FLASHBACK /
Une grève sauvage dans le port d'Anvers a incité les syndicats à ajuster leur fonctionnement
Texte - Lieven Bax // Photo - Archives de la ville d'Anvers // été 2023 // temps de lecture - 1 minute
Il y a 50 ans, quelque deux mille dockers d'Anvers ont débrayé pendant deux mois. Il s'agit de la plus longue grève de l'histoire du port d'Anvers. Les grévistes sont restés les mains vides, mais leur action a influencé le fonctionnement des syndicats.
La grève qui a partiellement paralysé le port d'Anvers pendant huit semaines en 1973 a commencé le 6 avril à... Gand. "Les dockers gantois étaient mécontents des salaires et des conditions de travail fixés dans une nouvelle cct conclue un an plus tôt, et un certain nombre de mouvements d'extrême gauche, comme AMADA et la Ligue des travailleurs révolutionnaires, qui étaient en plein essor à l'époque, s'en sont immédiatement emparés", explique Raf Wouters, qui travaillait alors pour la CVD (Christelijke Vervoerarbeiders en Diamantbewerkers) - qui fusionnera plus tard avec le SCCC (Syndicat Chrétien des Communications et de la Culture) pour former la CSC-Transcom. "Ces mêmes organisations avaient également incité les mineurs du Limbourg quelques années auparavant."
Le fait que la grève ait éclaté à Gand et n'ait été suivie à Anvers que quelques jours plus tard n'est pas une coïncidence, selon Frans Jacobs, un autre vétéran de la CVD. "Les dockers gantois étaient connus pour être un peu plus fanatiques, avec un petit noyau très actif, plus ouvert aux influences politiques. Ces influences et le fait que plusieurs membres de la direction de l’UBOT socialiste se trouvaient parmi les grévistes ont contribué à ce que la grève du 9 avril s'étende au port d'Anvers."
Rats
Certaines sources parlent d'une grève qui a paralysé tout le port d'Anvers, mais en réalité, environ 80% des 12.000 dockers anversois ont continué à travailler. "Il n'y avait pas vraiment de piquets de grève non plus", se souvient Raf Wouters. "Les grévistes se rassemblaient généralement au kot, d'où ils défilaient devant les bâtiments syndicaux tout en protestant."
Les grévistes se sont retournés contre les syndicats parce qu'ils ne reconnaissaient pas l'action. "Les syndicats avaient signé cette nouvelle cct à peine un an plus tôt et ne voulaient pas revenir là-dessus. Les dockers n'ont pu compter que sur la promesse de pouvoir apporter certains éléments lors des négociations ultérieures de cct."
Le fait que la grande majorité des dockers n'ait pas participé à la grève n'a pas été sans conséquences. "Aux yeux des grévistes, leurs collègues non-grévistes étaient des ‘rats’. Certains grévistes ont commencé à déterrer des crânes dans les cimetières de la région du Waasland pour les jeter par des fenêtres de chambres dans les maisons des non-grévistes."
Gendarmerie
Sans le soutien des syndicats, les manifestations ont non seulement été qualifiées de "grève sauvage", mais les grévistes n'ont pas non plus pu bénéficier d’indemnités de grève. À un moment donné, on commençait à voir la misère dans des familles nombreuses, et les femmes des grévistes sont intervenues dans le conflit. Elles sont descendues dans la rue pour réclamer des indemnités de grève et le soutien des syndicats. "On voyait également la nervosité monter chez les gendarmes de l'époque", raconte Raf Wouters. "Ces hommes étaient restés trop longtemps à l'intérieur. Dans le centre-ville, il y a eu de violents affrontements entre les grévistes et la gendarmerie". Ca a été immédiatement le début de la fin.
Le 4 juin 1973, la grève était effectivement terminée. "Sans aucun engagement concret", note Raf Wouters. "Mais lorsque la cct suivante est entrée en vigueur en 1975, les dockers ont obtenu une augmentation substantielle", se souvient Frans Jacobs. "Je me souviens d'une centaine de francs par équipe."
La grève des dockers de 1973 n'a pas été reconnue par les syndicats, mais elle a profondément modifié leur fonctionnement. "Cette grève leur a fait prendre conscience qu'il n'était plus possible de conclure des cct sans organiser au préalable un référendum sur celles-ci. Des comités de gestion ont été créés et les dockers ont été beaucoup plus impliqués dans la prise de décision", explique Raf Wouters. //