principal responsable de la section transports de la Police Fédérale de la Route à Battice dans la province de Liège

Formateur spécialisé en arrimage et répartition des charges

Marié et grand-père de 8 petits-enfants

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