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DANS L’ENTREPRISE | ENVIRONNEMENT /

Pfas et contaminations aux nanoplastiques: un sujet pour la concertation sociale en entreprise

TEXTE Sophie Reginster | PHOTO Shutterstock | TEMPS DE LECTURE 4 minutes

Voici quelques semaines, on apprenait que plusieurs localités wallonnes ont consommé une eau contaminée aux Pfas, ces polluants chimiques qu’on retrouve dans les textiles, les produits ménagers, les mousses anti-incendies… Mais qu’en est-il dans votre entreprise? Utilise-t-elle des produits contenant ces polluants éternels? Et quelle est la qualité de l’eau potable mise à disposition des travailleurs dans l’entreprise? Ces questions méritent d’être posées au CE ou au CPPT.

Depuis la parution de l’enquête Investigation de la RTBF en novembre 2023, les Pfas (per – et polyfluoroalkylées) sont à la une de la presse.

Utilisés dans l’industrie chimi-que, on les retrouve dans beaucoup de biens d’utilisation quotidienne: ustensiles de cuisine antiadhésifs, textile, emballages alimentaires, cosmétiques, mous-ses anti-incendie, isolants, cires à parquet, vernis, peintures, produits de nettoyages, certains pesticides... Le problème, c’est que ces substances se propagent dans nos écosystèmes et qu’ils sont considérés comme «indestructibles».

Ces substances chimiques impac-tent notre santé en dérégulant notre système hormonal, impactant directement notre thyroïde, notre fertilité, la croissance des fœtus ou encore favorisant les cancer-hormonodépendants. On les reconnaît aussi comme responsables de lésions au foie, d’immunotoxicité, d’augmenter notre cholestérol ou encore de certains cancers (reins, testicules, etc.).

Nous inhalons ces substances à travers l’air, mais aussi à travers l’eau qu’on boit ou via les aliments contaminés en amont de la chaîne alimentaire. Récemment, des taux élevés de Pfas ont été retrouvés dans l’eau de distribution de certaines communes, notamment du Hainaut, de Liège ou du Luxembourg, mais surtout en Flandre.

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Nous inhalons ces substances à travers l’air, mais aussi à travers l’eau qu’on boit ou via les aliments contaminés en amont de la chaîne alimentaire.

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En janvier 2024, c’est une étude américaine qui a montré la concentration élevée en nanoplastiques dans l’eau venant des bouteilles (PET) en plastique ainsi que des filtres en plastiques utilisés pour filtrer l’eau (Nylon) (Revue PNAS). Là encore, les ef-fets sur la santé ne sont pas neu-tres: cancer, maladies cardiovasculaires, inflammation de l’intestin, etc.

Boire de l’eau de qualité, c’est donc un enjeu global. Mais en tant que représentant du personnel, que peut-on faire pour protéger ses collègues et les écosystèmes?

Point à l’ordre du jour du CPPT: la qualité de l’eau au travail

L’employeur est obligé de mettre à disposition de l’eau potable en suffisance à ses travailleurs. Cela peut prendre plusieurs formes: eau du robinet, fontaine à eau, bouteilles en plastique, bouteilles en verre, etc.
La qualité de l’eau est donc à vérifier. Lorsqu’elle vient du robinet ou d’une source: est-elle contaminée en Pfas et/ou en nanoplastiques?

Le bon réflexe: ajouter à l’ordre du jour du prochain CPPT un point sur la qualité de l’eau au travail. Voici des exemples de questions à poser:

• Quels sont les relevés Pfas pour notre commune?

• Pourrait-on établir une analyse de notre eau (Pfas)?

• Si l’eau est fournie dans des bouteilles en plastique, pourrait-on passer à des bouteilles en verre?

Point à l’ordre du jour du CE: l’impact de la production de mon entreprise sur les écosystèmes

Les produits utilisés par l’entreprise qui contiennent des Pfas peuvent rejeter ces composés chimiques dans les écosystè-mes au moment de leur production, de leur utilisation ou au moment de leur gestion en tant que déchet. Mettre l’entreprise face à ses responsabilités environnementales, c’est aussi le rôle des délégués.

D’ailleurs, de manière progressive, les entreprises vont de plus en plus être contraintes à rendre des indicateurs «non financiers» certifiés (CSRD), incluant l’impact de l’entreprise sur l’environnement.

Le bon réflexe: ajouter à l’ordre du jour du prochain CE un point sur le risque de rejet de Pfas lors du procédé industriel de l’entreprise. Voici des exemples de questions à poser:

• À quels endroits de la chaîne de production de l’entreprise y a-t-il un risque de retrouver des Pfas (revêtements, textiles, vernis, peinture, produits d’entretien, etc.)?

• Pourrait-on procéder à une analyse chimique des éléments relevés comme «potentiellement risqués»?

• Si l’entreprise produit ou utilise des Pfas, a-t-elle envisagé des alternatives moins polluantes?

• Des dispositions sont-elles prises pour éviter que des Pfas passent dans l’environnement (eaux de surface notamment)?

• Les travailleurs qui manient ces produits ont-ils reçu une formation/des procédures d’utilisation pour les sensibiliser aux dangers des Pfas?

• L’entreprise est-t-elle déjà soumise ou à quelle échéance sera-t-elle soumise au reporting non-financier (CSRD)?

• L’entreprise a-t-elle un système de filtrage de son eau par microbilles de plastique?

Ils l’ont déjà fait

Vincenzo Maragliano est délégué chez TotalEnergies. Lors de la sortie de l’émission RTBF investigation sur les Pfas, l’entreprise TotalEnergies a été citée. Dès le lendemain, Enzo Maragliano et son équipe ont convoqué un CPPT extraordinaire.

Deux préoccupations naissent chez les délégués: d’une part, il faut sensibiliser et protéger les travailleurs (proximité avec les produits visés et qualité de l’eau con-som--mée); d’autre part, il faut protéger l’environnement et, par ricochet les riverains, des rejets.

Toute une série de questions sont posées dans ce sens-là. D’abord au CPPT, mais aussi au CE et en DS.

À la suite de leur intervention, ils ont obtenu des actions rapides: 150 prélèvements ont été réalisés par un laboratoire indépendant. Ils prendront plusieurs mois à être analysés. L’eau de consommation a également été testée.

«Nous avons rapidement pu rassurer nos collègues sur la qualité de l’eau bue par le personnel. Au niveau des échantillons, il va maintenant falloir détecter les sources de contamination pour pouvoir les éliminer. Ce n’est pas simple car l’analyse peut porter sur des milliers de sortes de Pfas. Et il y a également les Pfos.»

Malgré tout, des actions concrètes ont déjà rapidement été prises. Par exemple, les mousses incendies ont été remplacées par des alternatives sans Pfas.

Au-delà de leur usine, l’équipe CNE de TotalEnergies utilise tous les endroits mis à sa disposition pour veiller à la protection des travailleurs et de l’environnement sur les Pfas. Par exemple, elle a amené ce point à leur réunion intersièges pour échanger avec les délégations néerlandophones. L’équipe est également en contact avec la médecine du travail pour améliorer les équipements de protection individuelle et renforcer le suivi du personnel potentiellement exposé.

Enfin, de manière plus globale, Vincenzo utilise son rôle de négociateur en commission paritaire de la chimie pour améliorer la protection et les préventions au niveau du secteur, allant jusqu’au suivi médical post-entreprise.

Sources

• Canopea, «Pfas – Des lobbys tout aussi toxiques que les substances qu’ils défendent».

• En Marche, «Les Pfas, des polluants éternels».

• RTBF investigation «Chièvres: 12.000 habitants ont bu une eau contaminée aux Pfas, des prises de sang révèlent une forte contamination.»

• PNAS, «Proceedings of the National Academy of Sciences», «Rapid single-particle chemical imaging of nanoplastics by SRS microscopy».

• Science.lu, «Est-ce que la pollution aux microplastiques pose un problème?»

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