DANS L’ENTREPRISE /
Perturbateurs endocriniens: les travailleurs mieux protégés
TEXTE Kris Van Eyck | PHOTO Shutterstock | TEMPS DE LECTURE: 3 MINUTES | 23 SEPTEMBRE 2023
Chaque jour, un grand nombre de travailleurs sont exposés à des perturbateurs endocriniens. Une nouvelle législation garantit que les mêmes mesures de prévention strictes s’appliquent aux substances perturbatrices endocriniennes que celles dont nous disposons pour les substances cancérigènes. Au sein du CPPT - ou de la délégation syndicale s’il n’y a pas de CPPT - il faut vérifier que l’entreprise applique le principe STOP obligatoire pour ces substances.
Un perturbateur endocrinien perturbe le fonctionnement de nos hormones et est donc nocif pour la santé (voir le Syndicaliste n°975 du 30/11/22). L’exposition à ces substances est associée, par exemple, à une hausse de l’infertilité, à des perturbations du système immunitaire, à des malformations de l’appareil reproducteur, au développement prématuré des seins chez les filles, au cancer des testicules, au cancer du sein, à l’obésité, au diabète, au TDAH et à la maladie d’Alzheimer. Cependant, les perturbateurs endocriniens ne sont pas uniquement dangereux à haute dose. Ils présentent aussi un effet typique à faible dose, c’est-à-dire que des effets négatifs peuvent se produire même à très faible concentration. Il y a par ailleurs l’effet cocktail, car notre monde est un véritable melting-pot de produits chimiques. Les conséquences de la combinaison de faibles quantités de différentes substances sont plus graves que prévu. Pour les travailleurs, il faut ajouter à cette liste l’exposition sur le lieu de travail. Sont concernées les entreprises fabriquant des produits et articles contenant des perturbateurs endocriniens: certains plastiques, résines époxy, retardateurs de flamme et mousses anti-incendie, peintures et vernis, colles et mastics, désherbants et dératiseurs, cosmétiques et autres produits d’hygiène corporelle, produits de nettoyage et de lessive, entre autres. Les expositions se produisent aussi dans les secteurs où ces produits sont utilisés ou transformés: agriculture et horticulture, construction, nettoyage, textiles, soins de beauté, pompiers, recyclage des déchets.
De nouvelles règles plus strictes
Un arrêté royal relatif à la protection des travailleurs contre les perturbateurs endocriniens a été publié le 18 juillet 2023. Désormais, les règles strictes que nous connaissons depuis longtemps pour les substances cancérigènes s’appliqueront dans toutes les entreprises (voir Code bien-être au travail, livre VI, titre 2). Le principe STOP aura alors force de loi, y compris pour les substances perturbatrices endocriniennes (voir encadré). Il existe donc désormais une obligation de substitution (= remplacer par une substance moins dangereuse) lorsque les conditions techniques le permettent. Cette obligation est nécessaire car aucune limite d’exposition sûre ne peut être déterminée pour la plupart des perturbateurs endocriniens.
La nouvelle législation garantit également une meilleure protection des travailleuses enceintes et des jeunes travailleurs contre les risques que présentent ces substances. Dans le cas d’une grossesse, il faut examiner si l’exposition à la substance perturbatrice endocrinienne présente un risque spécifique. Si tel est le cas, des mesures doivent être prises pour éliminer ce risque (Code du bien-être, livre X, titre 5 et articles 41 et 42 du Code du travail du 16 mars 1971 ). Pour les jeunes, il existe en principe une interdiction de travailler avec ces substances. On ne peut y déroger que dans des conditions strictes (Code du bien-être, livre X, titre 3).
L’annexe VI.2-4 du Code du bien-être contient une première liste de 33 substances perturbatrices endocriniennes auxquelles s’appliquent ces règles strictes. Un exemple bien connu de cette liste est le bisphénol A, que l’on trouve notamment dans toutes sortes de plastiques et dans le papier thermique des tickets de caisse. Cette substance était auparavant interdite dans les biberons et les cosmétiques, mais elle est encore souvent utilisée dans d’autres applications. L’Europe a également commencé à identifier ces substances perturbatrices endocriniennes. Chaque fois qu’une substance est reconnue comme perturbateur endocrinien en Europe, la nouvelle législation s’y applique automatiquement.
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Les membres du CPPT - ou la délégation syndicale en l’absence de CPPT - doivent recevoir une liste des substances dangereuses présentes dans l’entreprise.
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Du travail pour le CPPT
Les membres du CPPT - ou les délégués, en l’absence de CPPT - doivent recevoir une liste des substances dangereuses présentes dans l’entreprise. Si ce n’était pas déjà le cas, il serait judicieux d’en faire la demande. Parallèlement, vous pouvez demander si des substances perturbatrices endocriniennes sont présentes. Si c’est le cas, cherchez à savoir si le principe STOP est strictement appliqué. La surveillance de la santé des travailleurs exposés aux perturbateurs endocriniens est par ailleurs obligatoire. Veillez à demander l’avis du médecin du travail à ce sujet.
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La meilleure prévention est l’interdiction totale des substances dangereuses. À défaut, il convient d’appliquer le principe STOP. On commence par le S de Substitution. Lorsque ce n’est pas possible techniquement, on passe au T, etc. La hiérarchie ou l’ordre de ces mesures est primordial pour traiter les risques au maximum à la source.
• S = Substitution (remplacement): remplacer la substance dangereuse par une alternative plus sûre, par exemple des produits contenant moins ou pas de perturbateurs endocriniens.
• T = Mesures technologiques: réduire la concentration de la substance dangereuse lors de son utilisation, assurer une bonne ventilation, etc.
• O = Mesures organisationnelles: réduire le nombre de travailleurs exposés et/ou réduire la durée et l’intensité de l’exposition.
• P = Équipement de protection individuelle: porter des vêtements ou des équipements de protection individuelle tels que des lunettes ou des gants pour protéger le travailleur contre l’exposition.