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PAROLES DE MILITANT /

«On continue d’ancrer dans la tête des femmes que réclamer quelque chose, c’est mal vu.»

TEXTE Anne Leclercq | PHOTO Guy Puttemans | TEMPS DE LECTURE: 0,2 MINUTES | 15 FÉVRIER 2023

/Robin Gilson (33)

Opérateur de formation chez Tilman, 
laboratoire pharmaceutique spécialisé 
dans la phytothérapie, 
à Baillonville.

«J’en suis à mon premier mandat en DS, CPPT et CE. J’apprends encore ce que c’est d’être délégué. Nous avons eu, entre collègues, des discussions sur le salaire de manière générale: beaucoup disaient rencontrer des difficultés financières. En même temps, la cadence du travail augmente, l’entreprise se porte bien. Ce n’est pas normal d’avoir difficile.
Un peu par hasard, je me suis rendu compte que les travailleuses des secteurs majoritairement féminins (l’expédition par exemple) avaient un niveau de salaire moindre. En discutant avec elles, on a réalisé que la plupart d’entre elles n’avait jamais demandé d’augmentation. La question ne se posait même pas pour elles: elles estimaient que c’était à l’employeur de décider quand et si elles méritaient une augmentation de salaire.
Certaines d’entre elles, avec plusieurs années d’ancienneté (jusqu’à 15 ans), n’avaient jamais eu d’augmentation ni de revalorisation en dehors de l’index, alors qu’elles avaient plus d’expériences et de responsabilités que certains collègues masculins.
Actuellement, je suis en pleine lutte pour que cet écart salarial disparaisse. Quand j’ai interpellé la direction à ce sujet, elle s’est dit consciente qu’il fallait une revalorisation. Elle a «comparé» les salaires du marché pour le même type de poste et a déclaré être dans la norme.
J’ai quand même obtenu que les travailleuses soient évaluées sur leur travail, pour la première fois. Mais, alors que le travail fourni est conséquent depuis des années, leur évaluation n’a porté que sur la dernière année et la direction a estimé qu’il n’y avait pas eu de progression. Et pourtant, en 2022, il y a eu une progression de 23% de croissance et 40% de volume de vente en plus. Sans engagement supplémentaire, c’est notre cadence et la charge de travail qui n’ont fait qu’augmenter.
On est face à un problème de fond, qui va prendre des années. On continue d’ancrer dans la tête des femmes que réclamer quelque chose, c’est mal vu. Et pourtant, si elles ne réclament pas, elles n’auront rien.»