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ÉLECTIONS SOCIALES /

Critères pour déterminer les limites de l’entreprise

13 DÉCEMBRE 2023 | TEMPS DE LECTURE: 4,5 minutes

Entre les 15 et 28 décembre 2023, l’employeur devra afficher un premier avis dans l’entreprise, marquant ainsi le début de la procédure des élections sociales. Cette échéance sera fixée précisément selon la date qui aura été retenue pour les élections dans l’entreprise. Cet avis contiendra notamment les limites de l’entreprise telle que l’employeur souhaite les fixer. En cas de contestation sur ce choix de l’employeur, quelles sont les démarches que vous pouvez entreprendre?

Afin de déterminer quelles personnes ou quel(s) groupe(s) de personnes vont voter et dans quel cadre ils vont le faire, on détermine une unité technique d’exploitation (UTE). Celle-ci peut se composer d’une ou plusieurs entités juridiques ou être une partie d’entité juridique. Lorsque l’UTE est clairement définie, tous les travailleurs qui la composent sont donc appelés à voter afin d’élire leurs représentants auprès des CPPT et CE.

Fixer les limites, pas toujours aussi simple

Fixer les limites d’une UTE s’avère souvent compliqué. Concrètement, nous sommes souvent face à plusieurs constructions ou entités juridiques qui se chevauchent. Par exemple, une partie du personnel est inscrite auprès de plusieurs employeurs juridiques mais, dans les faits, ils relèvent tous d’une même direction. Dans ce cas, lors des élections sociales commencent alors les discussions quant à savoir qui relève du «district électoral» d’un CPPT ou d’un CE, quelles sont ses limites… Bref, on cherche à délimiter les UTE.

Certains employeurs tentent parfois de soustraire certaines parties de leur groupe de la description de leur entreprise pour passer sous le seuil électoral d’un CPPT ou d’un CE, pour maintenir certaines parties de leur entreprise à l’écart de la concertation sociale.

La présomption légale

En ce qui concerne la délimitation d’une UTE, la législation élections sociales précise qu’il faut dégager un accord au niveau de l’entreprise. Cet accord détermine qui et quel élément fait partie de l’UTE. Rappelons que la loi interdit de soustraire une partie des travailleurs du processus des élections sociales. Au plus tard pour le jour X-35, l’employeur doit faire connaître sa décision concernant la délimitation de la ou des UTE pour les élections sociales. En cas de désaccord, il est possible d’intenter une action dans les sept jours qui suivent (avant X-28 donc) auprès du tribunal du travail. Ce délai passé, la discussion est close et plus aucun recours n’est possible.

En cas de litige, la loi a prévu le principe de «présomption légale» afin de faciliter la tâche des syndicats. Concrètement, on parle de présomption:

1. lorsque la preuve peut être fournie que les entités juridiques font partie d’un même groupe économique ou qu’elles ont des activités communes ou liées entre elles (c’est la partie la plus simple);

ET

2. lorsqu’il existe certains éléments indiquant une cohésion sociale entre ces entités juridiques.

Dans ce cas, on suppose que l’entreprise forme un ensemble socio-économique. Il revient alors à l’employeur de prouver que les affirmations sont sans fondement afin de renverser cette présomption .

La loi donne donc une avance juridique à ceux qui tentent de prouver que plusieurs entités juridiques constituent une même UTE. Toutefois, avant que la situation ne dégénère au point d’exiger un recours juridique, il est toujours possible d’amorcer une discussion avec l’employeur (avant le jour X-35) en respectant cette même règle, autrement dit en apportant des preuves de cohésion sociale. Plus votre dossier sera solide, plus les chances de parvenir à un compromis seront grandes.

Comment prouver cette cohésion économique et sociale?

L’UTE est déterminée sur la base de critères économiques et sociaux. En cas de doute, les critères sociaux sont prépondérants.

Le «Guide pratique législation élections sociales 2024», que vous pouvez trouver sur le site web de la CSC (www.lacsc.be/elections-sociales), contient de nombreuses informations sur le sujet. En cas de litige ou de contestation au sein de votre entreprise ou organisation, il constitue un outil qui vous permettra de vérifier quels critères s’appliquent dans votre cas.

Vous pourrez en outre retrouver une liste

indicative de critères économiques et sociaux sur www.syndicaliste.be dans l’article correspondant du Syndicaliste n°989.

Quels sont les critères acceptés com-me preuve de cohésion sociale?

La liste des indicateurs de cohésion sociale acceptés par la jurisprudence est en constante évolution. Le «Guide pratique législation élections sociales 2024» les répertorie de manière détaillée. Ils peuvent avoir trait à l’infrastructure, à la politique du personnel, aux conditions de travail, à la concertation sociale, à l’organisation interne de l’entreprise, ou encore aux activités sociales dans l’entreprise.

Critères économiques pour déterminer l’unité technique d’exploitation

Les critères économiques sont, quant à eux, souvent plus faciles à réunir parce qu’il s’agit de données plus objectives. Si ces critères économiques démontrent l’existence d’un lien par exemple entre deux entités juridiques, il suffira par la suite d’apporter un début de preuve de critères sociaux afin d’inverser la charge de la preuve. En revanche, de simples critères économiques ne suffisent pas. À défaut de lien social, deux entités juridiques entre lesquelles un lien économique a été démontré n’appartiendront pas à la même unité technique d’exploitation.

Quels sont les critèreséconomiques?

Les éléments suivants démontrent l’existence d’un lien économique (art. 14 §2, b loi CE, art. 50, §3 loi Bien-être):

• appartenir au même groupe économique, ou être géré par la même personne, ou par des personnes entre lesquelles il existe un lien économique;

• les différentes entités juridiques exercent la même activité ou des activités concordantes.

À propos du premier point, la loi précise qu’ «Il s’agit ici de groupes de sociétés et de filiales, ou de sociétés liées par une joint-venture ou de groupes familiaux.» Si la gestion est assurée par différentes personnes, la preuve d’un lien familial ne suffit pas. Il faut aussi fournir la preuve d’un lien économique.

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AU PLUS TARD POUR LE JOUR X-35, L’EMPLOYEUR DOIT FAIRE CONNAÎTRE LA DÉLIMITATION DE LA OU DES UTE.

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Concernant le deuxième point, l’exemple donné dans la loi est que «soit elles exercent la même activité, par exemple, une chaîne d’hôtels et de restaurants, ou une chaîne de magasins, soit elles ont des activités dépendantes, par exemple une activité de production et une activité de coordination.»

Il est clair qu’un seul élément n’est pas toujours probant. Il faut donc réunir un maximum d’indications économiques, sur la base de preuves écrites.

Comment réunir toutes ces informations?

De nombreuses informations se trouvent sur le site internet de la Banque nationale, où vous pouvez notamment retrouver les comp-tes annuels de votre entreprise et les noms des administrateurs. Par ailleurs, dans cha-que fédération ou chaque centrale, vous pouvez solliciter l’aide d’un ou plusieurs experts en informations économiques et financières (IEF) qui ont accès à une banque de données où vous pouvez retrouver ces informations plus facilement, et donc plus rapidement.

L’organigramme de l’entreprise - qui fait partie des informations économiques et financières que la direction doit communiquer chaque année au conseil d’entreprise - peut vous renseigner sur les membres de la direction. Si vous soupçonnez un lien économique, vous pourriez vérifier si l’autre entreprise dépend aussi du même directeur par exemple.

Lorsque vous avez réuni ces preuves de cohésion économique, vous devez aussi rassembler des indices de la cohésion sociale qui sont déterminants.

Entre X-60 et X-35, vous avez le temps d’examiner au sein de l’entreprise la répartition en unités techniques d’exploitation proposée par l’employeur. Après X-35, vous ne disposez que d’une semaine (jusque X-28) pour intenter un recours au tribunal si vous n’êtes pas d’accord avec la proposition de l’employeur. Si vous devez alors seulement commencer à constituer votre dossier, vous risquez fortement de vous retrouver à cours de temps. Mieux vaut donc commencer au plus tôt.


/La liste des critères sociaux et économiques éventuels

Critères économiques

Dans la jurisprudence, les éléments qui dénotent un lien économique se présentent sous diverses formes:

  • appartenance à un même groupe économique ou dépendance d’un ensemble économique qui assure à différents niveaux une coordination des entreprises;
  • l’entreprise est gérée par une même personne ou par des personnes entre lesquelles il existe un lien économique;
  • présence des mêmes personnes au sein des conseils d’administration ou des comités de direction;
  • dépendance budgétaire;
  • participations en capital croisées;
  • fondateurs identiques;
  • exercer la même activité ou des activités en adéquation;
  • exercer des activités sur le même marché;
  • dépendance d’un ensemble économique qui assure à différents niveaux une politique cohérente et la coordination des entreprises;
  • existence d’une comptabilité commune;
  • même politique de marketing (ex: même politique de prix, même politique publicitaire, même directeur commercial);
  • même composition du capital social (mêmes actionnaires);
  • disposer du même CEO, des mêmes managers, avoir des directeurs de la production et du marketing identiques, etc.;
  • politique d’achats commune;
    • politique informatique commune, politique d’achats commune, même facturation, etc.;
    • existence d’un organigramme commun;
    • le même site Internet, le même logo, le même papier à lettres, le même compte bancaire, etc.;
    • le même réviseur.

Critères sociaux

• Infrastructure(s) ou services communs: utilisation des mêmes bâtiments, d’un parking commun, d’une cafétéria commune, de papier à lettre commun, de sections ou services communs (ex.: comptabilité, gardiennage, entretien, nettoyage, etc.).
• Politique du personnel commune: service du personnel commun, notes de service communes au personnel, mêmes régimes de vacances, mêmes caisses de vacances, même application des règles d’ancienneté et même gratification de l’ancienneté ou de classification des fonctions, mêmes dispositions pour le remboursement des frais, accueil commun des nouveaux collaborateurs, publication simultanée d’offres d’emploi internes, recrutement commun pour le personnel, formations communes pour le personnel, un seul système d’évaluation, mise à disposition mutuelle de personnel…
• Rémunération ou conditions de travail identiques: même système de rémunération, paiement commun des salaires, mêmes assurances extra-légales ou mêmes avantages, règles identiques, mêmes badges, prime de rendement identique, basée sur des résultats de l’une des sociétés, les avantages du holding sont offerts aux travailleurs des deux entités juridiques…
• Même concertation collective dans l’entreprise: conventions collectives de travail communes, une seule et même personne comme interlocuteur vis-à-vis de la délégation syndicale…
• Mêmes activités sociales dans l’entreprise: fête de St Nicolas ou autres fêtes communes, participation commune aux activités sociales et festives, même fête du personnel, diffusion commune d’informations, mêmes dispositions pour les événements familiaux…;
• Même organisation interne dans l’entreprise: utilisation de la même pointeuse ou du même système d’enregistrement du temps de travail et traitement central des données qui en découlent, central téléphonique commun, même réseau informatique interne, même site web, même intranet, extranet, logo, instructions communes pour l’enlèvement de déchets, utilisation du même uniforme pour tous les collaborateurs…
• Prestations médicales similaires: service de médecine du travail commun, médecin du travail commun, même médecin-contrôle en cas de maladie, même coordinateur environnemental, service commun pour la prévention et la protection…
• Mêmes affiliations externes: même assurance accidents du travail ou assurance similaire, même caisse d’allocations familiales, recours à la même agence de travail intérimaire et aux mêmes travailleurs intérimaires, même compte bancaire, même réviseur d’entreprise…
• Règlement de travail similaire: même règlement de travail pour l’essentiel, personne de confiance commune en cas de harcèlement sexuel, même registre de plaintes…
• Même approche en cas de fermeture d’une des entités juridiques: les travailleurs sont licenciés par une entité juridique et sont ensuite réengagés par l’autre entité avec maintien de l’ancienneté…

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