NOIR SUR BLANC /
Un travail plus sûr et plus sain grâce à l'Europe
TEXTE Kris Van Eyck | PHOTO Shutterstock | 13 DÉCEMBRE 2023 | TEMPS DE LECTURE: 4 minutes
Nous sommes nombreux à méconnaître les législations européennes et à sous-estimer leurs impacts dans notre vie quotidienne. Pourtant, si nous travaillons chaque jour dans de meilleures conditions de santé et de sécurité, nous le devons à une législation européenne forte et détaillée.
Depuis 1989, 24 directives destinées à mieux protéger les travailleurs contre des risques spécifiques ont complété un cadre général pour l’analyse des risques et la prévention. Songeons au bruit, aux produits dangereux, au portage de charges, aux rayonnements, aux risques en cas de grossesse, aux moyens de protection individuels, à la sécurité des lieux de travail, etc. Grâce à ce cadre législatif européen, nous avons pu renforcer et moderniser rapidement la législation belge sur le bien-être. Pour ce motif, la CSC a toujours beaucoup investi dans le suivi de ce processus européen, auquel sa contribution s’est avérée significative.
Il existe de bonnes raisons de contribuer à une législation européenne forte. Chaque année, on dénombre encore plus de 3.300 accidents mortels et 3,1 millions d’accidents non mortels. À cela s’ajoutent plus de 200.000 décès de travailleurs en raison de maladies professionnelles, dont plus de 100.000 cancers dont la cause est professionnelle. De plus, la sécurité et la santé ne peuvent être un facteur de concurrence entre les pays. Il est donc préférable que les règles soient identiques dans toute l’Union européenne. C’est également pour cela que l’Union européenne entretient des contacts réguliers avec d’autres grandes puissances économiques telles que les États-Unis et la Chine. Un niveau de protection identique dans chaque pays est d’ailleurs particulièrement important pour les travailleurs étrangers, un groupe de plus en plus nombreux.
Risque de cancer
Alors que nous travaillons sur toute une gamme d’améliorations de la législation, concentrons-nous cette fois-ci sur les cancers professionnels. Combien de travailleurs peuvent être atteints d’un cancer parce qu’ils ont été exposés à des produits cancérogènes sur leur lieu de travail? Si la réponse correcte est «aucun», la réalité est, hélas, tout autre. D’où l’importance de fixer des limites claires à cette exposition. C’est ce que fait l’Union européenne lorsqu’elle définit les concentrations maximales auxquelles les travailleurs peuvent être exposés. Nous appelons cela des «valeurs limites».
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BEAUCOUP DE TRAVAILLEURS SONT EXPOSÉS À DES SUBSTANCES DONT LA VALEUR LIMITE IMPLIQUE UN RISQUE DE CANCER NETTEMENT PLUS ÉLEVÉ. CITONS PAR EXEMPLE L’AMIANTE ET LA POUSSIÈRE DE SILICE LIBÉRÉS DANS L’ATMOSPHÈRE LORSQUE L’ON TAILLE UNE PIERRE ET DU BÉTON OU QU’ON DÉCOUPE DES PIERRES NATURELLES.
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Depuis 10 ans, nous sommes parvenus, notamment sous la pression constante de la CSC, à définir les valeurs limites européennes des principaux produits cancérogènes. Nous accomplissons ce travail au sein d’un comité consultatif européen sur la sécurité et la santé, qui conseille la Commission européenne sur l’ensemble de la législation relative à la sécurité et la santé. Mieux même, nous sommes parvenus, cette année, à convaincre les employeurs membres de ce comité, ainsi que les États membres de l’Union européenne, de ne plus accepter un risque de cancer supérieur à quatre cancers professionnels pour 1.000 travailleurs et à nous donner comme objectif que le risque de cancer ne dépasse pas quatre cancers professionnels pour 100.000 travailleurs. Ce risque est bien trop élevé, direz-vous. Vous avez raison. Mais il s’agit d’un progrès énorme. Aujourd’hui, beaucoup de travailleurs sont exposés à des substances dont la valeur limite implique un risque de cancer nettement plus élevé. Citons par exemple l’amiante et la poussière de silice libérés dans l’atmosphère lorsque l’on taille une pierre et du béton ou qu’on découpe des pierres naturelles.
Vers une réduction du nombre de cancers
Grâce à ces nouveaux accords, nous savons désormais sur quelles substances nous devons nous concentrer en priorité. Pour l’amiante, les travaux préparatoires sont terminés. La nouvelle valeur limite devrait être publiée dans les prochains mois. Elle sera 50 fois moindre que la valeur actuelle. Le comité consultatif a remis en septembre un avis à la Commission européenne concernant des normes strictes pour cinq autres produits cancérogènes, dont le cobalt et les fumées de soudage. Le Parlement européen et le Conseil européen entameront en octobre des négociations sur de nouvelles valeurs limites pour le plomb et les diisocyanates, une substance qui est présente dans des mousses isolantes, des matelas, des semelles de chaussures, etc. En 2024, nous entamons la procédure en vue de réduire la valeur limite de la poussière de silice. Les syndicats sont les instigateurs de toutes ces évolutions et presque tous les groupes du Parlement européen les soutiennent. La CSC investit dans ce travail, notamment par le biais du Comité consultatif européen sur la sécurité et la santé et par le biais de contacts avec le Parlement européen. L’objectif final consiste à disposer, dans quelques années, de normes strictes pour 50 produits cancérogènes responsables de 80% de l’exposition à des produits dangereux.
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SEPT ANS APRÈS L’ADOPTION D’UNE LOI EN BELGIQUE, L’UNION EUROPÉENNE S’EST AUSSI DOTÉE D’UNE LÉGISLATION SUR LES SUBSTANCES REPROTOXIQUES.
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La Belgique, pionnière en la matière
L’Europe n’apporte pas de solution à tout. La CSC ne ménage pas ses efforts pour que la Belgique promulgue des lois sur les risques qui ne sont pas encore couverts au niveau européen. Nous pouvons certainement être fiers des résultats obtenus. Notre travail sur un cadre législatif pour les risques psychosociaux, les substances reprotoxiques et, encore dernièrement, les perturbateurs endocriniens (cf. Syndicaliste n°984 du 13/9/23, p.16). a été couronné de succès.
Nous attendons cet automne une proposition de législation sur une autre revendication importante de la CSC: la prévention des troubles musculosquelettiques (TMS). Nous utilisons ces bons exemples belges pour ouvrir les portes européennes. Sept ans après l’adoption d’une loi en Belgique, par exemple, l’Union européenne s’est aussi dotée d’une législation sur les substances reprotoxiques. Avec la présidence belge du Conseil européen, au premier semestre 2024, nous plaidons désormais pour une directive européenne qui protège les travailleurs contre les risques psychosociaux. Cette interaction constante entre les niveaux national et européen permet d’accélérer l’amélioration de la sécurité et de la santé de tous les travailleurs européens.